Je hais les indifférents. Pour moi, vivre veut dire prendre parti. Celui qui vit vraiment ne peut pas ne pas être citoyen ou partisan. L'indifférence est apathie, elle est parasitisme, elle est lâcheté, elle n'est pas vie. C'est pourquoi je hais les indifférents" disait le célèbre philosophe italien, Antonio Gramsci. Une maxime qui peut servir de fil à plomb à la vie d'un citoyen, fût-ce-t-il journaliste.
Le journaliste doit-il prendre parti ? La question est universelle et unique, la réponse multiple, grisâtre et loin du tout noir ou tout blanc. Beuve-Méry, le fondateur du "Monde", invitait à une subjectivité désintéressée qui serait finalement logique pour peu que l'on y trouve aucun intérêt personnel. Essayons-là sur le sujet épineux et complexe des Primaires citoyennes de la gauche.
Dimanche 9 octobre aura lieu le premier tour de ce scrutin inédit dans la vie politique française puisque c'est la première fois que l'ensemble des citoyens peut s'il le souhaite choisir le candidat d'un parti à l'élection présidentielle.
Départager les gauches
Plus largement, ce scrutin est l'occasion pour les électeurs de trancher des débats qui existent depuis longtemps à gauche. Social-démocratie ? Social-libéralisme ? Gauche radicale mais pragmatique ? Ces trois gauches s'affrontent lors de ces primaires. La premiere, sociale-démocrate classique, est incarnée par François Hollande, Martine Aubry et pour une part par Ségolène Royal, la seconde sociale-libérale est incarnée par Manuel Valls, tandis que la troisième, radicale mais pragmatique, est celle d'Arnaud Montebourg. Finalement, le choix est simple. Il s'agit de savoir si la gauche veut ou non tenter de remettre en cause les préceptes de ce sytème économique libéral hérité de Milton Friedman ou si elle veut seulement l'accompagner et l'aménager à la marge.
C'est l'enjeu du premier tour des primaires citoyennes, dimanche 9 octobre. Choisir entre les gauches. Celles, social-démocrate et social-libérale, qui se contenteront d'aménager le système à la marge, proposant des mesures que la droite elle-même pourrait voter et s'arrangeant finalement des inégalités et des laissés-pour-compte de ce système où l'argent est roi. C'est la gauche de François Hollande, de Manuel Valls, de Martine Aubry voire même de Ségolène Royal.
Vieilles recettes, ficelles rabâchées des milliers de fois oscillant entre les exonérations de charges patronales pour favoriser l'emploi et le nécessaire recours à l'emploi public. C'est intéressant mais un peu court. Il est fâcheux de se présenter à l'élection présidentielle de 2012 avec des recettes déjà évoquées en 1995, voire avant !
Redevenir radical
Surtout, cette gauche n'essaye plus. Sa philosophie est simple, elle tient en une phrase, celle prononcée par Lionel Jospin en 1997 : "L'Etat ne peut pas tout". Alors, cette gauche a décidé de ne plus vraiment essayer d'être radicale. Radicale au sens étymologique du terme, c'est-à-dire de se préoccuper de la "racine" des problèmes, pas seulement des feuillages ou des fleurs fânées.
Dans ces primaires, un seul candidat porte cette idée de radicalisme et cette envie de tenter
des solutions nouvelles en essayant réellement quelque chose. Essayer ne veut pas dire réussir sur tout, mais cela veut dire faire de la politique pour tenter de changer les choses. Essayer par exemple de s'attaquer au pouvoir de la finance que même le président de la République dans son discours de Toulon en 2008 taxait "d'irresponsabilité généralisée". Essayer par exemple d'imaginer de nouvelles institutions plus démocratiques. Essayer encore de favoriser des voies alternatives comme le capitalisme collaboratif.Bref, essayer de véritablement changer les choses, en France et en Europe. Aujourd'hui, lorsque l'on veut essayer on est traité d'idéaliste. Jaurès, Blum, Mendès-France ou encore Mitterrand sont donc d'incurables idéalistes. Les idéalistes ont toujours changé les choses. Les réalistes du type Guy Mollet, jamais. Entre les deux voies préférons l'idéalisme. "Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel" écrivait Jaurès. Réel et idéal, deux choses qui doivent s'équilibrer. L'une ne doit pas annuler l'autre comme ce fut trop souvent le cas pour l'idéal ces dernières années.
Dans un livre écrit en 2005, intitulé Quand la gauche essayait, Serge Halimi dressait un bilan de l'exercice du pouvoir par les forces de gauche. Il parlait du Cartel des Gauches, du Front Populaire, ou des premières années du premier septennat de François Mitterrand. Pour lui, elles ont toujours plié devant le marché, mais ont essayé. Leurs essais, s'ils n'ont pas toujours été transformés ont au moins permis de faire avancer les choses.
Pour faire un vrai choix, dimanche 16 octobre, lors du deuxième tour des primaires citoyennes, il faut permettre que le candidat de la gauche qui essaye, qui ne s'excuse pas d'être de gauche et qui est le seul à porter cette sensibilité d'y figurer en votant massivement pour lui le 9 octobre. Ce candidat, c'est Arnaud Montebourg.
Article initialement paru sur le Plus Nouvel Obs quelques jours avant le premier tour des primaires citoyennes.