L’affaire Bettencourt comme un roman balzacien et tous les personnages qui gravitent autour, de près ou de loin, tous plus excessifs les uns que les autres. Une histoire de famille, de fric surtout, un rapport mère-fille explosif aussi et des avocats, des juristes, des juges, des journalistes qui tournoient autour entre le ricanement sarcastique, le soupir exaspéré, le cri scandalisé et la moue méprisante ou écœurée, tous les sentiments humains s’y retrouvent: c’est la plus significative des misérables comédies humaines actuelles.Derrière tout ce cirque médiatique, une entreprise des plus prospères souvent présentée comme La vitrine de l’industrie française.Au premier plan cependant, qui a surtout été montré du doigt et ridiculisé? Qui est «ce pelé , ce galeux d’où venait tout le mal»?Qui est l’âne de la fable dont la peccadille de manger l’herbe d’autrui fut jugé un cas pendable quand les autres avaient tué le berger?Jean-Marie Banier, bien sûr en sa qualité de «bouffon» de la reine, celle qui aurait laissé un appartement de luxe à celui qui gardera son chien après sa mort. (Ici je ne peux éviter l’allusion aux «Animaux malades de la peste» du cher La Fontaine, auquel il est toujours bon de revenir).«Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.»
Trois ouvrages viennent de sortir concernant cette affaire dont une BD sarcastique :Un milliard de secrets par Marie-France Etchegoin (Robert Laffont)Tout le monde aime Liliane, par Laurent Léger et Riss (Les Echappés) BDJ’ai lu celui de l’ami de longue date de Banier, bien que depuis une trentaine d’années ils ne se soient pas revus. N’empêche! Jean-Marc Roberts a senti le besoin d’écrire à son ancien ami tendrement aimé dans les années soixante-dix. Il en dresse un portrait attendri et, ce faisant, il dessine aussi son autoportrait. Il semble sincère, c’est cru, dru, bien écrit, je veux dire sans fioritures, ni plaintes, ni récriminations. Qu’en retiendrai-je sinon que ces deux-là se sont rencontrés au printemps 1973, qu’ils ont passé leur jeunesse en compagnie d’Aragon, de Madeleine Castaing, la décoratrice et de tant d’autres personnes célèbres avec lesquelles ils partageaient tout, que Banier est « plus intéressant qu’intéressé »C’est le genre de livre que je n’aurais jamais acheté mais que j’ai choisi pour l’avoir trouvé sur la table des nouveautés de la bibliothèque. Je ne le regrette pas d’ailleurs, c’est comme un article de Match un peu plus détaillé et amical. Voici un passage de la fin du livre, après une soirée bien arrosée.«Quand le chauffeur entend la destination, il t’ordonne de descendre, c’est trop près trois cents mètres. Je dois négocier avec lui, m’arranger sur un montant de course minimal, je double la somme afin qu’il t’emporte.Le type ne t’a pas reconnu et tu en souffres, tu en es presque choqué. «Comment ça, hurles-tu, comment ça, ma tête ne vous dit rien, Banier, Bangkok, Ankara, Nouméa, Iéna, Eldorado, Rambouillet, Banier. Je suis l’assassin de la reine d’Angleterre, le neveu d’oncle Jean, l’amant de Louis Aragon. Banier (Tu scandes ton nom tel un putois.) J’ai ratiboisé la femme la plus riche du pays. T’es pas français, Avance, vermisseau, je suis sûr que tu as un local. Tu veux qu’on te la roule à deux, mon copain sera d’accord. Allez, roule, ma poule!»Le taxi, effrayé, démarre. Je vous ai couru après mais la voiture a grillé le premier feu rouge comme si le chauffeur avait décidé de me semer.»(Photo:de gauche à droite : Roberts, Banier, l'acteur Pascal Greggory la femme de Roberts Bettina, le décorateur Jacques Grange)François-Marie par Jean-Marc Roberts, roman, (Gallimard, 2011, 96 pages)