Retour gagnant au théâtre Marigny pour ce musical majeur écrit en 1966 par le célèbre duo Kander & Ebb sur un livret de Joe Masteroff, mis en scène par BT McNicholl, chorégraphié par Susan Taylor, d'après la version signée Sam Mendes et Rob Marshall. Un spectacle qui va à l'essentiel, rigoureux, créatif, dense, magnifiquement interprété, et qui, disons-le, nous colle une claque magistrale.
Rappelons brièvement le pitch. Dans le Berlin des années 30, Cabaret nous narre le quotidien d'une logeuse et de ses locataires en parallèle de celui d'un établissement de nuit, reflet festif et décadent d'une société rongée par la crise et la montée du nazisme dans laquelle les uns choisiront d'adhérer aux idées du parti, ou du moins feront avec, quand les autres les rejetteront...
Pas un personnage qui n'ait sa place et ne soit capital dans un livret dont chaque scène, chaque réplique est justifiée. Pas une note à corriger parmi toutes ces mélodies diablement efficaces, dont l'intensité et la montée dramatique égalent celle du scripte. Rien à redire non plus sur la mise en scène épurée, intelligente, précise, et d'une fluidité rare, rythmée par des chorégraphies sensuelles, provoquantes, dérangeantes, utiles et sensées.
Le spectacle est par ailleurs porté par une distribution de premier choix. A peu de choses près la même qu'en 2006. Tous justes, les comédiens font preuve d'une belle sincérité, ce qui n'est pas toujours le cas dans le petit monde des musicals où il faut savoir tout faire (jouer,chanter, danser).
Dans le rôle de la logeuse Fraulein Schneider, Catherine Arditi nous a bouleversés. Son duo amoureux avec Pierre Reggiani (Herr Shultz) est toujours aussi poignant. Nous sommes par ailleurs heureux de voir à quel point elle a gagné en assurance dans les parties chantées. Autant que de constater comme Emmanuel Moire, le petit nouveau de la troupe, a sû s'imprégner de son personnage de maître de cérémonie du cabaret, se débarrassant d'un aspect trop lisse et gentil qui aurait pu nuire au rôle. Si l'on savait qu'il assurerait sans aucun souci vocalement, nous sommes maintenant convaincus de ses talents d'acteur. Il passe sans encombre, et avec une aisance bluffante la première scène du musical, véritablement casse gueule si l'on n'est pas dedans. Joli travail ! Il fait désormais jeu égal avec "la coqueluche de Mayfair", Sally Bowles, alias Claire Pérot dont on n'a cessé ici de louer le talent et qui mène le spectacle, écrivons-le une nouvelle fois, magistralement. Ses interprétations de "Maman", "Mein Herr" et "Cabaret" resteront longtemps dans nos mémoires. N'oublions pas Delphine Grandsart, aussi drôle qu'effrayante en fille de joie convertie au nazisme, Patrick Mazet, parfait en "bon allemand" faussement avenant, et Geoffroy Guerrier impeccable en jeune américain témoin de cette sombre période de l'histoire.
L'ensemble n'est pas en reste. Multipliant sans faute les rôles secondaires, tous jouent en plus d'un instrument. Ce qui nous permet d'avoir sur scène un orchestre des plus complets comme on en voit rarement. Pour notre plus grand bonheur, car cela s'entend !
N'en jetons plus, ce spectacle restera comme l'une des plus belles réussites proposées dans notre capitale en matière de comédies musicales anglo-saxones. A tous points de vue il est essentiel, musicalement, théâtralement et chorégraphiquement, susceptible de nous mettre du plomb dans la tête sans oublier de nous divertir au mieux.
Courez-y !
Jusqu'au 31 décembre au Théâtre Marigny, avant une tournée dans toute la France.
Ci-dessous quelques extraits tournés par mes soins, en complément de ceux issus des répétitions proposés il y a un mois (toujours visionnables sur ce blog). Qu'Emmanuel Moire me pardonne, j'eusse aimé vous montrer sa prestation d'ouverture mais un problème de son sur la bande m'en empêche...
Enfin la bande annonce officielle...