Ça doit faire six ans maintenant, un peu plus. Et quand j’y pense c’est aussi l’arrivée sur Paris, le début de mes peintures de paysages : moment de bascule radical. Ouverture aout 2005, chez blogger. Parce qu’indiqué par un ami, facile prise en main. Le titre « les pas perdus » choisi parce que peut-être l’intuition déjà que j’y viendrais tourner comme à l’écart du tumulte, que ce serait un peu ma chambre, cette « chambre à soi » si nécessaire à Virginia Woolf. Et drôle, rétrospectivement, le territoire que c’était aborder. Sans doute qu’on s’imaginait pas être à l’origine de quelque chose et l’ampleur que ça allait prendre. Rien n’était prédictible dans l’utilisation de ces nouveaux outils, ni leur généralisation, ni leur durée. Le blog culturel déjà, c’était une poignée à peine. On s’était réunis un jour tous plus ou moins à la maison rouge à Paris à l’initiative d’un qui tenait « lunettes rouges », Marc Lenot - beau parcours depuis. Même certains venus de Belgique pour voir ce que c’était un peu nos têtes cachées derrières des pseudos (à l’époque c’était pop corn, comme si l’invention de ce territoire demandait que l’on s’invente aussi un nom pour y roder), des titres, des écritures et qu’on était de tous âges, tous horizons avec ce seul point commun d’écrire sur l’art sur Internet. Me souviens un peu des explications qu’il fallait donner à ceux pour qui blog était nécessairement synonyme de mise en réseau adolescente. Et du mal aujourd’hui à imaginer qu’on était effectivement si peu. Bien sûr qu’on n’avait pas trop su quoi se dire de se voir en vrai, démasqués, sinon quelques banalités et visiter l’expo comme on savait faire. Il y avait ça déjà dans le fait de se livrer sur l’espace publique du réseau, qu’on avait l’impression d’être déjà un peu familier, de savoir. Cette journée qui ressemblait à une journée presse : on commençait de comprendre qu’en marge de la presse écrite on nous lisait. Je me souviens d’invitation à venir visiter une expo « qui devait m’enchanter » et sur laquelle je pourrais écrire ensuite, mais n’y avais jamais répondu. On avait, par rapport à la presse écrite, une totale indépendance et la liberté de sujets, de ton, d’écrire ou pas. On était chez nous dans nos blogs avec portes ouvertes sur blogs amis. J’avais place un peu à part déjà dans le groupe, ne m’en tenant pas aussi rigoureusement que les autres au compte rendu régulier d’expositions mais glissant ça et là vers le journal, la prose libre questionnant par les mots ce que j’essayais dans l’atelier. J’étais l’artiste qui parlait un peu depuis l’intérieur. Celui un peu hybride, contour mal défini. Et au fond, la critique artistique n’a jamais été chez moi que dilettante, la publication épisodique. Le blog comme friche, atelier. Quelques temps déjà que j’envisage de tout rapatrier et refondre mon site perso en l’intégrant. Me manque encore le courage de remonter mes manches pour fabriquer la charpente de cette maison atelier. Dans l’anatomie frustre de nos blogs au départ, ces quelques liens : juste une dizaine au début, et puis d’autres s’ajoutant au fil des renvois. On faisait encore la démarche à l’époque des échanges de liens, on nous invitait à inclure des bannières. Longtemps qu’on ne demande plus cette réciprocité et autorisation. Les façons changent aussi. Il y avait les outils que l’on téléchargeait pour suivre la fréquentation de nos pages et les pics soudains de fréquentation lorsqu’un autre renvoyait à quelque chose qu’on avait pu publier. On pouvait s’étonner d’être consulté depuis l’étranger et de ce que tout le monde semblait se connecter vers les mêmes heures en début de soirée. On remarquait comme la fréquentation et l’indexation par les moteurs de recherches dépendant de la fréquence de publication et certains, véritables agendas complets des expos du moment à avancer loin en tête. Plus fréquents aussi les commentaires, presque obligés pour signaler qu’on avait lu. Quelque part on était d’un mouvement avec la responsabilité ou la charge de le nourrir ou l’animer. Les post était réguliers et on faisait quasi quotidiennement le tour intégral de nos blogs. Parfois on avait des visiteurs assidus avec lesquels se nouait une vrai relation (et combien qu’on ne connaitrait que comme ça ?), et puis du jour au lendemain, plus ou d’autres. Déjà deux ans après la liste était plus longue et plus difficile la tournée régulière. Plus moyen de me rappeler quand ça a changé et sans doute que ça a été progressif, mais d’une petite communauté on en venait à ne plus percevoir les limites de l’étendue. Exponentiel. Ça en poussait de partout (quelle impression pour ceux qui étaient réellement les pionniers, 10 ans avant ?). Vertige de centaines de blogs singuliers. Et puis il y avait le blog en veille de celle qui disait préparer sa thèse et s’excusait de l’interruption, un qui s’était lassé, l’autre qui avait déménagé et tout ça affectait l’ensemble. La vie de chacun transparaissait derrière la fenêtre. Pas mal ont cédé leur place. J’ai perdu par une fausse manip il y a quelques années l’intégralité des liens tissés à cette époque, impossibles à retrouver. Peut-être eux de leur côté gardent encore dans leurs marges la trace de nos échanges, de cette époque. Et dernièrement, à faire du ménage parmi les liens rompus j’en ai retrouvé quelques uns quand même, certains abandonnés, d’autres toujours actifs. Peu à peu s’étaient greffés les blogs littérature, les sites plus élaborés, mais déjà parmi eux-mêmes certains aujourd’hui disparus. Juste d’en relire les noms me ramène à ma chambre de bonne parisienne, encombrée au possible. Mes longues errances dans la ville. La nécessité de confier tout ça pour en prendre la mesure. Les nuits à refaire le monde sur msn, telle remarque un moment qui avait entrainé qu’on écrive alors sur le blog. J’avais 25 ans, j’en ai 31 et tout ça me semble une éternité. Les marges pour témoigner. L’internet en a sans doute absorbé l’histoire et puis, c’est le propre des mutations, un nouveau visage se sera imposé par dessus l’autre. Qui pour se rappeler comment se présentait mon site perso ouvert dans ans avant ? On n’a plus de malle pour renfermer tout ça. Les choses, oubliant leur genèse, se construisent comme mythes.
Ça doit faire six ans maintenant, un peu plus. Et quand j’y pense c’est aussi l’arrivée sur Paris, le début de mes peintures de paysages : moment de bascule radical. Ouverture aout 2005, chez blogger. Parce qu’indiqué par un ami, facile prise en main. Le titre « les pas perdus » choisi parce que peut-être l’intuition déjà que j’y viendrais tourner comme à l’écart du tumulte, que ce serait un peu ma chambre, cette « chambre à soi » si nécessaire à Virginia Woolf. Et drôle, rétrospectivement, le territoire que c’était aborder. Sans doute qu’on s’imaginait pas être à l’origine de quelque chose et l’ampleur que ça allait prendre. Rien n’était prédictible dans l’utilisation de ces nouveaux outils, ni leur généralisation, ni leur durée. Le blog culturel déjà, c’était une poignée à peine. On s’était réunis un jour tous plus ou moins à la maison rouge à Paris à l’initiative d’un qui tenait « lunettes rouges », Marc Lenot - beau parcours depuis. Même certains venus de Belgique pour voir ce que c’était un peu nos têtes cachées derrières des pseudos (à l’époque c’était pop corn, comme si l’invention de ce territoire demandait que l’on s’invente aussi un nom pour y roder), des titres, des écritures et qu’on était de tous âges, tous horizons avec ce seul point commun d’écrire sur l’art sur Internet. Me souviens un peu des explications qu’il fallait donner à ceux pour qui blog était nécessairement synonyme de mise en réseau adolescente. Et du mal aujourd’hui à imaginer qu’on était effectivement si peu. Bien sûr qu’on n’avait pas trop su quoi se dire de se voir en vrai, démasqués, sinon quelques banalités et visiter l’expo comme on savait faire. Il y avait ça déjà dans le fait de se livrer sur l’espace publique du réseau, qu’on avait l’impression d’être déjà un peu familier, de savoir. Cette journée qui ressemblait à une journée presse : on commençait de comprendre qu’en marge de la presse écrite on nous lisait. Je me souviens d’invitation à venir visiter une expo « qui devait m’enchanter » et sur laquelle je pourrais écrire ensuite, mais n’y avais jamais répondu. On avait, par rapport à la presse écrite, une totale indépendance et la liberté de sujets, de ton, d’écrire ou pas. On était chez nous dans nos blogs avec portes ouvertes sur blogs amis. J’avais place un peu à part déjà dans le groupe, ne m’en tenant pas aussi rigoureusement que les autres au compte rendu régulier d’expositions mais glissant ça et là vers le journal, la prose libre questionnant par les mots ce que j’essayais dans l’atelier. J’étais l’artiste qui parlait un peu depuis l’intérieur. Celui un peu hybride, contour mal défini. Et au fond, la critique artistique n’a jamais été chez moi que dilettante, la publication épisodique. Le blog comme friche, atelier. Quelques temps déjà que j’envisage de tout rapatrier et refondre mon site perso en l’intégrant. Me manque encore le courage de remonter mes manches pour fabriquer la charpente de cette maison atelier. Dans l’anatomie frustre de nos blogs au départ, ces quelques liens : juste une dizaine au début, et puis d’autres s’ajoutant au fil des renvois. On faisait encore la démarche à l’époque des échanges de liens, on nous invitait à inclure des bannières. Longtemps qu’on ne demande plus cette réciprocité et autorisation. Les façons changent aussi. Il y avait les outils que l’on téléchargeait pour suivre la fréquentation de nos pages et les pics soudains de fréquentation lorsqu’un autre renvoyait à quelque chose qu’on avait pu publier. On pouvait s’étonner d’être consulté depuis l’étranger et de ce que tout le monde semblait se connecter vers les mêmes heures en début de soirée. On remarquait comme la fréquentation et l’indexation par les moteurs de recherches dépendant de la fréquence de publication et certains, véritables agendas complets des expos du moment à avancer loin en tête. Plus fréquents aussi les commentaires, presque obligés pour signaler qu’on avait lu. Quelque part on était d’un mouvement avec la responsabilité ou la charge de le nourrir ou l’animer. Les post était réguliers et on faisait quasi quotidiennement le tour intégral de nos blogs. Parfois on avait des visiteurs assidus avec lesquels se nouait une vrai relation (et combien qu’on ne connaitrait que comme ça ?), et puis du jour au lendemain, plus ou d’autres. Déjà deux ans après la liste était plus longue et plus difficile la tournée régulière. Plus moyen de me rappeler quand ça a changé et sans doute que ça a été progressif, mais d’une petite communauté on en venait à ne plus percevoir les limites de l’étendue. Exponentiel. Ça en poussait de partout (quelle impression pour ceux qui étaient réellement les pionniers, 10 ans avant ?). Vertige de centaines de blogs singuliers. Et puis il y avait le blog en veille de celle qui disait préparer sa thèse et s’excusait de l’interruption, un qui s’était lassé, l’autre qui avait déménagé et tout ça affectait l’ensemble. La vie de chacun transparaissait derrière la fenêtre. Pas mal ont cédé leur place. J’ai perdu par une fausse manip il y a quelques années l’intégralité des liens tissés à cette époque, impossibles à retrouver. Peut-être eux de leur côté gardent encore dans leurs marges la trace de nos échanges, de cette époque. Et dernièrement, à faire du ménage parmi les liens rompus j’en ai retrouvé quelques uns quand même, certains abandonnés, d’autres toujours actifs. Peu à peu s’étaient greffés les blogs littérature, les sites plus élaborés, mais déjà parmi eux-mêmes certains aujourd’hui disparus. Juste d’en relire les noms me ramène à ma chambre de bonne parisienne, encombrée au possible. Mes longues errances dans la ville. La nécessité de confier tout ça pour en prendre la mesure. Les nuits à refaire le monde sur msn, telle remarque un moment qui avait entrainé qu’on écrive alors sur le blog. J’avais 25 ans, j’en ai 31 et tout ça me semble une éternité. Les marges pour témoigner. L’internet en a sans doute absorbé l’histoire et puis, c’est le propre des mutations, un nouveau visage se sera imposé par dessus l’autre. Qui pour se rappeler comment se présentait mon site perso ouvert dans ans avant ? On n’a plus de malle pour renfermer tout ça. Les choses, oubliant leur genèse, se construisent comme mythes.