L’autre jour, dans le hall d’un cinéma niçois du centre ville, je suis tombé sur une affiche qui m’a fait beaucoup de peine. C’est une affiche qui nous annonce, de façon apocalyptique, que le piratage va tuer le cinéma. Il y a, en ce moment, une certaine focalisation sur le piratage, que ce soit en musique comme en cinéma avec poursuites et procès à la clef. On nous annonce donc que l’échange de fichiers, via les réseaux P2P sur Internet, va tuer le cinéma, la musique et la sauce béarnaise.
Je trouve que cela relève d’un certain culot. Pourquoi ? Parce que, pour se limiter au cinéma, je ne me souviens pas avoir vu des affiches similaires pour dénoncer les atteintes au statut des intermittents du spectacle, autrement plus graves en ce qui concerne la création. Parce que je ne me souviens pas avoir vu d’affiches dénoncer le désengagement de Canal+ dans le financement du cinéma. Parce que je ne me souviens de rien pour alerter le public du danger des multiplexes, ces hypermarchés du film. Parce que rien sur la défense de l’exception culturelle.
C’est culotté et hypocrite, insultant pour les spectateurs et assez malvenu. Pourquoi ? Parce que, en ce début d’année, on nous annonce une année cinéma exceptionnelle. La meilleure depuis 1987 ! Parce que les ventes de DVD explosent et, comme le fait remarquer Antoine de Baecque sur son « chat » de Libération, les DVD donnent envie aux spectateurs de retrouver le chemin des salles. Etonnant non ? Parce qu’il ne faut pas oublier, même si les films qui fonctionnent le mieux sont des films commerciaux, que le système d’aide français fait qu’automatiquement, les entrées en salle induiront une augmentation des aides aux films français, quelqu’ils soient.
Alors, ça veut dire quoi cette façon de culpabiliser les spectateurs ? Qu’est-ce que c’est que cette façon d’accueillir le public ?
Bien sûr, d’accord pour les pirates qui filment en salle (quoi qu’on les voit rarement filmer le dernier Kiarostami !) OK pour ceux qui revendent des copies, ce n’est pas élégant… Mais pour le reste, il est largement temps de redéfinir la notion de copie privée et cesser de vouloir gratter le beurre, l’argent du beurre et le sourire du cinéphile. Les majors du cinéma se foutent de nous quand ils revendent à prix d’or leurs catalogues amortis depuis 40 ans. Surtout quand il n’y a aucun travail éditorial autour (et je salue ici les éditions de Wild Side, HK vidéo, MK2, là au moins, il y a une véritable valeur ajoutée).
Que les salles se prêtent à cette pitrerie est désolant quand on sait que leur malheur est venu de la télévision et de sa démission en matière de propagation de la culture cinématographique. Une petite affiche sur le sujet, peut être ?
Personnellement, je ne charge pas de films. Ce qui m’intéresse dans le DVD, ce sont les possibilités de la VO et du sous titrage. Et puis, surtout, je n’ai pas de télévision, je me souviens de la phrase de Godard (qui d’autre !) qui dit à peu près que quand on a vu un film à la télévision, c’est comme si on disait avoir vu un tableau alors que l’on n’en a vu qu’une mauvaise photocopie. Et oui, le DVD, comme le CD, ce ne sont que des copies de copies des œuvres originales. Ben merde lors !
Au lieu de hurler au pirate, il serait plus normal de rappeler que l’endroit pour découvrir, voir et revoir un film, c’est la salle. Qu’il n’y a pas assez de salles et pas assez de programmations. Que ce n’est pas en inondant de milliers de copies les écrans avec le dernier « blockbuster » que l’on va défendre le cinéma. Et que celui-ci, si on le pirate, ce n’est vraiment pas bien grave.
« A la télévision, on baisse la tête pour voir le film, au cinéma, on la lève ».