L’annonce de sa présence dans l’émission de Taddeï sur France 3, Ce soir ou jamais, faisait déjà frémir de plaisir twitter quelques minutes avant…
L’économiste si actif est intervenu dans la deuxième partie de l’émission sur le thème « Comment sauver les banques et à quel prix ». La question est essentielle et me semble conditionner bien des débats politiques actuels ans la mesure où, pour reprendre les propres mots de Frédéric Lordon qui résument bien ce sentiment largement partagé, « le sauvetage des banques est un scandale sans nom ».
La réflexion qu’il nous a livrée s’articulait justement sur le fil de la tension existante entre le caractère inadmissible de ce sauvetage et sa cruciale nécessité. En effet, si les Etats n’étaient pas intervenus dans la série de faillites en cascades qui a trouvé son point culminant en 2008, c’en serait fini de l’économie mondiale. Cette crise systémique risquait de mener à un chaos économique et social d’une telle ampleur que les états ont été forcés d’intervenir. Sinon, nous en serions réduits au jardin potager ou à l’état naturel… L’argent n’aurait plus en effet aucune valeur et dans ce cas, vous pouvez toujours aller chercher une baguette avec des billets, des pièces ou une carte bleue, le commerçant n’en voudra pas ! J’ai d ‘ailleurs particulièrement apprécié cette sentence de Lordon qui parle de prise d’otage des banques qui confisquent un bien public (l’argent, la monnaie, l’économie) « au profit d’intérêts privés aussi malavisés ». Alors que les tenants de l’ordre établi évoquent si volontiers la prise d’otage des grévistes de certains services publics, comme les transports ou l’école…. L’argent, effectivement, en temps que moyen, ne devrait-il pas en être un, de service vraiment public ?
L’économiste estime que nous ne sommes pas sauvés, que la crise continue, et connaîtra de nouveau des épisodes aussi, sinon plus, importants qu’en 2008, puisque le système bancaire n’en a tiré aucune leçon. Pire, il continue de distribuer des dividendes sidérants aux actionnaires, aux traders et aux dirigeants, ce qui génère bien des incompréhensions et entretient les extrémismes.
Aussi, sa proposition est d’opérer une « déprivatisation » progressive des banques, qui passerait dans un premier temps à titre provisoire par une renationalisation, le procédé le plus simple faute de mieux, en attendant. A l’argument que lui opposait une économiste dont j’ai aussitôt oublié le nom tant elle était lisse incolore et inodore (je parle de ces idées !) et, selon lequel cela avait déjà été fait en 81, coûtait très cher alors que l’état aujourd’hui n’en avait pas les moyens, Lordon a rappelé ce que nous sommes beaucoup à partager et que les oligarchies politiques prenaient si peu, sauf à la marge, en compte… :
Les pouvoirs publics ont raté une occasion, en 2008, de prendre le contrôle des banques en contrepartie de l’aide de l’état, ce qui a généré beaucoup d’incompréhension et de ressentiment, et qui nourrit probablement une partie des votes protestataires, ce dont les caciques de l’UMP se dédouanent à si bon marché…. En tapant à bras raccourcis de manière si grossière et risible sur Montebourg (un bolchévik, vraiment ?
, le rangeant fallacieusement, comme ce fut le cas pour Mélenchon, dans le même champ que la grosse blonde qui tache…N’aura-t-il pas fallu, après la fureur et le bruit de Mélenchon qui n’y ont pas suffit, la percée de Montebourg dans les primaires pour que l’on prenne enfin en compte cette attente populaire forte : plus de justice et d’équité, plus de régulation du système bancaire et financier ? Ne sont-elles pourtant pas, ces couches populaires, les premières à en souffrir, plutôt que les banquiers et les acteurs du système politico-financier, bien au chaud dans leur petit confort personnel alors qu’il s’agit pour d’autres de simplement… manger ?
Cependant, à qui va-t-on , par exemple, demander de recapitaliser les banques qui ont gravement failli, en utilisant forcément, en fin de course, de l’argent public qui fait pourtant nous dit-on si cruellement défaut ?
Aussi, selon Lordon, la prochaine fois, nous n’avons plus le droit de rater l’occasion lorsqu’elle se représentera (on le voit déjà avec Dexia) de museler les banques et le système financier, ce qui ne nous coûtera rien, puisque nous pourrons les reprendre au prochain crash pour l’euro symbolique…. Et concevoir de nouvelles formes de financement pour l’économie réelle, sous forme mutualiste et coopérative, dans le cadre d’établissements plus localisés, avec des décisions concertées entre les différents acteurs de la décision de crédit étudiée, ce qui donnerait moins de prise à la spéculation. Et davantage d’ancrage dans l’économie réelle.
Je partage cet avis. Cette utopie est hautement nécessaire, si nous ne voulons pas connaître dans les années qui viennent le retour des mêmes errements, et des mêmes conséquences dévastatrices pour le commun des mortels. Seule une minorité qui se gave sans considérations morales et humaines s’y oppose.
Oui, un autre monde est possible, et cela doit être clamé, martelé, affirmé et confirmé par les actions, haut et fort !
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