Après « Entrechats » de Cécile Duquenne (chronique à paraître très bientôt) et « Au sortir de l’ombre » de Syven, j’ai un bon a priori sur ce que Cocyclics peut amener aux « jeunes » auteurs. Aussi, quand Tintamarre (la gazette de Cocy) a annoncé la publication du roman « Emile Delcroix » et que ma TL Twitter a résonné de milles échos en retour, j’étais déjà sur IbookStore pour le télécharger.
Le livre et son auteur :
C’est toujours un peu délicat de parler de livre pour un ebook ! Ici, ce qui frappe dès le départ, c’est le soin apporté par l’éditeur (studio Walrus) à sa conception : une belle couverture comme vous pouvez vous en rendre compte ci-dessus, une table des chapitres réussie, une très belle police pour les titres de chaque chapitre, et surtout cette excellente idée d’insérer des glyphes en qualité de séparateur de chapitre.
Quant- à l’auteur, Jacques Fuentealba, outre le fait qu’il semble à même de s’exprimer en français et en espagnol, il a déjà publié quelques nouvelles dans des titres aussi réputés que Galaxie, Black Mamba, Lunatique ou encore Borderline. On notera son penchant pour les univers « sombres » et son goût pour les micro-nouvelles.
Le quatrième de couv’ :
1863, dans un Paris peuplé de créatures fantastiques et de machines extraordinaires.Émile Delcroix est un jeune étudiant aux Beaux-Arsestranges animé de deux passions, l’une Artistique, l’autre personnelle. D’un côté il tente depuis des mois d’extirper du papier sa Muse, quintessence de son Talent et de son Inspiration. De l’autre il y a Floriane, cette splendide Actrice aux cheveux émeraude dont il est épris. Mais les choses changent le jour où Émile se fait voler sa Muse nouvellement née par un sombre et mystérieux personnage.Des catacombes à la Cour Chthonienne, des passages secrets de la Sorbonne aux toits de la capitale, le jeune Artiste n’aura de cesse de la retrouver. Mais pendant ce temps, une ombre s’étend sur Paris : une sourde menace approche…
L’histoire :Emile Delcroix a donc un don, mais pour l’épanouir, il a besoin de sa Muse. Or, alors qu’il vient de la trouver, on la lui vole… avec plus ou moins la promesse de la lui rendre. Cela ne peut le satisfaire, alors, Emile tentera tout : mettre en jeu sa place à la Sorbonne, jusqu’à sa vie dans des expéditions plus risquées les unes que les autres, mais aussi risquer celle de ses amis, comme Floriane, Eustache, et sa logeuse.A force de ténacité, il rallie à lui de nouveaux supports, mais s’attire aussi les foudres de conspirateurs. Car il semble qu’un mauvais coup se prépare, une ombre plane sur Paris, on murmure qu’une cité, invisible pour la plupart, survole la capitale et serait le premier élément d’un complot visant à renverser les pouvoirs européens.Tout cela, Emile aurait pu ne pas s’en soucier, si en cherchant sa Muse et son ravisseur, il n’avait pas mis le doigt sur les instigateurs de cette manœuvre.Et son impétuosité est telle qu’il va falloir aller jusqu’au bout, et affronter sa mort.
Le fond, la forme, etc.
La richesse de l’univers est le point fort de ce roman. Le traitement que réserve l’auteur à la Magie est original et attrayant. Le déclencheur est l’Art : dessin, peinture, sculpture (les golems), ou jouer (Théâtre). Le Don et le Talent symbolisent ces « mages », et l’Inspiration leur vient d’une Muse, une création aboutie, douée de personnalité.
Certains des personnages sont particulièrement soignés, comme Eustache, le mystérieux chat-homme, et surtout Floriane, l’enfant de la Fée Verte, au don si particulier.Il y a aussi les profs, intéressants, aux origines cosmopolites et embarquant chacun une part d’ombre, camouflant leurs secrets et « la voix de la Sorbonne » qui est une belle trouvaille. Les ennemis : ceux qu’Emile se choisit comme le vampire par qui ses malheurs arrivent, et Byron, le perfide anglais.
Je trouve dommage par contre que l’un des personnages central qu’est Daphné n’est pas bénéficié de la même profondeur. Son « retour » se fait presque en catamini, sans que l’on sache comment elle le vit, ce qu’elle perçoit ou ressent.
J’avoue une certaine frustration, également, à ne pas avoir plus découvert le quotidien d’Emile : le rôle de la Sorbonne dans la formation des élèves, le Paris version Steampunk (il y a pourtant des éléments sympas de décrits, comme les carrioles) et version magique (en dehors du Théâtre, on a peu d’indications sur l’applications des Artestranges).
Quant au rythme, il est excellent : l’action ne s’interrompt jamais. C’est fluide, rapide, nerveux. Du coup, se pose la question de la cadence : tous les épisodes de cette aventure s’enchaînent en l’espace de deux ou trois jours, c’est extrêmement rapide.
Un dernier mot enfin, sur la fin. Ce qu’il arrive à Emile à quelques pages du « the end », j’ai trouvé ça sublime de lui infliger un tel sort, un tel fardeau à porter. J’imaginais déjà, dans les épisodes à venir, les douloureux moments qu’aurait à passer le héros avec sa vision du monde gris, sa Soif, ses besoins à assouvir et tout ce que cela aurait eu comme répercussion sur sa personnalité, ses sentiments, etc..
Et puis non, cher ami auteur, Jacques, tu as choisi de tirer Emile de ce mauvais pas… enfin, a priori. Dommage…. à moins que ?
Conclusion :
Alors, évidemment, avec un tel background (magie/amis/ennemis/profs/école/complot à déjouer) on tend immédiatement à la comparaison avec Harry Potter. D’ailleurs, sur la page de présentation de l’oeuvre chez l’éditeur, le lien est fait. Ceci est à double tranchant : d’un côté, j’imagine que cela va attirer du monde, ne serait-ce par curiosité, et ce roman mérite bien qu’il soit découvert. D’un autre, à trop se rapprocher d’HP, on risque de tomber dans la mise en parallèle facile : « c’est la même chose », « c’est du déjà vu », ou pire « c’est de la FanFic ».
Que nenni.
Il est vrai qu’il sera difficile de ne pas de temps à autres, faire le rapprochement avec HP, mais Emile n’est pas le sorcier anglais, et j’espère que l’auteur saura exploiter l’univers qu’il a bâti pour s’écarter un peu plus, au fil des histoires, du célèbre joueur de Quidditch.
Je vous invite en tout cas à découvrir Emile Delcroix et l’ombre sur Paris. Une belle histoire, un bon bouquin… qui en appelle d’autres.
(Lien vers le site de l’éditeur, Walrus studio)