Axel Dauchez, rebelle-attitude sous les ors de la République

Publié le 12 octobre 2011 par Antoine Dubuquoy

Le Networking & Business Club, animé par Thomas Legrain, recevait, la semaine dernière, dans les chics appartements de la Questure de l'Assemblée Nationale, Axel Dauchez, PDG de Deezer. Le nouveau monde vs l'ancien. Ou comment faire comprendre les nouveaux enjeux du marché de la musique en un lieu, l'enceinte du Palais Bourbon, où la pensée dominante verrait plutôt Internet et les nouveaux usages comme l'Antéchrist et l'Empire du Mal.

Axel Dauchez est pédagogue et passionné. Le constat est cruel, les Majors du disque ont loupé le virage du digital. Sortie de route quasi-fatale et pronostic vital engagé avec une baisse de 60% de leur chiffre d'affaires et 8 ans. Elle n'ont pas vu venir l'évolution des comportements liés à la dématérialisation, la transition de la possession de l'objet physique vers l'accessibilité au contenu.
Commentaire corollaire de l'amateur de musique que je suis, le cd, si pratique qu'il fut, n'avait rien à voir, en terme d'objet, avec le disque vinyle et sa pochette cartonnée, grand format, richement illustrée, avec paroles, symboles cryptiques et plongée dans l'univers de l'artiste. Le cd, petite pochette, petit livret, petits caractère, a perdu toute valeur symbolique ou affective. Le fichier mp3 a gagné, du fait de son utilisabilité plus flexible, de sa rapidité de duplication et de partage.
Mais revenons à Deezer. En septembre dernier, la plateforme a fait un grand pied de nez aux Majors et en particulier à Universal en obtenant par décision de justice  la possibilité de poursuivre la diffusion en ligne du catalogue.

Deezer annonce 20 Millions d'utilisateurs en France, qui progressivement se convertissent aux formules d'abonnement. Le taux de conversion des offres d'essai vers les abonnements payants atteint 70%, les abonnés atteignent les 60 heures de consommation mensuelle de musique, dixit Axel Dauchez. Au lieu de se lamenter sur la dégradation de la valeur, Dauchez, constate et se fait le héraut du déplacement des curseurs: la valeur passe de la possession à l'accessibilité illimitée aux contenus. Autre constat, rien de neuf, quoique, le marché est global, et chaque major n'est plus qu'un acteur régional qui doit être en capacité de s'adresser au monde entier. D'où la nécessité de plateformes globales. Deezer en se développant à l'international prend la mesure des nouvelles dimensions du marché. Avec lucidité. La plateforme ne se lance pas sur le marché US, trop occupé, où les marges sont aujourd'hui trop faibles. Probablement aussi doublé par Spotify, l'autre grand acteur de l'écoute en streaming. A ce propos, Deezer s'est raccroché in extremis à la nouvelle offre de services de Facebook, post-F8, pour profiter des dernières évolutions de la plateforme sociale qui de simple réseau social devient distributeur de contenu.

A la différence d'un iTunes ou d'un Amazon, Deezer n'a pas vocation à proposer son propre device, tablette ou smartphone. Deezer reste multi-device par essence et peut s'intéresser aux conditions d'écoute de ses utilisateurs, Axel Dauchez évoque une piste côté hardware sans s'étendre sans qu'on sache si c'est une idée en l'air ou un développement à venir dans un avenir proche.
Deezer se lance dans 134 pays, un projet très ambiteux, mais jouable si la marque se tient à sa philosophie revendiquée: contribuer à l'extension du domaine musical d'un utilisateur. De fait, être un filtre de recommandation, si cher à Chris Anderson.

Le projet est beau, l'ambition forte. Une réserve toutefois, la plateforme dépend à 100% de ses fournisseurs de contenus, à savoir les maisons de disque. La jurisprudence plaide en faveur de Deezer. La plateforme ne devrait-elle pas s'intéresser à la production de son propre contenu? Et comme Live Nation signer des artistes à qui elle proposera un deal de production, promotion et diffusion? Est-ce réaliste? J'aurais du poser la question à Axel Dauchez. Next time?

Enjoy!