Merci Arnaud !

Publié le 12 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

En contrepoint de l’article « Socialisme primitif ».

Grâce au soutien inespéré du plus à gauche des candidats au primaire, l’organisation de primaires au PS fait entrer ce parti dans la démocratie libérale, ringardise définitivement l’extrême-gauche et renvoie la droite à ses propres interrogations. Décryptage.

Par l’organisation de primaires, le PS fait passer l’électeur du statut de consommateur d’une offre politique – voire, de celui d’usager, pour les tenants du service public – à celui d’actionnaire. Voici que l’on ne choisit plus un candidat et son programme finalisé comme on choisit sa boîte de conserve mais que l’on participe au choix de la personnalité et du programme que devra porter le parti. Le PS s’éloigne ici des vieux arrangements entre barons locaux et apparatchiks qui déterminaient entre eux le nom du premier secrétaire pour se ranger sur le standard des plus grandes démocraties libérales en adhérant à l’idée qu’il revient au sympathisant d’élire son candidat.

Quelles conséquences ?

La primaire est avant tout un mécanisme bipartisan en permettant une opposition eux/nous autour du clivage gauche-droite. Ainsi, l’ensemble des sympathisants de gauche étaient appelés à participer au primaire du PS, et les candidats portaient l’ensemble des couleurs de la gauche, des plus centristes (Baylet) au plus extrême (Montebourg). La démonstration, auprès des électeurs de gauche, que toutes les orientations et tous les candidats peuvent être entendus porte un coup fort à l’extrême-gauche : que ce processus se répète et les électeurs les plus à gauche choisiront d’aller voter aux primaires socialistes puisqu’ils y trouveront une offre politique à leur goût dont ils savent qu’elle sera plus entendue que les éternelles revendications des arrière-boutiques marxistes. Le PS fait ainsi une croix sur l’héritage révolutionnaire du socialisme et entre dans le réformisme… en s’ouvrant largement aux plus à gauche !

À droite, il devient absolument nécessaire d’envisager de pratiquer le même exercice afin, d’une part, de ramener auprès de l’UMP les électeurs les plus souverainistes et, d’autre part, de rallier les centristes de droite en leur offrant un mode d’expression. L’UDR/UNR/RPR/UMP connaît le césarisme depuis ses origines et n’a jamais vu de chef émerger que par les coups d’éclat et les putschs à la tête du parti. L’entrée du plus important parti de droite dans l’ère de la démocratie libérale serait un souffle nouveau pour l’électorat de droite qui semble aujourd’hui en manque de repères. Si les primaires n’était pas une nécessité absolue pour 2012, Sarkozy demeurant un candidat naturel, leur organisation aurait au moins permis de mettre en avant un « ticket », un futur premier ministre, en discernant une majorité parmi les souverainistes, gaullistes, libéraux et centristes. Aux mêmes causes les mêmes conséquences, ces primaires fédéreraient utilement autour du seul parti de droite susceptible de l’emporter au niveau national (système bipartisan oblige) en renvoyant le FN à son populisme et en rassemblant les électeurs jusqu’au centre.

N’en doutons pas, l’organisation de primaires est révélateur d’une crise (au sens où l’entendait Gramsci: « quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître ») du socialisme. Celui-ci n’est plus capable de proposer une idéologie cohérente, de maintenir ensemble ses courants les plus opposés et de sortir de l’opposition systématique pour entrer dans la proposition. Paradoxalement, c’est une bonne chose pour la gauche qui se recomposera progressivement autour du mécanisme des primaires et de la vision réformiste en repoussant ses vieux démons révolutionnaires. Souhaitons la même crise pour la droite, incapable aujourd’hui de concilier ses courants!

Quelle victoire ?

D’abord, la victoire de la conception libérale de la démocratie. Renvoyant au passé l’idée d’un César, empereur républicain, et celle du premier secrétaire, suivant les ordres du Parti, la primaire donne le choix aux électeurs sur leur vision en les laissant s’organiser d’eux-mêmes pour élire un candidat. L’arrivée des primaires en France, 101 ans après la première primaire américaine (État de l’Oregon), l’intérêt qu’elles ont suscité auprès des électeurs et le nombre de votants qui y ont participé (pensons un instant à l’abstention record des dernières années aux élections locales, aux référendums et aux élections professionnelles alors que ces mécanismes sont anciens et bien ancrés) est susceptible de renouveler tout à la fois le goût des français pour la démocratie et de renouveler la classe politique. Grâce à Montebourg, nous savons désormais qu’un candidat inconnu peut se tailler la part du lion et dépasser les vieux routards de la politique (Royal, Baylet) dès lors qu’il porte une offre politique bien démarquée.

Enfin, la victoire de la vision libérale du clivage gauche-droite. Les primaires socialistes ont été le lieu de débats intéressants opposant les souverainistes, partisans de la démondialisation, étatistes et favorables au nationalisme économique aux sociaux-démocrates plus orientés vers l’Europe, incluant la résorption de la dette dans leur réflexion et voulant mieux placer la France dans la compétition entre nations. Le fait que Montebourg ait reçu, entre autres, les soutiens du Bloc Identitaire, du Front National et de Dupont-Aignan est le signe d’un début de recomposition du clivage gauche-droite autour de l’axe spontanéiste-constructiviste ou, dit plus classiquement, libéraux-étatistes. Une fois le système des primaires bien ancré, les majorités se stabiliseront autour de ces curseurs et les électeurs du FN n’hésiteront plus à aller voter aux primaires PS pour faire émerger un candidat étatiste… et y auront peut-être leur propre candidat!

Quel risque ?

Comme d’habitude, il ne nous est pas possible de sourire béatement en pensant au Grand Soir, à l’Aube Nouvelle ou aux Lendemains qui Chantent. Si les primaires – structurellement – permettent d’évincer le socialisme révolutionnaire et anti-démocratique en le canalisant au sein d’un parti de gouvernement, elles ne permettent toutefois pas d’achever cette hydre d’un coup de pelle bien placé. Au contraire, les primaires permettent de révéler l’état des forces en présence et focalisent l’attention des candidats sur l’électeur médian. En l’occurrence, le constat n’est pas excellent. Les appels à la lutte contre le capitalisme cosmopolite et apatride fédèrent largement, au profit d’un dirigisme aussi inquiétant qu’il est assorti d’un fort collectivisme. L’électeur médian, à gauche, est nationaliste économiquement et globalement conservateur si l’on regarde les propositions qui ont le plus interpellé (goût pour l’autorité et l’ordre, rejet du nucléaire – un retour à l’état de nature ?, opposition à la légalisation du cannabis et capitalisme coopératif, nouvel avatar du corporatisme cher à Pétain).

Cependant, face à ce bloc désordonné et finalement assez inquiétant d’idées éparses, nous sommes convaincus que l’UMP, si ce parti saisit à temps l’idée d’organiser des primaires, verra germer des candidatures fortes et se former des courants parmi lesquelles la tendance libérale – en réaction au dirigisme du PS – ne devrait pas démériter. À défaut, la dislocation menace un édifice verrouillé et opaque qui ne parvient plus à convaincre la majorité des électeurs qui a porté le candidat Sarkozy. Ironie du sort : à l’époque, le PS semblait sur le point d’exploser…