Insecte hémiptère à rostre court et saillant, carnassier, nous apprend le Grand Robert. Sachez aussi qu’il s’agit de punaises prédatrices et suceuses de sang dont la plus connue est Reduvius personatus qui rentre dans les maisons pour chasser, entre autres, la "punaise des lits" et qui peut piquer douloureusement. On en dénombre 6000 espèces. De couleur souvent brun jaunâtre, grises ou noirâtres, plus rarement orange roussâtre, les réduves peuvent être ovales et robustes ou bien grêles et très allongés avec des pattes filiformes, vous constatez la fourberie de ces bestioles.
D’une taille comprise entre 14 et 17mm, sur la tête, les antennes coudées après le premier article (elles en ont quatre) sont séparées des yeux par un sillon transversal, les pattes antérieures sont souvent développées pour saisir les proies. Le réduve les pique avec son puissant rostre et en aspire les sucs. Quand il est menacé, il frotte la pointe de son rostre contre un sillon sous sa tête et émet une sorte de chant, mais attention quand il est pris au piège, il pique douloureusement.
Jean-Henri Fabre évoque le réduve dans ses Souvenirs entomologiques :
« On dit, en effet, la piqûre du Réduve douloureuse. Désireux d’en éprouver moi-même les effets pour en parler avec autorité, j’ai essayé, mais vainement, de me faire piquer. Mis sur mon doigt et tracassé, l’insecte s’est refusé à dégainer. La fréquence du maniement de mes sujets, sans l’emploi de pinces, n’a pas eu plus de succès. Sur le témoignage d’autrui et non d’après ma propre expérience, je crois donc sérieuse la piqûre du Réduve.
Elle doit l’être, destinée qu’elle est à tuer rapidement un insecte non toujours dépourvu de vigueur. Ce doit être pour la proie, surprise endormie, la douleur lancinante et l’engourdissement soudain que provoquerait l’aiguillon dela Guêpe. Lecoup se porte ici ou ailleurs, à l’aventure. Il est possible que le bandit, une fois la blessure faite, se tienne un moment à distance et attende les dernières pandiculations des membres avant de s’attabler au trépassé. Les araignées qui viennent de capturer dans leur toile une pièce dangereuse sont coutumières de cette prudence. Elles se retirent un peu à l’écart et attendent les ultimes convulsions de la proie ligotée.
Si le meurtre m’échappe dans ses détails, l’exploitation du mort m’est connue. Le matin, aussi souvent que je le désire, j’y assiste. Le Réduve fait saillir, hors du grossier fourreau recourbé en manière d’index, une subtile lancette noire, à la fois trocart et pompe d’aspiration. La mécanique plonge en un point quelconque de la victime, pourvu que la peau y soit fine. Alors immobilité complète ; de l’attablé rien ne bouge.
Cependant les soies du suçoir fonctionnent, glissent l’une contre l’autre, font office d’aspirateur, et le sang monte, le sang sève du patient. De façon pareille, la Cigale s’abreuve à la sève de l’arbre. Quand elle a tari un point de l’écorce, celle-ci se déplace, fore un autre puits. Le Réduve fait de même : il tarit sa pièce par stations variées. Il va du col au ventre, du ventre à la nuque, de la nuque à la poitrine, aux articulations des pattes. Tout y passe économiquement.
J’assiste avec intérêt aux manœuvres de l’un exploitant son Criquet. Vingt fois je le vois changer de point d’attaque, faire station plus longue ou plus brève suivant les richesses rencontrées. Il finit par un cuissot, attaqué sur l’articulation. Le barillet est vidé de ses humeurs jusqu’à devenir translucide. Si la pièce est à peau diaphane, le même degré d’épuisement se constate dans le corps entier. Par le jeu de l’infernale pompe, une jeune Mante religieuse, de trois centimètres de longueur, devient transparente et pareille à la défroque que rejetterait la mue.
Ces appétits de buveur de sang font songer à la Punaise de nos lits, qui, de nuit, odieusement, explore le dormeur, choisit un point à sa convenance, le quitte pour un autre de meilleure exploitation et change encore de place, jusqu’à ce que, gonflée en grain de groseille, elle se retire aux premières lueurs du jour. Le Réduve aggrave la méthode : il engourdit d’abord sa victime, puis la tarit à fond. Le vampire imaginaire de nos contes arrive seul à ce degré d’horreur. »