Il a fallu attendre quelques heures, mais la réaction est venue. Agacée, énervée, évidemment jalouse.
Nicolas Sarkozy a sans surprise critiqué le principe, l'organisation et le résultat des primaires citoyennes. Il a attendu que ces dernières attirent plus de 2,5 millions d'électrices et d'électeurs pour se prononcer. Il est comme ça. Jamais content, jamais serein.
« Cela vous passionne, mais moi j’ai d’autres choses à faire ». Par ce commentaire lapidaire lâché dimanche tandis que les médias ignoraient son inutile déplacement à Berlin, Nicolas Sarkozy avait déjà montré son agacement dès dimanche.
Le soir même, le Monde publiait un argumentaire préparé et distribué par l'UMP à ses militants et responsables contre la primaire socialiste. Un argumentaire où le retrouve quasiment mot pour mot les propos de Nicolas Sarkozy.
Mardi, le Monarque voulait en finir prématurément avec ces primaires. A droite, ça grince depuis quelques jours. Ces primaires ont ringardisé l'UMP sarkozyenne a une vitesse inédite. La réaction fut ratée et désordonnée.
Sarkozy a commencé sa journée par son traditionnel petit-déjeuner avec les responsables de son camp. On oublie souvent que l'Elysée est le QG de l'UMP et non pas le palais d'ue Présidence irréprochable. D'après l'un des participants à cette réunion UMPiste, un anonyme cité par quelques médias, Sarkozy aurait déclaré que « La Vème République ne peut être l'otage des partis politiques et le candidat pris en otage par son parti, le général de Gaulle a voulu une élection à deux tours, pas à quatre tours ». Mauvais joueur jusqu'au bout, il a aussi relativisé la participation: « Malgré un pilonnage médiatique sans pareil, la participation a été inférieure à celle de l'Italie! (...) Les socialistes s'occupent des socialistes, nous devons nous occuper de l'ensemble des Français. »
Ensuite, il était dans la Creuse, comme Martine Aubry. Il a décollé avec son gros hélicoptère et une quarantaine de journalistes de l'aéroport militaire de Villacoublay pour d'abord visiter ... un commerce familial, multi-service (bar, tabac, presse et station-service) à La Villetelle (164 habitants ). Henri Guaino et Bruno Le Maire étaient là, tout comme François Baroin et Valérie Pécresse. Malgré le contexte de crise internationale gravissime, le ministre de l'économie et sa collègue du Budget n'avaient donc rien trouvé de mieux à faire que de perdre une grosse matinée dans ce déplacement électoral. Dans la buvette, le Monarque eut des mots incroyables : « C'est un très bel endroit ! On a envie de s'y installer ! » Ou encore: « plutôt qu'un bureau de poste ou personne ne va, il vaut mieux un endroit comme celui-ci !» Il a fait applaudir sa baisse de la TVA dans la restauration par le patron du bar.
Sarkozy s'est ensuite rendu dans le village de Néoux dont quelques-uns des 300 habitants avaient été parqués dans le jardin de la mairie pour un « moment de convivialité ». « Grotesque » a commenté Arnaud LeParmentier sur son compte Twitter. Mais le Monarque était en retard. A quelques kilomètres de là, environ 1.500 personnes attendaient, sagement assises dans la salle polyvalente d'Aubusson, que Sarkozy daigne débuter son inévitable allocution « sur le thème de la ruralité ».
Habituels clichés d'un candidat en campagne dans un village français bien de chez nous. Les « vrais » sujets d'une France qui souffre, les vrais problèmes d'un mauvais bilan ne sont évidemment pas évoqués.
Cette visite était gâchée, Martine Aubry était à quelques kilomètres de là, à Guéret, où la réforme hospitalière menace l'établissement du coin. Sarkozy tenta l'humour, en arrivant à Aubusson: « Il semble que je vous amène du monde. C'est si agréable d'être suivi. Je souhaite bon courage à ceux qui me suivent ». Henri Guaino rigola beaucoup. Son double salaire dépend du Monarque qui parlait. A Aubusson, il n'y avait pas de table ronde. Sarkozy parla sur sa tribune pendant 54 minutes. On avait dressé la traditionnelle toile de fond aux couleurs de l'Europe et de la République. Les services de l'Elysée l'avait amenée de Paris.
« Hier encore, la France rurale était évoquée comme une nostalgie des mondes que nous avions perdu. Aujourd'hui, la ruralité est un enjeu d'avenir. Pourquoi ? Tout simplement parce que le désert français n'existe plus.»
Fichtre ! Mais de quoi parlait-il ? Qu'a-t-il donc fait, à part parler, pour la ruralité ? Ce petit Monarque se moquait de son assistance, sans bilan chiffré ni résultat concret à développer dans la suite de son discours. Le « désert français » ? « Il s'est repeuplé en attirant une population de plus en plus nombreuse et de plus en plus jeune ». Vraiment ? « La ruralité, c'est c'avenir de la France... A une condition... c'est que cet avenir conjugue vos traditions et la modernité...»
Il avait la main levée, quand il prononçait ses mots, les doigts en cercle dans le vide... On lui pardonnera les fautes de vocabulaire. Il n'est que Président de la République. Visiblement, il s'échappait déjà, et trop tôt, du discours du littéraire Guaino. Et tout d'un coup, il compléta de cette phrase, les portes ouvertes étaient toutes défoncées d'un seul et gigantesque coup d'épaule: « refuser le monde est un mensonge, on peut se mettre assis dans notre fauteuil en refusant le monde, ça va beaucoup impressionner les Chinois, les Indiens, les Brésiliens, qui vont immédiatement arrête de travailler ». Après cette incroyable et ridicule leçon, le Monarque resta quelques minutes silencieux, fixant l'assistance silencieuse (et interloquée), une main en l'air, deux doigts serrés... On a compris que Nicolas Sarkozy s'adressait au troisième candidat de la primaire socialiste, Arnaud Montebourg et sa démondialisation.
Pour quelqu'un qui méprise l'importance des primaires... cet assaut a surpris. « La France refuse le monde ?... alors à qui allons nous vendre la viande de nos éleveurs ? »
Sarkozy était grinçant et agacé ce mardi à Aubusson. « C'est un peu comme si vous disiez, dans la Creuse, à vos enfants, arrêtez de travailler... est-ce que vous croyez que dans les autres départements, les autres enfants vont arrêter de travailler ». Sarkozy en faisait trop, il prenait son assistance pour une assemblée de demeurés, à force de caricaturer.
« Si on veut peser dans le monde d'aujourd'hui, il faut le comprendre, il faut y participer pleinement, il faut y jouer un rôle de leader ». En Chine, au Brésil ou en Inde, on pouvait sourire. Sarkozy ne lisait donc plus son discours rédigé par Henri Guaino. Et c'était bien le problème. Il dérapait, tout seul, comme un grand, et en grand. Quelques minutes plus tard, il complétait son tacle primaire: « c'est tellement facile de dépenser plus, avec l'argent des Français ».
« Mais à l'arrivée, on est bien content de vivre dans un pays qui tient sa place, qui garde sa notation, et aucun d'entre vous n'a eu à aller à la banque pour retirer ses économies parce que les banques s'effondraient... c'est ça la réalité ». Le même jour, le démantèlement de la banque Dexia était confirmé. Sarkozy transpirait. On sentait l'énervement.
Finalement, le succès de ces primaires l'avait franchement agacé. C'était là la seule conclusion de ce déplacement dans la Creuse.
Mais Nicolas Sarkozy voulait aussi soigner sa clientèle. On ne compte plus ses déplacements « ruraux ». En coulisses, il prépare un relèvement des taxes sur le fioul pour les agriculteurs et le BTP. Inutile de s'en vanter. Ce mardi, il préférait parler de la taxe Soda. Elle devait contribuer à redresser l'incroyable déficit des comptes publics et sociaux. Le projet de loi de finances pour 2012 en expliquait le mécanisme.
Mais ce mardi, le candidat Sarkozy avait des cadeaux à faire: « Nous allons diminuer les charges qui affectent le salaire horaire des salariés permanents agricoles après avoir diminué les charges qui pèsent sur le salaire horaire des employés à temps partiel ». Il promit donc une baisse de 210 millions d'euros des charges sur les salariés des exploitations agricoles, baisse des cotisations patronales qui serait réservée aux entreprises de moins de 20 salariés permanents. Elle « sera appliquée dès l'an prochain et fera l'objet d'amendements à la présente loi de finances ». « Ce n'est donc pas une promesse, c'est une décision ». Et il précisa comment il comptait financer son nouveau cadeau: «Les 210 millions d'euros d'exonération de charges sur les entreprises agricoles seront financés grâce au produit de la taxe sur les boissons sucrées.»
Or pour l'instant, cette taxe, un relèvement de contribution sur les boissons contenant des sucres ajoutées (article 46 du projet de loi de finances), ne devait rapporter que 120 millions d'euros... Il faudra donc la doubler, une hypothèse évoquée la semaine dernière. Comme souvent, Sarkozy décide plus vite des dépenses que des recettes...
Le Monarque défendit aussi sa réforme territoriale - « sept niveaux d'administration ! C'est vous qui payez ! » - son grand dada.
A l'UMP, deux faux centristes ont attendu lundi pour annoncer la création d'un courant « humaniste ». On en rigolerait presque, ça sent la débandade. Même Rama Yade, passée chez le déserteur Borloo, n'y a pas cru.
Ami sarkozyste, où es-tu passé ?