« La pire saloperie que puisse vous faire un cauchemar, c’est de vous donner l’illusion de sa propre conscience et de continuer à en être un ! »
Daniel Pennac, Messieurs les enfants.
Connaît-on seulement les gens qui nous accompagnent où sommes nous naturellement aveuglés par le degré de bêtise qu’ils sont capables d’atteindre ? Combien faut-il de temps à un homme, à une femme pour réaliser que son compagnon est un crétin consommé, et qu’est-ce qui permet enfin de prendre conscience de la tragique réalité ?
Le drame, il n’y a que dans le drame que l’on réalise à quel point ceux que l’on côtoie sont avec, ou tout simplement contre soi. Dans la difficulté, on reconnaît sa famille, ses amis, on apprend à les comprendre à travers leurs comportements, on découvre même des personnalités remarquables, remarquablement intelligentes et fidèles, ou remarquablement bêtes et méchamment stupides, c’est le cas de mon ami qui va avec sa femme de Charybde en Scylla et qui, au jour le jour, découvre à quel point la bêtise atteint des sommets toujours plus élevés.
- - Je n’en peux plus, vraiment je vis un cauchemar, me dit-il atterré.
- - Pourquoi ?
- - Tu ne connais pas la dernière ?
- - Comment le pourrais-je ?
- Bon, ce matin au petit-déjeuner, ma femme prenait son café en lisant le journal, je lui dis : ce matin je dois passer à l’atelier pour réparer un objet rare, je ne pourrais pas ouvrir le magasin. Elle lit son journal, elle ne me répond pas. Moi, j’ai du boulot, je pars à l’atelier en me disant qu’elle a bien compris le problème et qu’elle ouvrira comme convenu la boutique, tu penses, une réparation à 500 euros, je ne peux pas me permettre de passer à côté, surtout en ce moment.
- - Je comprends.
- - À l’atelier, je fais ma réparation, puis j’arrive au magasin vers 11h, le rideau est baissé, le magasin est fermé. Le cafetier me saute sur le poil : mais qu’est-ce que c’est que cette merde, y’avait plein de monde ce matin, et comme samedi dernier, fermé, mais qu’est-ce que tu fous bordel ? Alors je lui explique que j’ai demandé à ma femme d’ouvrir, car j’étais à l’atelier, mais elle ne l’a pas fait parce qu’elle n’en n’avait pas envie et lui, il s’arrache les cheveux et il me dit : moi si j’avais une femme comme la tienne, je boirais tous les soirs.Alors furax, j’appelle ma femme et je lui demande pourquoi elle n’a pas ouvert le magasin et tu sais ce qu’elle me répond ?
- - Non.
- - D’abord, elle a mal dormi cette nuit parce que je ronflais, je lui ai dit : il te suffisait de me pousser du coude pour me réveiller et j’aurais arrêté de ronfler, après, elle ajoute que j’ai fait du bruit en jouant avec mon téléphone, mais elle ne m’a rien dit sur le moment, ensuite elle insiste sur le point qu’elle devait faire la compta et qu’elle n’avait pas envie d’ouvrir ce putain de magasin, et elle en remet une couche en disant : et puis ça m’empêche de chercher du boulot ? De chercher du boulot ? mais on n’a même pas vendu le magasin et elle cherche déjà du boulot en se faisant les ongles sur la table de la cuisine ? ça fait une semaine qu’elle essaye de faire un CV, je crois bien qu’elle en est incapable. En plus, au magasin l’autre jour, tu sais que je porte des appareils pour mes oreilles, je suis sourd, je fais répéter deux fois une cliente, je ne l’ai pas entendu, ça arrive, l’autre, ma femme, elle me regarde et elle pousse un Pffff ! d’un mépris, mais d’un mépris, je ne comprends pas, en plus, je vais te dire, elle me hait.
- Je n’ai pu réfréner un éclatement de rire, tant la situation était ridicule et affligeante.
- - Attends, ça fait 30 ans que tu ronfles, et ça la dérange subitement hier soir ? Elle est vraiment pas bien ta femme et pour ta surdité, son manque de compassion est également affligeant.
- - Dis moi pourquoi elle se moque comme ça en public, aussi ouvertement ?
- - Pour se valoriser, pour dire que elle, et bien elle, elle est parfaite contrairement à toi qui es un handicapé. Et tu lui as dit quoi pour le magasin qu’elle a refusé d’ouvrir ?
- - Je me suis énervé, j’ai haussé le ton, et là, elle m’a tout de suite interrompu et elle m’a dit : Si tu le prends sur ce ton, je me barre.
- - Et bien qu’elle se barre, qu’elle disparaisse de ta vie et de celle de ses filles cette incapable, arrogante prétentieuse, c’est un danger pour la santé mentale ta femme.
- - Non, Philippe, je t’en prie, ne dis pas ça, c’est pas drôle.
- - Je sais bien, lui répondis-je, je hurle, la bêtise de cette femme est navrante, tu sais désormais ce qu’il te reste à faire, tu dois mettre un terme à cette relation imbécile qui te pousse dans le gouffre, même si tu gardais le magasin, elle passerait son temps à t’emmerder, à venir quand ça l’arrange, à engueuler la vendeuse si tu en as une, à t’engueuler, car elle sait tout mieux que les autres… Ce n’est pas possible, et le pire, c’est qu’elle scie la branche sur laquelle elle est assise et elle ne voit rien, elle ne comprend rien ? Tu devrais prendre ton courage à deux mains et préparer ses valises pour les mettre devant la porte d’entrée pour qu’elle dégage.
- - Je ne peux pas faire ça ?
- - Mais bas-toi, prends ton courage à deux mains, crève l’abcès, et débarrasse toi de ce poids qui a détruit ta vie.
- - Philippe, je vis un cauchemar, je ne sais pas quoi faire.
- - Le cauchemar, c’est ta femme, c’est plus simple comme ça, une fois que tu t’en seras débarrassé, tu commenceras à vivre et elle aussi commencera à vivre. Elle ne te supporte plus, elle ne supporte plus le magasin, elle ne supporte plus le regard de ta famille, de tes enfants, de tes amis, elle a besoin d’être admirée, mais pas par ceux qui la connaissent, par ceux qui ne la connaissent pas encore. Souviens toi de ce que disait ta fille ainée sur les réunions après spectacles : c’est affligeant le nombre de banalités qu’elle te sort à la seconde. Elle juste besoin de briller, c’est une malade mentale, elle est gravement atteinte, elle souffre de troubles de la personnalité, c’est une schizophrène, ou alors elle est bipolaire.
- -Tu crois ? Mais c’est quoi ça ?
- - Elle est moitié Pôle Nord, moitié Pôle Sud ?
- - Hein ? fit-il abasourdi.
- - Écoute, cultive toi un peu, je ne suis pas ton maître d’école.
- - Bon, on verra ça plus tard. Alors, qu’est-ce que je dois faire ?
- - Toi, rien, tu seras toujours un minable pour elle, mais si elle ne se prend pas en charge elle-même ça va aller de mal en pis et surtout si la vie ne lui sourit plus comme elle l’espère. Elle se prend pour une diva, comme ma tante en Australie, celle qui est répétitrice à l’Opéra, elles sont toutes les deux gonflées d’un orgueil destructeur pour tous ceux qui ne sont pas d’accord avec elles.
- - Mais c’est vrai, c’est une diva des caniveaux qui se prend pour ce qu’elle n’est pas, mais attention, elle est encore capable de sortir avec un type plein de fric et vivre la belle vie.
- - J’en suis certain, lui répondis-je, et je le lui souhaite, mais juste une chose, elle a 50 ans, et derrière elle, y’a plein de supers petites nanas de 20 ans qui cherchent un mec riche à plumer, alors tu crois qu’un type qui a du pognon va accepter de se trouver avec une mégère de 50 balais qui passe son temps à critiquer la terre entière ?
- - Oh, mais détrompe toi, tu ne la connais pas, elle peut être très gentille si elle est bien entretenue.
- - Oui, personne ne le conteste, ce n’est pas une mauvaise femme, mais gentille pour combien de temps ? Jusqu’à ce qu’elle pète un plomb ? Chasser le naturel, il revient au bungalow.
- - il revient au bungalow… Tu sais quand je vois le nombre de réparations que l’on m’amène je me dis que c’est une connerie de vendre le magasin.
- - Je suis d’accord, mais comment tu fais tourner ton magasin, ou plutôt comment fais-tu tes réparations si personne ne se charge du magasin ?
- - C’est tout le problème.
- - Écoute pour toi et pour elle, la meilleure des solutions, c’est la séparation de corps et de bien.
- - Tu sais, elle est tombée sur ton blog lorsque je le lisais…
- - Oh je sais, je suis un connard, c’est n’importe quoi, c’est de la merde… Lui dis-je.
- - Comment tu le sais ?
- - C’est pas compliqué avec son profil psychologique, elle déteste ta famille, ses propres filles qui s’opposent à elle, elle ne supporte pas tes sœurs qui ne l’aiment pas, tes copains sont des cons, moi le premier, personne ne comprend rien, « le fou c’est pas moi, c’est les autres » comme disait Sartre, c’est comme ta fille qui rate son bac de la faute des profs, les responsables ce sont toujours les autres, ailleurs, jamais elle, c’est normal, elle est parfaite, je crois sincèrement que sa place est à l’asile, on lui fera des soins et peut-être aura-t-elle la chance de guérir de sa schizophrénie.
- - Ce soir, elle repart au Théâtre, elle reviendra à une heure ou à deux heures du matin, demain elle sera trop crevée pour aller au magasin et j’ai des réparations qui peuvent nous permettre de manger, de payer le loyer, mais non, elle s’en fout, et je dois fermer la boutique pour pouvoir les faire.
- - Tu sais, il serait temps que tu prennes tes couilles en mains et que tu te comportes en mec.
- - Mais je ne veux pas en arriver là, je ne veux pas provoquer de clash.
- - Mais tu ne comprends pas qu’elle te pousse à ça et toi, tu fais de la résistance. Peut-être as-tu raison dans l’absolu et pour illustrer ce que je te dis «N'entamez aucun dialogue avec votre bourreau (...) Ne désespérez pas, même si le monde entier vous tourne le dos.» Ghiat Matar (26 ans), martyr Syrien, dont le cadavre mutilé a été rendu à sa famille le 10 septembre 2011.
- - Oui, c’est un peu ça. Tu sais qu’elle considère que je suis responsable de tout notre malheur.
- - Alors là, je ne suis pas étonné, je t’ai dit, il y a trois semaines, quoique tu fasses, tu seras toujours le responsable de votre ruine, c’est le problème avec les malades mentaux, ils ont une case qui a sautée, ils sont bloqués, ils ne peuvent pas comprendre, il ne font que rejeter la faute sur les autres, car accepter leurs erreurs c’est se voir tels qu’ils sont et pas tels qu’ils voudraient être. Bon écoute, à présent, ton histoire m’épuise parce que tu te plains, tu nous racontes une vérité affligeante de ta vie et tu ne fais rien, tu laisses ta femme agir sans discuter, et là, c’est toi qui nous fatigues. Alors écoute cette histoire :
- Un homme dit à son épouse :
- - Comment le bon Dieu a-t-il pu te faire aussi belle et aussi stupide à la fois ?
- - Celle-ci répond : Laisse-moi t'expliquer : Dieu m'a faite belle pour t'attirer… Et il m'a faite assez stupide pour que je te garde.
- - Et bien ça résume bien ma vie, sauf que maintenant, j’ai vraiment le sentiment qu’elle me déteste.
- - À sa place, je te détesterais aussi, parce que tu es trop faible. Il ne t’est jamais venu à l’esprit qu’elle était odieuse pour te provoquer, pour provoquer ta réaction ?
- - Non, elle n’est pas assez intelligente pour ça.
- - Ne sous estime pas ta femme, si tu avais été plus intelligent, tu aurais pu prévoir ta situation actuelle. L’as-tu fait ? Non ! Bon allez, une dernière pour la route et je ne veux plus entendre parler de tes histoires, parce que ce qui m’insupporte, c’est ta passivité qui me fait croire que les hommes sont des grandes gueules et des lâches :
- - Suite à une dispute, un couple ne se parle plus. Aucun ne veut rompre le silence. Soudain le mari se souvient qu'il doit se lever à 5:00 du matin pour prendre l'avion en vue d'un rendez-vous d'affaires important. Il prend un bout de papier et écrit :- Réveille-moi à 5 heures, je dois prendre l'avion. Il le place bien en vue. Le lendemain, il se réveille à 9h; furieux, il se lève et aperçoit un papier sur sa table de nuit sur lequel il lit : « Il est 5h, lève-toi. »
- - Bon à présent, je ne sais plus si j’ai envie de décrire le fiasco de ta vie, lui dis-je, et tu sais, j’avais l’espoir qu’une femme pourrait éventuellement être prise de sympathie pour ton malheur, mais ton manque d’action, ta résignation ne pourra pas te permettre de rencontrer quelqu’un, car si tu es incapable de protéger ton magasin, tes enfants, et toi-même contre les ravages d’une schizophrène, comment pourras-tu protéger une femme qui viendrait se blottir contre toi pour y trouver de la sécurité ? Un homme, ça doit être capable de prouver qu’il se tient droit pour défendre la femme qui l’aime et ses principes, es-tu cet homme ?
- - Je ne sais pas.
- - C’est bien le problème.
PS : ce texte n’est pas libre de droit, merci de votre compréhension.