Les recruteurs au pilori

Publié le 11 octobre 2011 par Claire Romanet

Stupeur et polémique. Le documentaire « La gueule de l’emploi » de Didier Cros n’est pas passé inaperçu depuis sa diffusion la semaine dernière sur France 2. Il épingle ce que le réalisateur appelle « la comédie et la cruauté au travail ». Bienvenue dans le royaume de la soumission consentie.

10 candidats, tous au chômage, passent différentes épreuves collectives devant un jury de recruteurs et dirigeants de l’assurance GAN pour intégrer sa force de vente. L’objectif est simple : décrocher un emploi… on pourrait presque dire à tout prix, tant les candidats et les recruteurs jouent le rôle de l’humiliation et de la soumission. Formatage, moule, malléable… les mots reviennent comme des leitmotivs dans la bouche des deux parties. Tous les coups sont permis. Le résultat est déconcertant, on se croirait plutôt face à une mauvaise émission de téléréalité qu’à un documentaire illustrant la réalité de l’entretien d’embauche.

Pourtant le présupposé de départ était plutôt positif : les recruteurs n’ont pas vu le CV des candidats, ils souhaitent s’attacher à leur savoir-être, à leur tempérament. En tant que recruteur, notre métier, c’est ça aussi : ne pas seulement valoriser des compétences, mais aussi une personnalité, des qualités humaines : curiosité, créativité, investissement et la liste n’est pas limitative.

Dans ce cas de figure, c’est un commercial qui est recherché, quelqu’un de sociable, ayant une grande tolérance au stress et à la pression. Du coup, la stratégie est de pousser le candidat dans ses retranchements. C’est le jeu, pourrait-on dire. Il faut préparer le candidat à la réalité du poste. Sauf qu’on est souvent à la limite de l’insulte. « Par quoi vous compensez cette compréhension un peu lente ? », interroge la directrice régionale de Gan face à un candidat totalement déstabilisé. Pas besoin d’être grand clerc pour capter le message. « La cravate, Hervé, c’est sur prescription médicale ? Vous n’avez pas jugé utile de faire cet effort ? », lâche le recruteur à un autre candidat.

Au bout du compte, sur quoi porte l’évaluation ? Sur la capacité du candidat à accepter le système, à se conditionner. Est-ce bien là la réalité du monde du travail ? C’est ce que sous-tend le documentaire en tout cas. Pourtant, sans jouer les Candide, la réalité de notre travail au quotidien, ce n’est pas de trouver des moutons de Panurge. Bien sûr, le marché de l’emploi est tendu, bien sûr, il y a concurrence. Mais la finalité reste la même : mettre en adéquation un poste et un projet professionnel, mettre en relation des valeurs communes. Alors quand on visionne ce genre de documentaire qui donne une mauvaise image du recrutement, aux antipodes de la vision que nous avons de notre métier, ça nous énerve, il faut bien le dire.