Un verdissement de la PAC ? La Commission européenne y songe sérieusement... et les Français aussi ! Selon un sondage réalisé en mai dernier dans l'ensemble des Etats membres, les Français soutiennent largement la limitation des aides, la conditionnalité de celles-ci au respect de normes environnementales et l'agriculture de proximité. Pour 47% des Européens, plafonner les versements des aides aux agriculteurs serait souhaitable. Un taux qui monte à 57 % en France !
Demain, le commissaire européen Dacian Ciolos satisfera donc ce pourcentage théorique de la population française, en présentant le nouveau projet de la politique agricole commune. Selon des documents obtenus par l'AFP, figure entre autres propositions phares, celle de conditionner 30% des aides directes au respect de mesures environnementales comme la diversification des cultures (trois variétés au moins et pas plus de 70% d'une même culture) ou des jachères vertes.
Concrètement, les agriculteurs seraient ainsi appelés à choisir entre réserver 7% de leurs terres à des chemins herbeux, des haies, ou des prairies fleuries, ou renoncer à une partie des subventions de Bruxelles. Les agriculteurs bio seraient eux exempts d'une telle contrainte.
Des aides mieux distribuées pour favoriser l'agriculture extensive
Bruxelles envisage également de plafonner progressivement les aides perçues par chaque exploitation à partir de 150.000 euros par an. Chaque ferme ne pourra ainsi toucher plus de 300.000 euros par an. Tenant compte des critiques émises par la Cour des Comptes européenne, la Commission veut limiter et redistribuer ses aides. Alors qu'aujourd'hui 80% d'entre elles sont versées à 20% des plus grosses exploitations, Bruxelles veut, d'ici 2019, subventionner à l'hectare. Une proposition intéressante qui permettrait d'aider les exploitations pratiquant une agriculture extensive, plutôt que celles privilégiant une agriculture intensive.
Alors que la PAC pèse actuellement près de 40% du budget de l'UE, le projet de réforme envisage que les fonds qui lui sont consacrés passent de 57,4 milliards d'euros en 2013 à 50,2 milliards en 2020. Son poids serait ainsi ramené à environ 33% du budget européen. De son côté, la France restera le premier bénéficiaire des aides directes de la PAC, et ne verra sa part diminuer que de 1,5%.
Comme on pouvait s'en douter, ces propositions qui interviennent dans un contexte de restrictions budgétaires, ne conviennent pas à la principale organisation d'agriculteurs européens, la Copa-Cogeca. "Alors que les Chinois sont en train d'acheter en masse des terres en Afrique, on nous demande de renoncer à 7 % des nôtres", peste Gerd Sonnleitner, l'un des responsables. Selon l'organisation, six à sept millions d'hectares seraient ainsi retirés de la production. Un manque à gagner considérable pour les agriculteurs européens déjà en difficulté.
Revient alors l'habituelle question : peut-on inciter sans pénaliser ?
Célia Garcin