Ca se passait souvent le soir, après dîner ou bien quand on faisait du bricolage ensemble, le week- end .
ça commençait comme ça :" Papa, raconte- moi l'Algérie !"
Et c'était parti pour une heure d'anecdotes bizarres, les fellagas, les nuits de garde où il avait trop peur dans le noir glacé du désert,le ravitaillement au village, les jeeps prises dans des embuscades surprises, la cervelle du gradé répandue partout par terre et les restes qu'il fallait ramasser et ramener à la caserne.
Mais surtout, ce qui me plaisait, c'était son séjour à l'hôpital Bégin.
APrès 12 mois d'Algérie, mon père qui avait eu la malchance d'avoir 20 ans et d'être en parfaite santé, ne voulait pas y retourner pour une année supplémentaire.
Lors d'une permission, il va voir son médecin de famille, et lui demande de l'aider à ne pas y retourner. Le médecin refuse, mais devant la détermination de mon père à rester en France quelqu'en soient les conséquences, décide de lui donner un truc :
Pendant ses analyses d'urines, il faudra qu'il incorpore le résultat d'un blanc d'oeuf filtré par un bas nylon ; ainsi, son taux d'albumine sera anormalement élevé, et il devra resté hospitalisé.
Tout se passe au mieux ; sa mère lui a préparé le petit mélange qu'il a dissimulé dans sa main, et hop ! dans le tube.
Il ne retournera jamais en Algérie.
Plus tard il me fera lire "La question" d'Henri Alleg, encore censuré à l'époque. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Alleg)
Je découvre les horreurs de cette guerre.
J'ai 13 ans, et je suis encore loin de me douter de tous les supplices endurés partout sur cette terre, passés, et à venir.