Cette femme est dangereuse !

Publié le 11 octobre 2011 par Sylvainrakotoarison

La campagne du second tour de la primaire socialiste risque fort d’être polluée par l’idéologie protectionniste défendue par Arnaud Montebourg et régulièrement reprise par… Marine Le Pen.

Avec tout ce brouhaha médiatique qui a envahi les ondes depuis trois semaines à propos de la primaire socialiste, on aurait presque oublié que le paysage politique n’était pas constitué du seul parti unique socialiste et qu’il y avait d’autres formations politiques qui ont montré dans un passé plus ou moins récent quelques capacités électorales.

Ce qui est très étrange, c’est que l’idée de la défaite du Président sortant semblerait déjà acquise et qu’il s’agirait seulement de déterminer celui ou celle qui irait le remplacer…

Deux millions et demi de voix, la participation au premier tour, c’est à peu près le nombre de voix d’écart entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal au second tour de l’élection présidentielle du 6 mai 2007. Il y a donc encore un énorme fossé entre cette primaire moyennement suivie (à peine 15% de l’électorat de gauche) et la victoire le 6 mai 2012.

Pourtant, au-delà d’un faux bipartisme qui arrange autant les médias (par sa simplicité d’analyse) qu’une certaine classe politique, beaucoup oublient le grand potentiel de nuisance qu’entretient Marine Le Pen.

Durant la soirée du 9 octobre 2011 (dois-je l’appeler "soirée électorale" alors que ce n’était pas une élection ?), la présidente du Front nationale est apparue comme une sorte de déesse présidentielle, bien installée dans son fauteuil, drapée de tricolore, pour marteler avec force ses quelques obsessions économiques.

Il faut bien lui reconnaître un certain talent. Alors que les socialistes, malgré les hypocrites amabilités entre rivaux, s’entredéchirent pour atteindre le podium (les larmes de Ségolène Royal et la mine déconfite de Manuel Valls ont montré à quel point ce jeu était rude et cruel), elle n’a pas hésité à avancer ses pions.

Constatant qu’il y avait une participation assez élevée, Marine Le Pen a ainsi déclaré que les Français avaient un besoin de démocratie et d’expression politique, revenant alors sur l’idée du référendum.

Sur la forme, elle a été à la fois habile et subtile puisqu’elle s’est positionnée comme une promotrice de la démocratie. Qui ne le serait pas ? Le besoin de s’exprimer par un vote est non seulement banal (et heureux) mais logique : il y a une élection présidentielle tous les cinq ans (avant, c’était tous les sept ans) et nous sommes à la fin d’un cycle.

Ce qui est très dangereux, c’est que Marine Le Pen voudrait récupérer en fait tous les votes contestataires, ceux contre le gouvernement actuel et ceux contre la construction européenne.

Contrairement à ce que certains pourraient imaginer, Marine Le Pen est plus susceptible de puiser dans l’électorat du PS et de la gauche en général (le FN est le premier parti ouvrier de France depuis longtemps) que dans l’électorat de l’UMP (dont la course aux surenchères sécuritaires n’a aucune efficacité électorale).

Il y a fort à parier que la désignation de François Hollande à la primaire renforcerait d’ailleurs l’audience de Marine Le Pen en décevant tous les "adeptes" (y a-t-il un autre mot ?) de la "démondialisation" montebourgeoise.

C’est là le danger. Face à un discours inconsistant qui refuse de trancher par peur de rompre un faux consensus sur une candidature couronnée par les instituts de sondage, Marine Le Pen propose au contraire un discours tranchant, clivant, qui peut évidemment repousser bon nombre d’électeurs (dont moi) mais qui, par sa franchise et sa force verbale, peut obtenir l’adhésion d’un électorat désorienté par la situation économique et sociale actuelle.

La mesure phare sur l’abrogation de la loi du 3 janvier 1973 est très significative de ces fausses solutions qu’elle tente de véhiculer.

Déjà parce qu’elle montre que Marine Le Pen a encore quelques progrès à faire sur l’histoire économique de la France puisque cette loi a déjà été abrogée depuis plus d’une quinzaine d’années (à l’occasion d’une autre réforme de la Banque de France) et qu’avant cette loi, l’État avait déjà emprunté avec un taux d’intérêt (et après cette loi, il pouvait encore emprunter à la Banque de France).

Ensuite, parce qu’elle sous-tend une autre proposition qu’elle clame en long et en large : la sortie de la France de la zone euro.

Il n’est pourtant pas difficile de comprendre que l’euro, depuis plus de dix ans, a protégé la France au lieu de l’enfoncer comme elle le prétend. L’euro a permis à l’État d’emprunter à des taux bien inférieurs à ceux que nous aurions eus avec le franc français. Le pire serait évidemment l’instauration d’un "franc Le Pen" comme monnaie largement dévaluée par rapport à l’euro qui ruinerait la France dont la dette publique serait mécaniquement multipliée par deux ou trois.

Les conséquences économiques et sociales d’une telle sortie de l’euro sont assez faciles à prévoir si on ne fait pas l’autruche (rappelons la situation de mars 1983 après une année et demi de socialisme irréfléchi avec les mesures d’austérité draconiennes, le contrôle des prix et des échanges extérieurs) : augmentation des impôts, de la TVA, licenciement de fonctionnaires (pas des suppressions de poste mais bien des licenciements), effondrement de pans entiers du service public pour payer la dette ou pour résorber le déficit structurel à la manière forte (si l’État ne peut plus emprunter), etc.

(Ci-dessus : Arnaud Montebourg invité du journal de France 2 du 10 octobre 2011

impose ses volontés aux candidats restant en lice.)

Parce qu’Arnaud Montebourg a, finalement, avec Jean-Luc Mélenchon, un positionnement relativement proche de cette anti-européanisme primaire, les deux candidats restants, François Hollande et Martine Aubry, s’ils veulent gagner le 16 octobre, vont devoir, eux aussi, commencer à élargir leur conception ouverte et positive de la construction européenne à des thèses protectionnistes irrémédiablement incompatibles.

Jean-François Copé l’a d’ailleurs dit franchement lundi 10 octobre 2011 : « Décréter que la France désormais sera une île, qu’on pourra fermer ses frontières… écoutez, je ne connais qu’une seule personne qui dit être proche de cette idée, c’est madame Le Pen. ».

Cette surenchère démagogique contre la mondialisation des échanges (que la France ne pourra de toute façon pas freiner, seulement accompagner) se trouve désormais au cœur de la primaire socialiste et ne fait que le jeu de Marine Le Pen. Elle se frotte les mains et se voit déjà dans toutes les mairies.

Aux éléphants du PS de s’en rendre compte à temps !

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 octobre 2011)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Un programme néfaste pour la France.
Démagogie 2.0.
Loi 1973 : entre incompétence et démagogie.
Marine Le Pen au 2e tour en 2012 ?
Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sur les mêmes terres ?
 



 
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