"Peut-être suis-je sujet au Syndrome de Dépression Saisonnière (SDS)? Indentifié par le docteur Norman Rosenthal, un psychiatre d'une clinique sise à North Bethesda dans le Maryland (USA), il se caractérise par la combinaison, récurrente avec le changement de saison, d'humeur dépressive et d'un ensemble de symptômes physiologiques. Les gens atteints du syndrome "SDS hivernal", se plaignent, en plus de leur mélancolie, d'une baisse d'énergie, de créativité et de productivité ; ils ont besoin de davantage de sommeil et ont moins de contrôle de leur appétit.
Il m'est arrivé d'éprouver ces symptômes, mais seulement après une soirée prolongée tard dans la nuit. Je n'oserais pas avancer qu'il y eût quoi que ce soit de saisonnier dans l'histoire. On a pu constater que le nombre de ceux qui l'osent augmentent avec la latitude. Plus on s'éloigne de l'équateur et plus les gens se plaignent de symptômes du SDS hivernal.
Le Dr Rosenthal a découvert que le nombre de malades aux USA passe de 1,4% de la population en Floride à 9,7% dans les plus hautes latitudes du New Hampshire. Les femmes sont plus sujettes à cette affection que les hommes, et il paraît évident que cette différence est en rapport avec le fonctionnement hormonal puisqu'il augmente après la puberté et diminue dans les années qui suivent la ménopause.
Attribuant le déclenchement du SDS hivernal au manque de lumière, le Dr Rosenthal a pu constater qu'une exposition d'une demi-heure chaque matin à un projecteur d'une puissance de 10 000 lux - tout en lisant ou en écrivant - améliorait notablement le moral et l'énergie..
Eh bien, je ne suis pas près de m'asseoir en face d'un projecteur chaque matin à cause d'un simple stratus nebulosus opacus. Le problème n'est pas tant sa lumière proprement dite que sa signification : durant tout la journée, il n'y aura rien à voir dans le ciel.
Ne pourrait-on en dire autant des ciels implacablement bleus? Le Dr Rosenthal a aussi identifié une version du Syndrome de Dépression Saisonnière qu'il appelle "le SDS estival". Ceux qui en sont atteints sont déprimés pendant les mois d'été. Il est intéressant de noter que le syndrome hivernal est beaucoup plus fréquent aux Etats-Unis et en Europe, tandis qu'au Japon et en Chine, on trouve davantage de gens sujets au syndrome estival.
En Angleterre, les gens malheureux ou malchanceux sont décris comme "portant un nuage sur leur dos" alors que ceux qui ont l'air optimistes ont un "aspect radieux". Les brainstormings, où personne n'a le droit de critiquer les idées stupides, sont censés produire des "pensées azurées".
En Iran en revanche, vous exprimerez le fait que quelqu'un est béni ou chanceux en disant dayem semakum ghaim, ce qui veut dire "votre ciel regorge de nuages". Pour un pays dont les ciels sont clairs et bleus durant des mois d'affilée, il n'y a rien de spécial à avoir un aspect radieux ; pas de mérite particulier non plus à avoir des pensées azurées. Là, les nuages sont tout à la fois une promesse de pluie bienfaisante et une protection contre le soleil brûlant. Dans les régions tempérées où la pluie est plus fréquente, les sentiments à l'égard des nuages sont plus confus. D'un côté, ils voilent les rayons du soleil qui nous donne la vie, mais de l'autre, ils constituent une éternelle source de beauté. Que serait après tout un coucher de soleil sans les nuages? Un ballon brillant disparaissant derrière une ligne, et rien d'autre.
Ce pourrait être la fin définitive des couchers de soleil si ce stratus nebulosus opacus persistait à voiler le ciel. Il ne se contente pas d'être l'ami gênant qui se tient trop près, c'est aussi celui qui s'incruste quand il est temps de partir."
Le guide du chasseur de nuages, Gavin Pretor-Pinney, ed. Seuil, p. 91-93