Un décret du 29 septembre dernier, pris dans la plus grande discrétion, prévoit ni plus ni moins que la taxation de l’accès au juge ! Désormais les justiciables devront s’acquitter de la somme préalable et forfaitaire de 35 euros avant d’engager une procédure en justice, sous peine d’irrecevabilité de la demande. Ce droit de timbre vaut pour la quasi-totalité des instances civile, prud’homale, rurale, administrative, et est censé assurer le financement de l’aide juridictionnelle et de l’assistance de l’avocat dans le cadre de la réforme de la garde à vue. Les conséquences et les ressorts de cette réforme sont en réalité tout autres.
Un abandon du principe de la gratuité de la justice
Ce véritable péage pour la Justice constitue un obstacle supplémentaire pour le justiciable qui souhaite faire valoir ses droits. La gratuité de l’accès au juge est pourtant une composante essentielle du principe fondamental de procès équitable, et son abandon va pénaliser sans distinction tous les justiciables indépendamment de la nature des droits à faire valoir et des rapports de forces inégaux entre les parties au procès.
L’effet dissuasif de cette taxe sera particulièrement ressenti dans les affaires courantes, dans lesquelles un consommateur ou une association locale agissent souvent pour recouvrir de petites sommes, face à des grandes entreprises ou des structures juridiques bien plus importantes.
Plus encore dans la défense de leurs droits professionnels, les salariés, qui constituent l’écrasante majorité des demandeurs en Conseils des prud’hommes, trouveront là une contrainte financière qui vient se rajouter à des contentieux déjà extrêmement couteux. Cela est d’autant plus scandaleux que la sanction de non paiement de la taxe est l’irrecevabilité de la demande et par conséquent l’impossibilité définitive de faire valoir ses droits. De plus, la simple demande d’une attestation d’emploi devant un tribunal pour le salarié victime de licenciement tombera sous le coup de cette taxe. Il s’agit d’un coup supplémentaire porté aux voies d’actions des salariés qui avaient déjà subit les dégâts de la réforme de la carte judiciaire avec la suppression d’une soixantaine de Conseil des prud’hommes en 2008.
Une réponse financière injuste et inefficace à la réforme de la garde à vue
Sous couvert d’une volonté affichée d’apporter les financements nécessaires à l’assistance de l’avocat au cours de la première heure de la nouvelle garde à vue, le gouvernement fait peser sur les particuliers une taxe uniforme et inéquitable, dont le gain annuel estimé est de 86 millions d’euros. Si le gouvernement se targue que les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ne seront pas soumis à cette taxe, il faut rappeler que moins de 15% des justiciables peuvent y prétendre.
Cette nouvelle taxe adressée aux justiciables ordinaires montre l’absence totale d’anticipation du gouvernement sur une réforme de la garde à vue qu’il s’est faite imposer par le Conseil Constitutionnel, la Cour européenne des droits de l’Homme, ainsi que la pression des professionnels de justices et des forces politiques de gauche.
Plus inquiétant pour l’avenir, le gouvernement crée là un levier de financement qu’il pourra réutiliser en augmentant le prix du droit de timbre. Il pourra désormais utiliser l’évolution du prix de la taxe comme mesure de dissuasion pour réguler l’engorgement des tribunaux et le nombre de contentieux à traiter.
Fermement condamnée par l’intersyndicale des professionnels de justice, cette taxation n’est pas une solution. D’autres voies existent pour financer l’amélioration des droits fondamentaux des justiciables. Notre solution fondamentale doit rester la recherche de nouvelles marges de manœuvre financières pour le service public de la Justice : révolution fiscale, nouveaux impôts sur le revenu et sur les sociétés plus justes, taxation du patrimoine et du capital, suppression des cadeaux fiscaux socialement injustifiés, etc. Préférant taxer injustement les citoyens, la droite refuse ces sources de financement plus justes. En tant que Jeunes Socialistes, nous assumons ces choix politiques.
MJS