La double vie de la figue (en carpaccio de chèvre et noix)

Par Estebe

Bien le bonjour, les gens


Tiens causons un peu, si vous le voulez bien, d’un produit indubitablement de saison autant que follement inspirant: la figue. Ce fruit exquis, grignoté par l’homme depuis la nuit des temps, voire un peu avant, n’a pas que des amis. On connaît ainsi une jeune personne qui nourrit une vraie répulsion à son encontre. Et quand on lui en demande la raison, elle a cette réponse fulgurante: «Ce n’est pas que je n’aime pas, mais c’est que ce n’est pas bon.»
Cléopâtre, elle, en raffolait. C’est dans un panier de figues que fut dissimulé le fameux aspic. Celui qui lui administra l’ultime suçon. La reine au pif pointu, qui avait décidé de mourir, en aurait donné l'ordre pour que la bestiole la mordît sans qu'elle le sût (notez l’avalanche de subjonctifs imparfaits, c’est si rare de nos jours).


La figue peut donc se montrer retorse. Sous une physionomie rassurante et bonasse qui peut évoquer, selon les variétés, la burne flétrie de l'extraterrestre ou l’un des deux nénés de la Schtroumpfette, elle cache des entrailles grenues d’un rouge radical, éventuellement embarrassantes. Certains y voient comme une blessure sanguinolente, une autopsie en marche, même. Voire, dans un genre plus souriant, une image de nos propres pulpes intimes. On vous passe les analogies salaces. Les Italiens, à qui rien n’échappe, ont ainsi quasi le même mot pour désigner le frifri des dames et le fruit du figuier. C'est dire.


Ce long préambule nous ayant filé grave la dalle, vlà une petite entrée rigolote qui donnera à vos soupers des airs de noces antiques. C’est une salade de figues au chèvre et aux noix, d’une simplicité frisant la couillonnerie cosmique.
Rincez puis taillez des figues menues et fermes, si possible blanches et rouges, en rondelles d’environ 6,2 mm d’épaisseur.

Disposez-les ensuite dans un plat. Coiffez-les de copeaux d’un fromage de chèvre un brin sec. Ajoutez quelques pluches de basilic et éclats de cerneaux de noix. Humectez avec largesse d’huile de noix.

Salez à la fleur de sel et poivrez à la sichouanaise. Servez enfin sans faire le malin. Ou pas.
A plutarque