Certes, les primaires socialistes mettent la droite mal à l'aise. Cela nous offre un festival de fadaises dont certaines méritent d'être encadrées.
L'une des plus sophistes consiste à dire que si la gauche doit recourir à des primaires, c'est qu'elle ne possède pas de candidat naturel, alors que la droite, elle, en posséderait un.
Ce qui semble très théorique, parce que dans la pratique, il y a plutôt bousculade autour de fauteuil de candidat naturel : au début, c'était clairement Sarko, mais depuis quelque temps et quelques échecs, vu l'agitation autour de Borloo, Jupé, Copé, Fillon et quelques autres, on se demande si elle aussi, ne devrait pas se départager par des primaires...
L'autre non-sens a été brillamment développé par Copé hier à la télévision. Oui, vous savez, Copé, celui qui apporte son soutien aux 80 députés et 135 sénateurs qui prennent des mesures dénoncées par toutes les associations de lutte contre l'homophobie , le vautour de Meaux pour les littéraires, le roquet de Seine et Marne pour les intimes, a sorti sa calculette : « Les primaires ont permis à quatre Français sur cent de s'exprimer sur le candidat de la gauche ». Ce qu'il trouve peu.
Mais c'est une foule immense à côté des douze convives du Fouquet's qui ont élu Sarko candidat naturel en 2007, non ?
Parce qu'à l'UMP, ce n'est pas la droite tantôt populaire, tantôt populiste qui fait la pluie et le beau temps ?
Voilà un parti qui flirte avec le Front National depuis des lustres, balançant entre le « rien de commun » et le « certaines valeurs partagées » et il vient nous dire qui doit faire la loi à gauche en taxant Montebourg d’extrême gauchisme ?
Il y en a qui collectionnent les timbres, voire les valises ou les enveloppes, Nadine Morano collectionne les occasions de se taire manquées. Et puis, qu'est-ce que ça peut lui faire, la manière dont le PS arbitre les options de son candidat, attendu qu'avant même de les connaître, elle proclame hautement qu'elle s'y opposera ?
N'oublions pas, au hit-parade du « faites ce que je dis, pas ce que je fais», Marine LePen qui vient déclarer hier soir à la télévision que le succès de ces primaires est le signe que « les Français souhaitent s'exprimer »...
Dommage qu'elle ne leur ait pas demandé leur avis avant de se faire nommer par son papa présidente du parti familial, dans un cénacle encore plus restreint qu'un tour de table du Fouquet's...
Cela pose néanmoins le problème de fond de la démocratie, qui est, à gauche comme à droite d'ailleurs, un déchirement plus ou moins douloureux entre idéologie et réalité politique.
Plus ou moins douloureux car à droite, c'est la quadrature du cercle : il faut empêcher les foules béates de comprendre qu'il ne suffit pas d'être citoyen d'un pays riche pour être riche, qu'on peut travailler dans une entreprise pétée d'oseille tout en restant un travailleur pauvre et appartenir à des familles de plus en plus cosmopolites en cultivant opiniâtrement des valeurs gauloises.
Vaccinez tous ces braves gens de la certitude qu'ils sont chanceux parce qu'ils seront riches demain ou après demain s'ils continuent à trimer en fermant leur gueule, offrez leur quelques victimes expiatoires venues d'ailleurs que vous expulsez à grand tapage en les traitant d'indignes, essayez de diviser le bon peuple en communautés comme Sarko qui vient de tenter de dresser les travailleurs du public contre les fonctionnaires « protégés », et vous faites une politique de droite comme on la voit dans le Figaro.A gauche, c'est plus nuancé, moins malhonnête, mais guère plus facile. Car les primaires ne sont pas finies : il y a encore un second tour où l'utilité fondamentale de faire gagner la gauche et de battre Sarko va le disputer à l'idéologie, car le bon peuple, dans sa majorité, n'est pas prêt à voir triompher sans édulcorant des politiques radicales à la Martine ou à plus forte raison à la Montebourg.
L'occasion pour les droitistes de traiter les gens de gauche de bolcheviks, pour les éteints du conservatisme de qualifier les innovateurs d'allumés, et pour les tenants du libéralisme de tenter de nous persuader que la pauvreté n'attente pas à la liberté.