PS, avec un « P » comme patron. Avec l’émergence à gauche de forces en partie nouvelles, bénéficiant de la sympathie des électeurs aux élections intermédiaires, et/ou portées par des personnalités charismatiques – EELV, Front de Gauche, NPA – on pouvait craindre une érosion sur le long terme du PS, accusé de faire partie du système qui avait mené à la crise. Le résultat – partiel et provisoire – des courses est pourtant sans appel. NPA décapité par les polémiques et le retrait de son porte-parole ; primaire à 33 000 personnes chez Europe Écologie ; désignation par l’appareil communiste de Jean-Luc Mélenchon comme candidat du Front de Gauche. On comparera ces faits démocratiques avec les millions de Français impliqués dans les primaires socialistes et radicales. L’espoir du peuple de gauche est toujours porté, dans l’hexagone, par le Parti socialiste et ses alliés.
Sondages outragés ! Sondages brisés ! Sondages martyrisés ! Mais sondages vérifiés ! Durant ces dernières semaines, la critique des sondages est devenue un sport national à gauche, pour des raisons légitimes mais aussi parfois avec exagération. Le résultat de dimanche vient pourtant les confirmer : Hollande autour de 40 et Aubry autour de 30, Montebourg et Royal qui suivent, puis Valls et Baylet. La seule petite surprise est l’ampleur du score de Montebourg, qui a peut-être bénéficié d’un switch d’électeurs de Ségolène et d’apports hors « socialosphère ». A noter que si l’écart Hollande-Aubry s’est quelque peu resserré par rapport à ce qui était attendu, les sondages n’ont jamais donné l’ancien premier secrétaire élu au premier tour.
La machine socialiste se porte bien, merci pour elle. On pouvait avoir des craintes quant à la faisabilité pratique des primaires, et quant à la capacité du parti socialiste à les porter. Les raisons ne manquaient pas : organiser une élection nationale mais sans le soutien de l’État ; un nombre de militants en baisse pour s’en occuper ; tout qui repose sur un seul parti (alors que dans les exemples américain et italien, c’était d’une certaine manière toute la gauche qui s’en chargeait) ; des doutes à dissiper sur l’honnêteté du scrutin, suite à l’épisode de Reims ; une faible visibilité sur la participation ; last but not least, l’absence de précédent en France. Toutes ces craintes ont été balayées par une journée dépourvue d’incidents notables. On va désormais entendre des commentaires blasés sur ce qui est, en vérité, un tour de force remarquable et qui était tout sauf gagné d’avance. Il faut féliciter Martine Aubry et sa direction, bien entendu, mais également François Hollande, car on a du mal à croire qu’un parti qui aurait réellement « fait pitié » il y a deux ans aurait été capable de se relever si vite pour organiser une élection de cette ampleur. Je l’ai constaté dans les bureaux de vote de mon quartier, tenus par un mixte de vieux militants et de « 20 euros » de 2006. Dimanche est d’abord la victoire des militants, qui sont le trésor du PS par temps calme comme par gros temps.
Social-démocratie et réformisme, le slogan du jour. Je suis toujours mal à l’aise avec ces deux termes, tant ils sont à la fois mal compris et souvent utilisés comme des critiques à gauche. C’est absurde : n’ayant vu personne, ni au PS ni même au Front de Gauche, prôner la révolution puis le communisme et l’économie planifiée, il faut en conclure que nous sommes tous des réformistes, de Valls à Mélenchon. Toujours est-il que dans l’éventail des candidatures, quatre se plaçaient nettement dans une optique social-démocrate assumée (Aubry, Baylet, Hollande, Valls), voire cinq si on ajoute le cas plus complexe de Ségolène Royal, tandis qu’une seule – celle d’Arnaud Montebourg – refusait le terme et lorgnait plus du côté de l’économie contrôlée. Le résultat est sans appel : 83% des sympathisants socialistes et radicaux valident le réformisme social-démocrate, ce qui est une donnée à garder en tête pour la suite, et surtout dans cette semaine où l’on entendra beaucoup parler de démondialisation.
L’UMP cire le banc. Je cite un tweet de mon ami Jacques Rosselin hier : « Victoire sur le plan de la com: la droite sur le banc de touche qui regarde à la TV un premier tour de présidentielle. Pardon de primaire. » Tout est dit. Quant aux i-riposteurs UMP de service qui viendront faire la fine bouche sur le nombre d’électeurs qui se sont déplacés, nous leur rappellerons que Nicolas Sarkozy a été désigné par 229 303 militants UMP en 2007, dans une procédure stalinienne à candidat unique. Dix fois plus d’électeurs se sont déplacés hier pour valider un processus démocratique à six candidats. Il y a d’ailleurs un détail qui ne trompe pas : alors qu’il y a quelques mois la position de l’UMP était « feu sur les primaires », il y a maintenant jusqu’à François Fillon pour les saluer. Une première bataille de perdue pour la majorité sortante.
Un appareil, ça pèse énormément. Est-ce vraiment un hasard si les deux candidats en tête sont respectivement ex-premier secrétaire et première secrétaire ? Et s’ils rassemblent à eux deux l’immense majorité des élus et « poids lourds » du parti ? Certes, la force va à la force et Manuel Valls eût-il été donné à 40% dans les sondages que plus d’un éléphant se serait rallié à son panache. Mais une vieille loi a été vérifiée : pas de présidentielle sans parti derrière soi. Le cas Aubry/Royal peut être médité à cette lumière. Si Martine Aubry n’avait pas gagné le parti à Reims dans les conditions que l’on sait, elle n’aurait jamais été candidate. Si Ségolène avait été investie première secrétaire, elle aurait gardé son courant uni derrière elle, et aurait pu se glisser dans la peau de la candidate naturelle, car s’étant déjà présentée et dirigeant le parti. Avec des si … Elles portent loin, les conséquences de la nuit de Reims.
Du rififi à la gauche du parti. Au sortir de Reims, Benoît Hamon est sacré nouveau patron de la gauche du PS, ayant rassemblé toutes ses composantes dans une motion – Un Monde d’Avance – ayant attiré à elle 18, 52% des suffrages. Au sortir du premier tour des primaires, le score de la gauche du parti n’a guère changé, mais le nom sur l’affiche est désormais celui d’Arnaud Montebourg. La courbe de la « caution rénovation » de Martine Aubry à Reims, qui avait même soutenu un temps Pierre Moscovici, a fini par croiser celle du porte-parole du PS. Ce dernier se retrouve à présent dans une situation inconfortable, perdu dans l’auberge espagnole aubryste avec des Michel Destot et autres DSKistes en déshérence que l’on imagine assez loin de ce que portait Un Monde d’Avance. Benoit Hamon paiera-t-il cher sa fidélité à Martine Aubry et sa non-candidature aux primaires ?
Romain Pigenel