Des manifestations semblables à celles tenues récemment sur Wall Street, à New York, auront lieu samedi prochain dans plusieurs endroits du monde, et Montréal n’y fait pas exception. Que faut-il penser de ce mouvement?
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec
Samedi prochain, des milliers de personnes vont faire du tapage devant la Bourse de Montréal, au square Victoria. C’est la version montréalaise d’« Occupons Wall Street ». Un mouvement né à New York, qui enflamme un nombre croissant de villes américaines. Un groupe Facebook réunit déjà plus de 2400 membres.
Les manifestants dénoncent, entre autres, les banques de Wall Street et les multinationales.
Scandaleux
Je partage leur dégoût. Les sauvetages de banques me puent au nez. Si les gouvernements européen et américain crachent des milliards de dollars de leurs contribuables depuis 2-3 ans, ce n’est pas pour aider la veuve et l’orphelin. C’est pour sauver le cul des banques (françaises, allemandes et américaines, notamment), qui ont gaffé et prêté des milliards à des pays comme la Grèce, le Portugal ou l’Italie.
On assiste au plus grand détournement de fonds de l’histoire. On fouille dans les poches des citoyens, et on donne l’argent aux banques et à leurs actionnaires. On redistribue la richesse des pauvres vers les riches, pendant qu’on impose au peuple des « mesures d’austérité » (baisse de salaire, réductions de services, hausses de taxes…).
Les manifestants d’« Occupons Wall Street » accusent aussi les banques américaines de saisir illégalement leurs maisons. Dans bien des cas, c’est vrai. Ce scandale porte un nom : le foreclosuregate. Des banques comme Bank of America ou JP Morgan ont évincé des propriétaires sans même détenir les papiers pour le faire. On soupçonne qu’elles auraient même fabriqué de faux papiers, et trompé volontairement des investisseurs.
Ces idiots devraient se trouver en faillite à l’heure qu’il est. D’autres méritent peut-être la prison.
Connais ton ennemi
Mais doit-on seulement blâmer les banquiers? Dans le cas du foreclosuregate, l’administration Obama travaille fort pour limiter les dommages que pourraient subir les banques fautives. De peur de nuire à la « reprise » économique.
Peut-être Obama a-t-il aussi peur de décevoir ses amis? Les banques ont financé à coups de centaines de milliers de dollars sa campagne présidentielle. Sitôt au pouvoir, Obama a ouvert les portes de la Maison-Blanche aux lobbyistes de ces mêmes entreprises. Il a même invité les banquiers de Wall Street à venir le conseiller sur ses politiques économiques. Et je parie que c’était pareil sous George W. Bush.
C’est le gouvernement (et la Réserve fédérale) qui ont décidé — contre la volonté du peuple — de renflouer les banques. En n’exigeant presque rien en retour. Qui ont permis aux banques de faire des profits records pendant la crise, et de se voter des bonis indécents. Ne l’oublions pas.
Chaque fois, on a agité l’épouvantail de la fin du monde. L’enfer nous guettait si on osait laisser ces pauvres banquiers finir au chômage. Mais qu’a-t-on réglé au juste depuis trois ans? Rien. Les banques sont encore plus grosses, plus too big to fail qu’avant. Pire encore : en chargeant les dettes du privé sur le dos des contribuables, on a aggravé la situation. Ce sont maintenant les États, surendettés, qui avancent vers la faillite.
Gouvernement de copinage
Beaucoup de financiers à Wall Street sont cupides et immoraux. Mais sans l’aide du gouvernement, ces cowboys auraient tout perdu. D’autres entrepreneurs, plus prudents, auraient ramassé les pots cassés. L’économie a horreur du vide.
Soyons conséquents. Ce que nous devons combattre, c’est la cleptocratie. Le gouvernement de copinage. Cette alliance malsaine entre politiciens opportunistes et intérêts particuliers.
Blâmer ceux qui, rationnellement, cherchent à profiter de la situation — les banques américaines comme les entrepreneurs de la construction ici — est une distraction. Blâmons plutôt ceux qui leur ouvrent toute grande la porte. Ceux qui contrôlent les cordons de la bourse, qui possèdent le vrai pouvoir.
Et ce n’est pas à la Bourse de Montréal que vous les trouverez.
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Sur le web.