La primaire citoyenne était un franc succès. Près de deux millions et demi de votants avaient participé. Dans l'entourage du Monarque, on faisait encore les mauvais joueurs. « ils avaient annoncé 4 millions. Ils sont loin du compte » confiait un conseiller.
A l'Elysée, on faisait mine d'avoir autre chose à faire. Nicolas Sarkozy était à Berlin. Revenu vendredi soir du Caucase, il avait rencontré Christine Lagarde. Il fallait se résoudre à l'évidence: les banques européennes, y compris françaises, devraient être recapitalisées. Sarkozy avait attendu 4 jours pour réagir, malgré des secousses boursières et la dégradation de la note de crédit de l'Italie et de l'Espagne. La directrice générale du FMI a dû lui rappeler qu'il faudrait sans doute quelque 200 milliards d’euros pour supporter les inévitables abandons de créances en Grèce.
En fin d'après-midi ce dimanche à Berlin, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy s'affichaient devant quelques journalistes. Elle était habillée de vert, une couleur qui porte malheur dans le monde du spectacle. Il avait son traditionnel costume bleu roi. Les deux grimaçaient des sourires empruntés devant les photographes. La conférence de presse dura 15 minutes, avec deux questions, pas plus.
Ils n'avaient rien à dire, rien à annoncer, sauf qu'ils proposeront des solutions... à la fin du mois. « Il n'est pas le moment de rentrer dans le détail de toutes les questions qui se posent. Nous nous en tiendrons simplement aux principes » a expliqué Sarkozy. « La Grèce fait partie de la zone euro, et nous trouverons les solutions durables ». A force d'insister, Sarkozy a fini par nous inquiéter. « Il n'y a pas d'économie prospère s'il n'y a pas de banques stables ». Fichtre ! Et après la pluie, le soleil ? Sarkozy, à Berlin, ne resta que 15 minutes sur la tribune. Il n'avait rien à dire.
Pourquoi donc cette mise en scène ? Sarkozy a parlé « des réponses durables, globales et rapides avant la fin du mois », pour que « l’Europe arrive au G20 unie et avec les problèmes résolus ». Il a évoqué « une réunion à une date à fixer pour le détail de ce que nous ferons ». Le Monarque a surtout insisté sur l'accord « complet » entre la France et l'Allemagne. Mais sur quoi ? On ne sait pas. Sarkozy botta en touche, vers une autre réunion, « à une date qu'il conviendra de fixer ».
Il était quand même encore bravache. « Tout le monde le sait, l'Europe a choisi la monnaie unique sans même réfléchir à ce que serait son gouvernement économique, sans même réfléchir aux questions d'harmonisation des politiques fiscales et économiques et il nous faut maintenant, en pleine crise, répondre à ces problèmes. Et bien, nous sommes décidés à le faire ! »
Pour sa part, Mme Merkel a demandé « une coopération plus étroite et contraignante des pays de la zone euro ». Après ces quelques minutes d'intervention, les deux sont repartis pour un « dîner de travail ».
Résumons: Nicolas Sarkozy a pourri un dimanche d'Angela Merkel à Berlin pour promettre une autre réunion d'ici la fin du mois... Fantastique !
Cette intervention franco-allemande ressemblait à celle du mois d'août, quand Nicolas Sarkozy avait dû rentrer si vite de vacances pour se montrer avec Angela Merkel. On murmurait que la France à son tour allait perdre son Triple A, que la Société Générale risquait le défaut. Curieuse époque. Tout au long de l'été, Nicolas Sarkozy s'était planqué en vacances au Cap Nègre sans réagir. Fin août déjà, il avait expliqué qu'il y avait urgence à faire ratifier le renforcement du Fond européen de Stabilisation Financière adopté en juillet dernier. Août, c'était il y a deux mois. Et deux mois plus tard, Sarkozy-le-président-très-occupé nous promet des mesures miracles ... d'ici le G20 de novembre.
En fait, l'opération médiatique a fait choux blanc. L'attention était ailleurs, à Paris. Harlem Désir, le premier secrétaire par intérim du Parti Socialiste, avait annoncé le chiffre de 1,5 million votants à 17h dans les 3/4 des bureaux. Le soir, les chaînes d'information consacraient leur attention au suspense des primaires. Pressentant le succès de l'opération, quelques sbires de Sarkofrance, François Fillon en tête, avaient déjà loué la modernité de la chose en fin de semaine dernière. Evidemment, Sarkozy, pour sa campagne de réélection, ne saurait être concerné par une primaire à droite. Cette fois-ci, la rupture était à gauche, et Sarkozy ringardisé.
A Bruxelles, d'autres travaillaient au démantèlement de la banque Dexia. Rappelez-vous. En 2008, il y a trois ans, Nicolas Sarkozy nous avait promis de l'avoir sauvé. Elle disparaîtra dans quelques semaines, intoxiquée par des placements sans issue. Un communiqué commun des gouvernements français, belge et luxembourgeois a précisé dans la soirée de dimanche que « la solution proposée, qui est aussi le fruit de concertations intenses avec l'ensemble des partenaires concernés, sera présentée au Conseil d'administration de Dexia à qui il incombe d'approuver les propositions ».
Le cas Dexia, la « banque qui a tout raté sauf les stress-tests », première victime de l'inaction des gouvernements et de la crise de la dette, est la première illustration des tartufferies sarkozyennes. Dexia, c'est environ 10 fois le Crédit Lyonnais.
Fantastique.
Pour se sauver, Nicolas Sarkozy espérait être papa, une quatrième fois. Ce fut raté. Son épouse Carla n'a pas accouché. Il faut se retenir. Le second tour de la primaire citoyenne est pour dimanche prochain.
Décidément, ce weekend était pourri.