J'ai passé une des meilleures soirées de ma vie au cinéma du Lucernaire, et je suis assez sceptique quand je vais dans les petites salles de ce ciné-club. Leurs dimensions de salle et d'écran plus petites que les foisonnants multiplexes, ne favorisent pas la manipulation. On y est proches avec les autres spectateurs d'autant, quand après il y a un débat, avec un des critiques les plus experts et joyeux Xavier Leherpeur. S'il était aux primaires des critiques de ciné, je voterais pour lui. Il a des airs de Tintin.
Cela va être un de mes rendez-vous, car chaque mois Xavier Leherpeur, un jeudi, va choisir un film pour faire débat. Avec d'autres intervenants comme cette fois là, un monsieur très intéressant qui s'est occupé de la distribution de ce film en France, et le Directeur Cinéma du Lucernaire qui nous passait les deux micros.
les experts joyeux en cinéma sont rares, les amoureux tristes m'ont toujours barbée...
Nadia El Fani "Laïcité Inch Allah" : un document utile à la compréhension du printemps arabe
Critique | pour Le Monde.fr | 20.09.11 | 14h50
"Une scène du film documentaire tunisien de Nadia El Fani, "Laïcité Inch Allah".JOUR2FÊTE
A l'été 2010, alors que le portrait du président Ben Ali restait omniprésent sur les murs de Tunis (après tout il lui restait encore un triomphe électoral à venir), Nadia El Fani est venue filmer sa ville et son pays pendant le mois de ramadan. Six mois plus tard, la Tunisie étonnait le monde et le film de Nadia El Fani s'en trouvait bouleversé.
Ce qui aurait sans doute été une déploration de l'emprise de l'islam sur la société, poussée par une intellectuelle qui revendique son athéisme, est devenu un argument - voire une arme - dans le débat qui traverse la société tunisienne.
Aux plans volés dans les cafés aux vitrines aveugles où les hommes (les hommes seulement) se réfugient pendant les journées de canicule pour rompre le jeûne avant l'heure se sont ajoutés des débats passionnés autour de la notion de laïcité, des plans saisis dans les manifestations où féministes et islamistes s'affrontent.
Le matériau est passionnant et par la vertu de l'histoire, Laïcité Inch Allah est un document utile à la compréhension du printemps arabe.
Quant aux défauts du film, ce sont sans doute ceux de la réalisatrice. Sûre de la justesse de sa cause, elle en fait essentiellement intervenir les partisans. On se rend compte que les laïcs tunisiens ne sont pas issus du petit peuple et que leur moyenne d'âge est plutôt élevée.
Nadia El Fani a l'honnêteté de ne pas cacher cet état de fait, elle n'en expose pas non plus la genèse. Au détour d'une séquence de manifestation, une jeune journaliste explique comment elle a pris conscience, à l'occasion d'un reportage dans un quartier populaire, de l'influence prédominante de la religion sur la vie quotidienne des délaissés de la croissance tunisienne.
On voit aussi la patronne d'un atelier de confection répondre à la réalisatrice qui lui rappelle que Bourguiba conseillait de choisir le développement plutôt que le ramadan : "Mais ce n'est pas Bourguiba qui nous fera entrer au paradis". Ces fenêtres qui s'ouvrent sur d'autres façons de penser se referment bien vite pour laisser la place au discours passionné de la réalisatrice.
Film documentaire français et tunisien de Nadia El Fani. (1 h 12.)"
Thomas Sotinel