Auvergnate quelques mois par an, c'est avec joie que je suis allée à la grande ville, Clermont-Ferrand, pour un concert acoustique de Benjamin. Hier soir que cela avait lieu.
Arrivée à la gare SNCF, j'ai traversé le boulevard de l'Union Soviétique. Au 55, se trouve un squat. Un squat où j'avais bien l'intention de passer la nuit sur recommandation d'un pote. Histoire de mettre du sel au quotidien. Je sonne. J'attends longtemps. Finalement, un gars m'ouvre. Son chien me renifle. Il m'est possible de dormir dans le squat seulement si je rentre avant minuit. Oups... Punk is dead. (du coup, j'ai fini dans un hôtel pour VRP) (dormir dans un squat : à faire)
A 20 heures, une file de jeunes filles accompagnées de quelques hommes patientent à l'extérieur du Coffee Break, un bar lounge tenu par un jeune clermontois. Je préfère me jeter un petit verre de Bordeaux au troquet d'en face. Tandis qu'au comptoir, les habitués goûtent un alcool homemade à base de réglisse, le patron consulte la fiche wikipédia de Benjamin sur son iphone : « C'est en quelle année qu'il a fait la Nouvelle Star ? », "C'est bien ce qu'il fait ?"
Le Coffee Break est blindé (une centaine de personnes). Je patiente sur le trottoir avec un demi et me mêle de la conversation de deux types ahuris par le nombre de jolies filles au mètre carré : « oui, oui, il a déjà rempli la Coop' de Mai », « oui, oui, il est cool».
Première partie sympathique même si nous sommes pour l'ensemble assez peu réceptifs au répertoire « ballades rock des années 50 » de Dan-O-Sonic.
10 titres
Benjamin entre ensuite en scène. Une heure de set en acoustique où il propose (dans le désordre) ses nouvelles compositions : Contretemps, Indélébile, Et... Tadam !, Tombé du camion, Défoule. Une plus ancienne : Décor. Un quart d'heure anglais avec My Eternity, Just Know That I Knew ainsi que deux reprises : St James Infirmary et pour la première fois sur scène, si je ne m'abuse : Lover, you should have come over de Jeff Buckley.
Mes impressions alors qu'il me manque un Duc ? Mais il est prêt pour enregistrer son premier album studio ! Il a bien travaillé et re-travaillé et re-re-travaillé ses nouveaux morceaux ! Certes, tout n'est pas calé mais dans un environnement d'émulation, entouré de musiciens et d'arrangeurs talentueux, il nous enregistrerait l'album que nous attendons depuis 3 ans !
Bref. On récapitule.
Benjamin Siksou jouait dans des bars parisiens des compositions en français et en anglais et des standards du jazz. Il passait en parallèle des castings cinéma. Deux rôles décrochés : une comédie pour ados avec Daniel Auteuil. Le rôle de Largo Winch adolescent. Sans oublier une apparition dans La vie au ranch. Alors qu'il n'a que 19 ans, Matthieu Grelier, le directeur artistique de la Nouvelle Star le contacte via myspace pour qu'il participe aux castings du télé-crochet télévisuel qui venait de couronner Julien Doré. Après moults hésitations, le jeune homme s'est laissé convaincre parvenant même à se hisser jusqu'à la finale. Benjamin Siksou cristallisait alors de nombreuses attentes de professionnels de la musique, de journalistes et d'un large public. Pourtant, il préféra repartir à zéro ou presque. Alors qu'il lui était aisé de céder aux sirènes de plusieurs majors de l'industrie musicale, alors qu'il avait suffisamment de titres pour un album, alors qu'il lui était facile de trouver des artistes de la nouvelle scène française pour lui écrire des titres sur-mesure à l'instar de TOUS les candidats de télé-crochets qui ont bien vendu leur premier album (Jenifer, Olivia Ruiz, Nolween Leroy, Elodie Frégé, Camélia-Jordana, Julien Doré, Christophe Willem etc), Benjamin Siksou a opté pour reprendre son stylo et écrire de nouveaux morceaux, tout seul, en français.
Une mini-tournée triomphale à travers la France avait confirmé son énorme potentiel. Depuis, tous les six mois, une nouvelle date de sortie de album est annoncée. Pourtant, trois ans plus tard, toujours rien dans nos ipods. Les uns se sont lassés d'attendre. Les autres sont déçus qu'il n'écrive plus en anglais comme Irma, Soko, Yodelice ou Charles Pasi alors que le single édité après la Nouvelle Star (co-écrit avec le britannique Hugh Coltman) correspondait idéalement à ce qu'on pouvait supposer qu'il allait nous proposer. Pourtant, comme me l'a dit récemment une lectrice de ce blog : My Eternity était un bel accident. D'autres encore continuent de l'encourager en assistant à ses concerts au Duc des Lombards, La Cigale, L'Alhambra, le Glazart etc parce que Benjamin a toujours le groove, les gens ! Il aime toujours les arrangements jazzys ! Son timbre de voix est toujours unique ! Son jeu de guitare sonne même encore mieux qu'avant et son charisme sur scène (et dans la vie) a décuplé...
Côté cinéma, depuis trois ans, Benjamin ne chôme pas : il participe à des courts métrages, tourne un téléfilm de Emmanuelle Bercot (salué par la critique) et tient le premier rôle masculin dans une comédie musicale aux côtés de Leila Bekhti. Il est probable qu'il fera parti des jeunes espoirs pré-sélectionnés pour les César 2012. Dans tous les cas, il est remarqué par les professionnels du cinéma comme en témoigne sa participation au Jury Révélations du dernier Festival du cinéma américain à Deauville.
Côté musique, Benjamin a quitté le chemin qu'on lui avait tracé. On le savait qu'il n'aimait pas les raccourcis, de toute façon, non ? N'est-ce pas pour cela qu'il avait réussi à accrocher un public peu adepte de télé-réalité ? Aujourd'hui, à 24 ans, Benjamin préfère explorer les alentours, prenant le risque de se perdre dans les méandres de la création artistique et de l'inspiration soit, mais expérimentant la vie ! Celle qui donne des insomnies. Celle qui le réjouit autant qu'elle le déçoit. Celle qui l'amène à errer en observant ses concitoyens et des bâtiments Art Déco. Celle qui l'amène à s'ouvrir sur des contrées lointaines. Ce n'est pas parce que nous vivons dans une société où la compétitivité, la productivité et la rentabilité ont remplacé la liberté, l'égalité et la fraternité que nous devons nous laisser dompter. Surtout pas lui. Benjamin Siksou a des idées bien arrêtées. Des avis tranchés. Des opinions qu'il argumente. Il a besoin d'être en rupture, en danger pour se transcender. De se sentir aimé et soutenu pour s'ouvrir. Il ne baisse pas les bras. Il agit selon son instinct, ses idéaux et ses coups de cœur. Enfin, il s'ouvre de plus en plus vers les autres, reléguant sa timidité aux oubliettes.
Tout ça pour dire, que ce concert fut une révélation pour moi qui faisait partie, je peux l'avouer maintenant, de ceux qui ne comprenaient pas pourquoi il n'écrivait plus en anglais alors qu'il faut, j'estime, une sacrée maturité pour se livrer en français ainsi qu'une capacité d'analyse, de recul, d'observation, d'imagination, d'introspection et d'ancrage dans la vie réelle, pour se lancer. Ce 7 octobre 2011 m'a confirmé que j'ai eu raison de faire confiance à ce petit gars de 20 ans vu dans mon poste de télévision en 2008. Il va le faire ce putain d'album ! Quand ? Quand il rencontrera un directeur artistique avec qui le feeling passera.
(je déteste de plus en plus filmer pendant un concert)
(avant de filmer la reprise de Jeff Buckley, j'ai oublié de vider ma carte mémoire donc je n'ai enregistré qu'une minute) (je suis désolée)
(j'oublie toujours de prendre des photos de Benjamin)
(un jour, je me le jure, j'aurais ma photo de fan à ses côtés...;-))
(big up à Pupuce23)
A bientôt sur le blog ! (copyright MuLes)