Mardi 4 octobre, j'étais à Paris, invitée par l'Institut Curie en tant que blogueuse. En effet ce centre à la pointe en matière de prise en charge du cancer du sein a décidé d'investir de nouveaux médias pour sensibiliser d'autres publics. Nous étions 3 blogueuses "cancer du sein", Catherine Cerisey, Mélilotus et moi. Toutes les trois ayant reçu, un jour, un diagnostic de cancer du sein. Une autre blogueuse communication ainsi qu'une journaliste de Terra Femina étaient présentes.
C'était la volonté de l'Institut Curie de nous retrouver en petit comité autour d'une table pour échanger avec des cancérologues et nous faire ainsi découvrir l'envers du décor.
J'avoue qu'en tant que patiente, j'étais emballée par une telle proposition mais je l'ai été bien davantage en écoutant ces femmes. Elles étaient trois à intervenir. Toutes les trois ayant choisi de mettre leurs compétences à notre service pour tenter d'améliorer nos conditions de patientes, nos espérances de vie et notre qualité de vie si malmenée par la maladie. Je les ai trouvées merveilleuses, c'est grâce à elles, à des femmes comme elles, que je suis en vie aujourd'hui et que je peux me lever chaque matin avec des projets pour ma journée à venir.
Je vais tenter de vous parler de chacune d'elles, de leurs actions pour contrer le cancer, de ce qui m'a touchée, de ce qui m'a fait réagir, de ce que j'ai appris. J'espère arriver à vous transmettre un peu de mon ressenti tellement positif suite à cette journée.
Dr Brigitte Sigal
Directrice de mission Sénologie au sein de l'hôpital,
médecin spécialiste en Anatomie-Pathologie
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Elle nous a présenté l'Institut Curie (bien que je sois arrivée en retard à cause d'un incident indépendant de ma volonté mais que je ne manquerai pas de vous raconter ultérieurement !). Elle nous a dressé un panorama assez complet de leurs dernières innovations en terme de prise en charge des patientes atteintes d'un cancer du sein. En quelques clics, nous avons pu survoler leur nouveau site : http://www.cancersdusein.curie.fr/ qui tente de répondre à la demande croissante d'informations en provenance des internautes.
Ce que j'ai aimé :
Savoir qu'en France, nous avons la chance de posséder de tels centres à la pointe de la recherche et des traitements offerts aux patients.
Apprendre que l'Institut Curie est le premier centre à avoir conservé des échantillons de toutes les tumeurs des cancers du sein traitées. Ils sont tous congelés et servent ainsi de matière première à la recherche.
La possibilité de faire bénéficier aux patientes des tous derniers essais cliniques du centre de recherche de l'Institut si elles répondent aux critères de sélection.
L'idée de tenter de répondre aux demandes des internautes en fonction de leur profil à partir de leur site web par le bouton :
Ce qui m'a déçue :
La criante inégalité de soins offerts aux patientes en France suivant leur localisation géographique. Si elles habitent loin d'une grosse ville, elles seront le plus souvent orientées vers la seule petite clinique à leur disposition avec un oncologue "généraliste", alors que si elles ont la chance d'habiter dans une grosse ville, comme c'est mon cas, elles auront véritablement le CHOIX du centre qui les suivra et prendra en charge leurs vies.
Cette présentation vantant tous les avantages médicaux pour la patiente faisait davantage ressortir tout ce que ne font pas la plupart des cliniques un peu partout en France. J'ai ainsi appris que certains centres de soin ne congelaient pas les tumeurs de leurs patientes et qu'ils ne proposaient pas l'accès à ces derniers essais cliniques.
Je trouve terriblement injuste que ces petites cliniques ne puissent pas travailler davantage en réseau avec les grands centres avec pour conséquence que les patientes n'aient pas la même chance de s'en sortir. Et j'ai bien peur qu'avec la volonté de faire des économies de notre gouvernement, cet état de fait ne fasse qu'empirer. Ne serait-ce que par le non-remboursement des transports pour se rendre à une visite médicale éloignée de son domicile.
J'ai foncé, une fois rentrée chez moi, en bonne informaticienne et patiente 2.0, sur ce nouveau site prometteur. J'ai cliqué sur ce fameux bouton, sésame de l'information sur le net. Je suis allée, dans "je suis une femme", puis "de moins de 40 ans" et j'ai pu voir la superbe marguerite apparaître, moi au milieu et disposées autour des pétales représentant chacune un aspect de ma prise en charge. J'ai évidemment été attirée en premier sur "Mon traitement ciblé" et quelle déception :
J'ai réitéré l'opération sur d'autres pétales et j'ai pu me rendre compte que les informations que je trouvais sur ces pétales ne m'étaient d'aucune utilité, j'en apprends mille fois plus sur un forum comme "Les Impatientes" ou sur des blogs.
Quand je vois le succès de mon article sur le pertuzumab auprès des internautes, je me dis que ce site est très éloigné de l'attente des patientes du net et que je continuerai encore pendant longtemps à recevoir des mails me demandant des informations médicales à défaut de pouvoir trouver des infos en adéquation avec les demandes de toutes ces femmes qui veulent juste essayer de comprendre un peu mieux ce qu'on leur fait, ce qu'est leur cancer, ce qu'elles risquent.
Je trouve que c'est une très bonne chose que des organismes aussi imposants tentent de dynamiser leur image par une présence plus innovante sur le net en investissant les blogs, facebook, twitter mais les informations fournies par ce site ne sont pas à la hauteur de l'image du savoir que donne l'Institut Curie, dommage.
Dr Anne Vincent-Salomon
Médecin au service de Pathologie
et chercheuse dans l’unité de recherche
"Génétique et biologie des cancers"
Sujet de recherche : les cancers du sein
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Cette chercheuse nous a décrit en quoi consiste son travail assez obscur pour des non initiées comme nous. D'une part elle est médecin pathologiste, ce qui signifie qu'elle a la charge d'identifier le type de cancer du sein lorsqu'elle reçoit un prélèvement cancéreux. Cette identification servira de base pour établir le parcours de traitements de la patiente. D'autre part, elle fait de la recherche sur les cancers du sein et tente désespérément de trouver des moyens pour mieux caractériser les tumeurs cancéreuses afin de mieux soigner les patientes en mettant au point des produits plus ciblés.
Cette femme possède une gniaque formidable. Elle a une aura indéniable. Elle rayonne tout simplement. Son humanité, son professionnalisme, cette volonté indestructible de sauver des vies qui ressort à chacun de ses propos nous contaminent d'espérance. On ne peut qu'être totalement admiratif devant ce don de soi au service des patientes. J'ai été profondément touchée par cette grande dame, si simple, si essentielle pour nous toutes. La recherche est l'élément clé pour espérer vivre plus longtemps, d'autant plus lorsqu'on est comme moi sous herceptine à vie. J'ai parfaitement conscience qu'à un moment donné, je développerai une résistance à ce traitement ciblé et que seule la recherche pourra me permettre de bénéficier d'un traitement alternatif pour survivre un peu plus longtemps.
Ce que j'ai aimé :
Cette femme et à travers elle tous les chercheurs, sur lesquels nous fondons tous nos espoirs pour que moins de femmes meurent du cancer du sein. Ce sont véritablement nos anges gardiens.
L'humanité de ces médecins qui malgré leur très haut niveau de compétence n'oublient pas que nous ne sommes pas que des cellules anomales mais des êtres humains. Leur modestie tranche tellement avec leur rôle capital dans nos vies.
Une phrase qu'elle a prononcée que je retranscris approximativement : "de sentir les femmes mobilisées pour la recherche me donne des ailes pour continuer". A ce sujet, si vous pouviez laisser un commentaire à cet article, même vous qui me lisez mais n'écrivez jamais, juste pour témoigner que vous êtes derrière elle, derrière tous ces chercheurs, que vous aussi vous espérez tant de la recherche.
La visite des laboratoires, leur matériel de recherche, leurs paillasses, tous ces sourires pour nous signifier que nous étions les bienvenues, l'impression que nous étions au coeur de l'essentiel.
Découvrir le rôle d'un médecin pathologiste. Je sais que tous les prélèvements qu'on m'a effectués par biopsie, mammotome, tumorectomie, ont été analysés pour déterminer mon avenir dans les jours qui suivaient. Je pensais qu'il s'agissait de biologistes de l'ombre et je n'avais pas de considération particulière pour eux. Je viens de réaliser mon erreur. Ils sont la clé de tout. Pourtant j'aurais dû en prendre conscience bien avant, il aurait suffit que je me souvienne dans quel état je suis quand j'attends des résultats anapath.
Ce qui m'a déçue :
La problématique du financement. La recherche coûte cher et les financements publics sont insuffisants. Les laboratoires n'investissent que lorsqu'une étude semble fructueuse. Malheureusement pour une étude aboutissant à une réalisation concrète, plusieurs autres sont abandonnées. Il faut bien financer toutes ces études, on ne peut pas prédire à l'avance laquelle aboutira à une réelle avancée.
Les courses comme Odyssea sont d'une grande aide par les gains qu'elles reversent à la recherche. Alors qu'aux USA, les courses ont lieu toute l'année, en France, seulement en octobre. Il est regrettable que les patientes ne se mobilisent pas davantage pour aider la recherche, leur aide est précieuse et contribue grandement aux financements d'études.
Les conditions de travail de ces chercheurs. Ils manquent de place, sont entassés dans de minuscules bureaux à partager à plusieurs. Heureusement qu'il semble régner une bonne ambiance entre eux. Leur positivisme leur permet de s'arrêter sur ce qu'ils ont : une magnifique vue sur Paris depuis les grandes baies qui inondent de lumière leurs paillasses et de ne pas s'arrêter sur ce qu'ils n'ont pas, un espace de travail digne de ce nom. Il semble qu'ils préfèrent investir l'argent dont ils disposent dans leurs études plutôt que de se procurer un peu plus de confort. Pourtant il est bien connu qu'il faut ménager sa monture pour parcourir de grandes distances.
Le manque de chercheurs en France. Nous avons pu rencontrer plusieurs jeunes participant à des travaux de recherche dans le cadre de doctorat. Hélas, une fois leurs thèses présentées, ils vont passer une année aux USA et finalement, n'en reviennent pas. Quelle grande perte pour la France toute cette matière grise ! Toujours une histoire d'argent et peut-être aussi de conditions de travail, de reconnaissance de leur statut.
Voir des prélèvements qui venaient d'arriver. Penser à ces patientes encore étendues, inquiètes, à l'avenir incertain, ces femmes dont je me sens si proche, moi qui ai déjà eu à 4 reprises des prélèvements pour déterminer de quoi mon avenir immédiat serait fait et je sais que le compte ne s'arrêtera pas là.
Laure Copel
Responsable de l'unité DISSPO
(Département Inter-disciplinaire des Soins de Support
pour le Patient en Oncologie)
Unité mobile d'accompagnement et de soins continus (UMASC)
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Ce médecin a décidé de se consacrer à améliorer la vie des patients en participant à la mise en place d'une prise en charge globale. Cela comprend les soins palliatifs, la psycho-oncologie, la réadaptation fonctionnelle, la diététique, le service social... Un ensemble de soins de supports indispensables pour permettre aux patients de mieux vivre malgré leur cancer, malgré leurs traitements.
Des entretiens avec des psy sont proposés, soit individuel, soit familial, soit en couple, du moment que le cancer est en cause dans le mal-être qui s'installe.
De nouveaux projets pour continuer cet effort voient le jour ou sont à l'étude :
- Les problèmes liés à la sexualité après un cancer
- La mise en place de règles hygièno-diététiques afin que le patient se prenne en charge, notamment la pratique d'activités physiques adaptées en faisant appel à Siel Bleu. On propose à tous les patients 1H30 de bilan individuel avec l'un des professeurs de Siel Bleu à l'issue de laquelle, on leur fait des préconisations sportives. On leur propose un premier cours collectif gratuit dans l'un des divers ateliers, chacun composé de 12 personnes, tous atteints d'un cancer. Des cours particuliers à domicile sont possibles pour des personnes plus invalides mais les bénéficiaires ne seront pas très nombreux par manque de financement.
- Permettre aux personnes comme moi de pouvoir partir en vacances malgré leurs traitements chroniques, notamment lorsqu'ils ont lieu hebdomadairement. Pendant 6 mois, j'ai eu une perfusion hebdomadaire alors que mes filles étaient âgées de 4 ans et 15 mois. J'ai dû m'adapter à cette obligation vitale, venir chaque semaine pour ma dose de potion magique. Les conséquences ont été que j'ai réussi malgré tout à partir 2 semaines en vacances mais assez près de Lyon pour pouvoir faire l'aller-retour au milieu. Pour le reste des grandes vacances, des amis nous ont prêté leur maison avec piscine pour nous permettre d'avoir l'impression d'être en vacances. Actuellement avec mes perfusions depuis 5 ans, toutes les 3 semaines, j'arrive à partir en vacances 3 semaines mais j'ai vécu comme une véritable contrainte ces perfusions hebdomadaires, indispensables à notre survie, mais incompatibles avec l'envie et le besoin de s'éloigner du cancer, des traitements, de pouvoir prendre un peu de distance avec la maladie.
Elle a permis ainsi à 25 personnes de partir en vacances l'été dernier en s'associant avec d'autres établissements médicaux aptes à délivrer des chimios. Ils ont pu recevoir leurs perfusions sur leurs lieux de vacances. L'inconvénient est que cette organisation a demandé pas mal de temps dans sa réalisation par toutes les démarches qu'elle a engendrée.
- La réinsertion professionnelle. Une étude en cours tente d'identifier les problèmes liés à la reprise du travail et de voir quelles actions pourraient être entreprises pour améliorer ce douloureux problème que tous les patients dénoncent.
Ce que j'ai aimé :
La mobilisation de tous ces acteurs pour tenter d'améliorer notre qualité de vie. Tenter de sensibiliser le personnel médical à ces souffrances vécues par un grand nombre de patients. Faire en sorte qu'il semble un jour naturel de leur apporter des réponses comme il semble désormais normal de traiter la douleur.
La motivation de cette femme pour essayer de débusquer tout ce qui est source de souffrance chez les patients et trouver des moyens innovants pour les soulager.
Ce qui m'a déçue :
Le nombre de patients qui bénéficient de cette amélioration de leur qualité de vie par une prise en charge globale automatique. Toujours cette inégalité de moyens mis à notre disposition suivant l'endroit où l'on est suivi.
Le financement toujours au coeur du problème, les soins de support n'étant pas au centre des préoccupations et encore trop perçues comme secondaires et presque facultatives.
Le plan cancer qui préconise mais ne finance pas.
L'Institut Curie est un centre à la pointe de la recherche, des traitements, des prises en charge des patients, de leur bien-être. Bienheureux sont ceux qui ont la chance de pouvoir en bénéficier. Je suis toujours indignée par l'inégalité d'accès aux soins en matière de cancer, en France. Je suis en colère lorsque l'aspect économique prend le pas sur les possibilités thérapeutiques.
On peut sauver plus de vies, on peut dépister le cancer du sein à partir de 40 ans sans attendre qu'il métastase comme ce fut mon cas, on peut faire accélérer la recherche et trouver de nouveaux traitements permettant de sauver des vies ou de les prolonger davantage, on peut offrir une meilleure qualité de vie à tous ces patients malmenés par le cancer. Tout est une question de moyens, d'argent mais nous sommes à l'heure des économies, de la rentabilité, du rendement.
La vie d'une femme, d'une mère n'a pas de prix et ne doit pas en avoir et pourtant nous sommes si nombreuses à avoir vécu un cancer du sein, si potentiellement puissantes par notre représentation dans la société. Je rêve d'un avenir où tous les patients seront accueillis dans des clones de l'Institut Curie et où des chercheurs comme Anne Vincent-Salomon n'auront qu'une seule préoccupation, leurs travaux de recherche, pas leurs financements. Un avenir résolument rose...
Un grand merci à l'Institut Curie, à toutes ces personnes qui nous ont accueillies si aimablement. Nous avons découvert un véritable modèle de prise en charge du cancer du sein à mettre en place partout.
Si vous avez des questions concernant le cancer du sein, le Dr Brigitte Sigal que j'ai présentée en premier dans cet article, répondra en direct jeudi prochain, le 13 octobre 2011 sur médisite.