"Je n'étais pas sûr que ce domaine méritait un prix Nobel" et "je ne pensais pas que notre contribution attirerait autant l'attention", a réagi le biologiste français Jules Hoffmann, se disant plutôt "heureux" que "fier" d'être récompensé du prix Nobel de médecine 2011.
A 70 ans, ce père de deux enfants vient de se voir décerner la médaille d'or du CNRS, une des plus hautes distinctions scientifiques françaises. Après avoir reçu ces derniers mois les prestigieux prix Keyo de médecine, prix Gairdner en sciences médicales et le prix Shaw en sciences du vivant et médecine. "Je ne prend pas ce prix pour moi pour l'instant. Je suis très content que [le comité Nobel] ait choisi ce groupe-là, des gens qui s'entendent bien", a-t-il ajouté par téléphone de Shangaï, estimant que "ce sont les travaux de ces trois groupes qui ont permis d'avoir une meilleure compréhension de l'immunité innée".
Jules Hoffmann est né au Luxembourg, le 2 août 1941. Son père, enseignant de sciences naturelles et collectionneur d'insectes à ses temps perdus, lui a communiqué sa passion. Dans une brève autobiographie, il raconte que, sur les conseils du Pr Pierre Joly, qui l'avait accueilli dans son laboratoire du CNRS à Strasbourg, il a "décidé de rester dans le système universitaire français et de demander la nationalité française". Il l'a obtenue en 1970, perdant ainsi sa nationalité luxembourgeoise, et n'a "jamais regretté" ce choix, malgré un "conflit" entre ses "intérêts scientifiques et les sentiments familiaux".
MOUCHE DU VINAIGRE
Dans les années 1970, Jules Hoffmann a créé le laboratoire Réponse immunitaire et développement chez les insectes, installé à l'institut de biologie moléculaire et cellulaire du CNRS, à Strasbourg, qu'il a dirigé de 1994 à 2006.
Après des premiers travaux sur les sauterelles, c'est chez la drosophile ou "mouche du vinaigre" que le biologiste analyse les réponses antimicrobiennes des insectes, permettant des avancées pour la compréhension des mécanismes chez les mammifères, homme compris, à une époque où "personne ne faisait ce type d'études au plan mondial".
"Les insectes se défendent remarquablement bien contre les infections, notamment par la production de puissants peptides [petites protéines] à large spectre d'activité contre les bactéries et les champignons", a-t-il expliqué devant l'Académie française des sciences, quand il l'a présidée, de 2006 à 2008.
Considérée maintenant comme une première ligne de défense indispensable avant l'apparition d'anticorps, l'immunité innée faisait alors figure de système "subalterne". On connaissait les phagocytes, des globules blancs avaleurs de bactéries, mais "on ne s'attendait pas à ce que cela soit aussi complexe".
L'immunité innée est une "défense immédiate et générale, sans viser spécifiquement un germe infectieux ni mémoriser son identité", explique Jules Hoffmann, qui a découvert en 1996 le récepteur Toll. Capable d'identifier un agent pathogène, il intervient aussi dans l'activation de l'immunité adaptative ou spécifique, le deuxième type de réponse immunitaire entraînant la production d'anticorps.
"C'est une personnalité chaleureuse. Il a un pouvoir de communication extraordinaire", selon son collègue Charles Hétru, tandis que Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences et professeur d'immunologie, le décrit comme "élégant, bon vivant, chaleureux, mais en même temps un peu austère".
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