D’après ce fort intéressant article, les 4 grandes chaînes de télévision américaines reçoivent chacune en moyenne 500 propositions de séries par an. Au final, ces chaînes vont demander des scripts pour environ 70 séries, puis, une fois que 70 équipes de scénaristes se sont bien cassées le cul à pondre un script, ils en sélectionneront une vingtaine pour tourner un épisode pilote. Le « pilot », c’est donc l’épisode qui va être montré aux gérants de la chaîne, l’épisode « test » qui sera refusé dans environ 60% des cas. Au final, chaque chaîne va sortir environ 5 nouvelles séries chaque année, sachant que seule une ou deux séries par an connaitra l’honneur d’une seconde saison. Bref, le chemin jusqu’au petit écran est long, difficile et sans pitié, et c’est mon privilège de spectateur de sélectionner 4 de ces nouvelles séries de manière totalement arbitraire et de leur casser du sucre sur le dos sans le moindre respect pour les centaines de personnes qui ont travaillées à la création de ces œuvres. Youpi !
Ringer
La petite originalité de Ringer, c’est le double rôle de Sarah Michelle Gellar, qui interprète à la fois Bridget, une ex-strippeuse ex-droguée témoin d’un meurtre, et sa richissime sœur jumelle, Shioban. L’histoire commence vraiment quand Shioban disparait dans la mer, et que Bridget décide de prendre sa place pour échapper au meurtrier qui est désormais à sa recherche. Yep, ça s’appelle de l’usurpation d’identité, et c’est pas cool. Et évidemment, Bridget découvre rapidement que Shioban était également recherchée par des gens pas très gentils, et accessoirement qu’elle couchait avec la moitié de New-York. Dans la peau de sa soeur, Bridget se retrouve donc a jongler avec les problèmes de Shioban tout en tentant de ne pas se faire griller auprès de ses proches et… c’est vachement sympa à regarder. Le simple arc scénaristique de l’usurpation d’identité est déjà bien fun, mais tout laisse à penser que les scénaristes ont prévus plein d’autres péripéties bien sadiques à faire subir à Bridget. Et même si les scènes avec les deux sœurs en même temps sont ignobles visuellement (ça vous fait revenir à l’âge de pierre des effets spéciaux), Sarah Michelle Gellar se débrouille très bien, participant grandement a faire rentrer le spectateur dans une histoire qui est, il faut quand même le reconnaitre, un petit peu conne. Mais j’y crois : Ringer a tout ce qu’il faut pour être une série très agréable.
Panam
De l’autre côté, il y a une ambiance extrêmement sympathique (à défaut d’être réaliste) : l’idée qu’on peut se faire des années 60 est dépeinte avec brio, ça respire le glamour de partout, la bande-son est particulièrement bonne… la copie est presque parfaite de ce côté-là.
Pour autant, je ne pense pas regarder la suite de Pan Am. C’est toujours hardu de juger une série simplement sur son pilot, mais les premières histoires m’ont autant intéressées que le dernier meeting de François Hollande, et les personnages principaux me paraissent un peu trop uniformes pour rester intéressants pendant plusieurs épisodes. Pour être honnête, je n’ai tout simplement pas accroché, probablement parce que la série semble en fait surtout viser la gente féminine. Je dois néanmoins lui reconnaitre un certain potentiel : à voir si je retombe dessus un de ces quatre.
Terra Nova
Contrairement a la quasi-totalité des séries existantes, « Terra Nova » n’a pas eu besoin de « pilot » dans son sens traditionnel : la Fox a directement commandé 13 épisodes, sans prendre la peine de voir un échantillon avant de se décider. Le fait d’avoir Steven Spielberg au générique (en tant que producteur exécutif) et le budget complètement insensé de 4 millions de dollars par épisode n’y sont probablement pas étrangers (pour comparer, Battlestar Galactica, autre série très demandeuse d’effets spéciaux, avait un budget moyen de 1 million de dollars par épisode). On a de plus droit à un pilot d’une longueur inhabituelle (1h30) qui contient visiblement tous les ingrédients de la série : un peu de science-fiction, beaucoup d’action, et des tonnes de dinosaures.
Alors que l’humanité a pollué la Terre de manière tellement importante qu’il est devenu impossible d’y respirer sans masque, des scientifiques ont découvert une brèche dans l’espace-temps qui permet de remonter dans le passé. Ni une ni deux, le gouvernement envoie un groupe d’humain 85 millions d’années dans le passé pour créer une colonie du nom de Terra Nova, avec la mission de reconstruire la race humaine dans un nouvel environnement plus propice.
C’est assez attirant comme pitch de départ, et j’espérais secrètement une série à la Lost (le scénario complètement tordu en moins). Sauf que non : tout ce dans ce pilot semble indiquer une super-production complètement basique et inintéressante, qui se laisse regarder sans problème et se laisse oublier avec la même facilité. On a droit à la belle famille américaine, au chef de camp qui semble gentil mais mystérieux (et qui va probablement se révéler être un dictateur ignoble), à l’autre colonie ennemie qui semble méchante mais mystérieuse (et qui va donc probablement se révéler être en fait le camp des gentils) et enfin à la jeune fille expérimentée et rebelle qui se fout dans les ennuis (mais qui s’en sort toujours parce qu’elle est bonne).
Après c’est facile à regarder, il y a un arc scénaristique à peine abordé dans l’épisode qui pourrait être intéressant par la suite (de mystérieuses peintures rupestres), et il y a tellement d’action qu’il est impossible de s’ennuyer. C’est pas trop mal, mais avec 4 millions de dollars par épisode, il y a sûrement moyen de faire beaucoup mieux.
Homeland
Homeland va être fantastique. Homeland va être la meilleure série de l’année. Pas le choix : si les scénaristes foirent ce coup là, je ne m’en remettrai jamais. Et je veux leur faire confiance, parce que ce pilot est génial. Mais franchement, je ne sais pas comment ils vont réussir a tenir toute une saison avec un synopsis pareil. Homeland suit en effet un soldat américain tout juste rapatrié aux USA après 8 ans de captivité en Afghanistan, et une analyste de la CIA persuadé que le soldat en question a été retourné et prépare un attentat aux Etats-Unis. C’est un sujet qui impose normalement un rythme intense qui ne peut tout simplement pas être soutenu dans une série télévisé, d’autant plus lorsque chaque épisode dure une heure (et sachant que la première saison comportera douze épisodes).
Les créateurs de Homeland ont donc choisi la voie inverse, et ce pilot prend tout son temps pour installer les personnages et l’ambiance. Nicholas Brody est logiquement traumatisé par ses huit ans de captivité, et ce pilot est consacré en bonne partie aux débuts de sa ré-adaptation à la vie civile. De l’autre côté, on suit les déboires de Carrie Mathison, l’analyste de la CIA en disgrâce, qui a été ramenée aux USA après une opération ratée en Irak. Persuadée que Brody est devenu un terroriste, elle doit trouver des preuves avant de pouvoir en parler à sa hiérarchie et se voit obliger des recourir à des méthodes non-conventionnelles, du genre de bourrer la maison de Brody de caméras sans en parler à ses patrons.
Et c’est très, très efficace. La tension monte lentement mais sûrement, notamment dans la deuxième partie de l’épisode quand on commence a découvrir que Brody n’est effectivement pas si clean que ça. Le rythme reste posé, mais sans jamais devenir ennuyeux. Les acteurs sont tous magistraux dans leurs rôles, avec une mention spéciale pour Claire Danes, exceptionnelle dans la peau d’une agent de la CIA complètement névrosé mais persuadé d’avoir raison. Bref, Homeland est sans conteste la série à surveiller pour cette rentrée télévisuelle.