Seuls

Par Icecool

- DOSSIER PEDAGOGIQUE -

  F. Vehlmann et B. Gazzotti

Dupuis, série depuis 2006

L’histoire

Ils sont cinq ... mais ils sont seuls !

Cinq enfants se réveillent un matin et constatent que tous les habitants de la ville ont mystérieusement disparu. Que s'est-il passé ? Où sont leurs parents et amis ? Ils se retrouvent livrés à eux-mêmes dans une grande ville vide et vont devoir apprendre à se débrouiller... SEULS !

Au fil des cinq albums qui composent le 1er cycle, Dodji, Leïla, Camille, Yvan et Terry vont affronter des dangers toujours plus inquiétants et angoissants : les animaux échappés d’un cirque, un fou armé de couteaux, un jeune nazillon qui tyrannise son clan d'enfants installé dans un parc d'attractions, des singes kidnappeurs au comportement étrange et ultra-violent, l'exploration de la zone rouge, la mort de l'un d'entre eux...

Et pourtant, ils n'ont encore rien vu et leur situation empire jusqu'au climax final, aussi terrifiant que surprenant.

Les albums   

Scénario : Fabien Vehlmann - Dessin : Bruno Gazzotti - Couleurs : Cerise /Caroline et Usagi

1er cycle

1.   La Disparition, Dupuis, janvier 2006

2.   Le Maître des couteaux, Dupuis, avril 2007

3.   Le Clan du requin, Dupuis, juin 2008

4.   Les Cairns rouges, Dupuis, juin 2009

5.   Au cœur du maelström, Dupuis, juin 2010

2e cycle

6.   La Quatrième Dimension et demie, Dupuis, mai 2011

Les sites et pistes supplémentaires à consulter… seul(s)

-   http://www.seuls-labd.com/accueil.php : site officiel de la série (résumés des albums, jeux, forum…).

-   http://www.dupuis.com/catalogue/FR/s/753/seuls.html  : présentation de la série sur le site des éditions Dupuis.

-   http://seuls.over-blog.org/ : blog du dessinateur Bruno Gazzotti (infos sur la série, esquisses et crayonnés, possibilité de poser des questions à l’auteur).

-   http://fr.wikipedia.org/wiki/Seuls_(bande_dessin%C3%A9e) : page dédiée à la série dans Wikipédia. Accès au résumé détaillé de chacun des albums.

Questionnaire pour les élèves

La couverture d’une B.D. comporte deux messages : l’un écrit, l’autre dessiné.

On pourra observer avec les élèves le schéma de progression suivant, en leur ayant soumis ou non le résumé des différents albums.

Objectif : comment analyser la première de couverture d’un album de bande dessinée ?

1)   En vous servant de la grille d’analyse, relevez les différents éléments qui composent la couverture de votre album :

Ce que je vois sur la 1ère de couverture du tome 1 de Seuls

IMAGE

Que représente-t-elle ?

Hypothèses sur l'époque :

Hypothèses sur le lieu de l'action :

Justification de ces hypothèses :

Plans de l'image :

Hypothèses à partir de ces plans :

Lignes de l'image :

Hypothèses à partir de ces lignes :

Angle de vision :

Impressions dégagées :

Eclairage :

TEXTE

Quelle sorte de texte ?

Emplacement :

Typographie :

Interprétation du titre :

COULEURS

Identification :

Impressions dégagées :

Hypothèses sur le sujet de l’histoire :

2)   À partir de tous les éléments relevés, évoquez l’atmosphère dans laquelle le lecteur va certainement être entraîné.

3)   Observez attentivement les couvertures des albums suivants. Quels points communs ou différences relevez-vous ? De toutes les couvertures présentées, quelle est celle qui vous attire le plus ? Pour quelle(s) raison(s) ?


 



Lecture et analyse de la couverture 

 

Avec son titre relativement aisé à retenir, la série Seuls, lancée en 2006 par le scénariste Fabien Vehlmann et le dessinateur Bruno Gazzotti aura su susciter l’intérêt immédiat d’un large public, attiré à la fois par une intrigue fascinante et par le style nerveux déployé par les auteurs.

Le dessin de couverture du 1er album de la série, titré La disparition, fournit d’emblée au regard des lecteurs de nombreux éléments plus ou moins codés qui ont le grand mérite de ne pas déployer pour autant le cœur de l’intrigue. Nous observerons prioritairement que le dessin répond tel un miroir au paratexte : un adolescent « seul », armé de manière assez dérisoire, doit y affronter ses diverses peurs et affronter un danger encore indicible. Les taches de sang au sol et la piste - criminelle, animale ou monstrueuse - suggérée dictent un parcours en souffrance (vers le bord inférieur gauche), inverse à la destinée normale du protagoniste.

Si l’idée de mort est amenée par la présence du sang et par le sous-titre « disparition », rien ne permet d’avancer que l’intrigue soit ici strictement cantonnée au domaine du genre policier. Si la maquette et le dessin de la couverture introduisent un potentiel en ce sens, notamment par la présence des couleurs (noir, blanc et rouge) et d’une arme, on notera que la série ne s’inscrit dans aucune collection référentielle de l’éditeur (Répérages chez Dupuis, collection dans laquelle s’inscrit par exemple la série précédente de Gazzotti, Soda (créé par L. Warnant avec Ph. Tome au scénario, de 1987 à 1999)), ou encore les titres Jérome K. Jérome Bloche (par Le Tendre, Makyo et Dodier depuis 1985) ou Largo Winch (de Van Hamme et Francq depuis 1990)). Le blanc inquiétant sur lequel vient s’inscrire le héros de ce premier opus (Dodji) renvoie certes à un effet de présentation des caractères, déjà vu précisément sur les premiers visuels de Largo Winch, mais connote ici une toute autre atmosphère : tout décor et repère immédiat ayant disparu, l’adolescent est bien livré à lui-même, dans un univers oscillant entre polar, aventure, fantastique et science-fiction. On pourra ainsi y voir ou y lire un rappel de la blancheur monochrome et aliénante environnant les acteurs du film THX 1138 de Georges Lucas (1971).

Le logo-titre Seuls agit également en réfraction de l’univers présenté : dans l’optique où le héros semble isolé de tout, le titre renvoie à un pluriel intriguant et suggestif soit de la menace constituée par « les » autres soit de l’éventualité de mondes parallèles et pluriels, là où nous voyons encore une unique disparition. Par sa solitude et sa peur, Dodji en appelle déjà toutefois à une fraternité combative : son arme est d’emblée son premier compagnon, et nous ne saurions dire par ailleurs, à la découverte de ce premier album, si le titre doit se lire « Seuls » ou « Seul » suivi d’un sigle plus ou moins évident à décrypter (&/et, sigle de l’infini, variante d’une lettre grecque, etc.).

De manière plus subtile, nous analyserons notamment que le titre Seuls est constitué de cinq lettres, au profit d’un récit mettant en scène cinq adolescents, tels ceux composant le fameux Club des Cinq d’Enid Blyton (1942 - 1963), lui-même allégorie de l’union parfaite composée par les cinq doigts de la main.

Parmi les références littéraires des auteurs, on évoquera de manière assez évidente des titres comme Les Enfants de Timpelbach (H. Winterfeld, 1937) ou Sa Majesté des mouches (W. Golding, 1954). Dans le manga d’horreur L’Ecole emportée, paru en 1972, c’est toute une école et ses occupants qui se retrouvent transportés dans un monde désertique et hostile dénué d’adultes. Dans le Peter Pan de J.M. Barrie (1911), le Pays imaginaire abrite aussi tout un groupe de garçons perdus, enfants abandonnés à la naissance et ayant perdu de vue la réalité du monde extérieur. Ce type d’intrigues prend à contrepied le point de vue romanesque traditionnel montrant plutôt un groupe composé de naufragés adultes voyant très vite s’affronter les diverses mentalités (en bande dessinée, Histoire sans héros par Van Hamme et Dany, paru en 1977 au Lombard). A l’inverse, nombreux sont les scénarios ou les histoires à nous avoir présenté un groupe de personnages unis par l’amitié ou malgré eux, devant lutter contre une terrible adversité ou résoudre un problème en apparence insoluble : voir ainsi le roman L’Ile mystérieuse (1874), les séries télévisuelles Mission impossible et Agence tous risques, les comics La Ligue des Gentlemen Extraordinaires et X-Men, la série romanesque Les 6 Compagnons de Paul-Jacques Bonzon, des films aux titres évocateurs comme Les Sept Mercenaires (J. Sturges, 1960) ou Les Douze Salopards (R. Aldrich, 1967) ou, encore, La Communauté de l’Anneau, titre en 1954 du premier opus du Seigneur des Anneaux de Tolkien.

On lira également dans les sentiments de solitude et désespérance de « Seuls » un parcours initiatique digne à la fois de Robinson Crusoé (D. Defoë, 1719), de Je suis une légende (R. Matheson, 1954), de La Planète des singes (P. Boulle, 1963) et de la série Lost, ultime robinsonnade au titre analogue, diffusée de 2004 à 2010.

Pour les couvertures des épisodes suivants, les auteurs vont avoir beau jeu de décliner les concepts élaborés lors de ce premier album : dans chacun des cas, l’un des cinq enfants-héros sera représenté sur fond blanc face à une menace nouvelle, celle-ci renvoyant du même coup aux différents genres et thématiques précédemment évoqués. Soit le thriller policier pour Le Maitre des couteaux (t.2 en 2007), l’aventure animale pour Le Clan du requin (t.3 en 2008), le monde des légendes urbaines pour Les Cairns rouges (t.4 en 2008), l’horreur surnaturelle et le genre catastrophe pour Au cœur du Maelström (t.5 en 2009), la guerre et le fantastique pour La quatrième dimension et demie (t.6 en 2010).


Crayonné et visuel final pour la couverture de l'intégrale du 1er cycle.

En jouant sur les références et les codes internes de la série, parfois donnés ouvertement comme faussés (le « sang » apparaissant en couverture des tomes 1, 3 et 5 est réel, inversement à la peinture rouge du tome 4), ces visuels agissent comme des révélateurs d’une perception de plus en plus directe de l’intrigue, constituée au fil des épisodes par des micro-indices. Au début du tome 6, nous comprenons par exemple par le « seul » titre que la compréhension de l’existence d’un univers parallèle (la fameuse quatrième dimension et demie) permettra d’office le deuxième surgissement de Dodji dans la linéarité des personnages, inévitablement rompue après cinq couvertures. Le visuel de l’intégrale du 1er cycle, parue en 2011, gardera du reste la même charte graphique tout en prenant soin de montrer cette fois ci l’ensemble du groupe, positionnée toutefois dans une situation relativement analogue à celle de Dodji en couverture du tome 1 (il en conserve encore le bâton-massue protecteur, mais son équipement et ses habits ont changé).


Recherches de couvertures pour les tomes 4 et 5 ; visuel paru en couverture du Journal de Spirou pour annoncer la prépublication du tome 5.

Au fur et à mesure des années, album après album, la série Seuls glisse donc d’un genre à l’autre, demeurant ouvertement multi-référentielle bien que nous ayant déjà indiqué dès ses origines son but ultime probable : la science-fiction contemporaine. En témoignent ainsi les blocs verdâtres constitutifs de la numérotation des albums, dont la couleur essentiellement symbolique met en exergue le mystère relatif à la création : bien que relative au champ de la fiction, l’histoire narrée est aussi le reflet du lecteur, seul lecteur de l’album tenu entre ses mains et seul acteur agissant dans le cadre de son propre imaginaire. Libre à lui d’échanger ensuite avec les auteurs ou d’autres lecteurs sur sa perception de la série : il rejoindra alors comme témoin ou acteur le potentiel narratif d’une série où les blancs doivent être comblés aussi bien physiquement que mentalement. S’il y a ellipse dans la bande dessinée, l’œil du lecteur inventera en effet tôt ou tard la case ou l’inter-case manquante…

Sommes-nous « seuls » dans cet univers graphique ?

Dossier réalisé par Ph. Tomblaine - Images toutes ©Dupuis - Vehlmann et Gazzotti. 2006 à 2011.

 

  Pour lire en ligne :

 

Analyse de couverture série Seuls