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« Le poisson rouge ne peut ramener la complexité des océans à la quiétude de son bocal. » (p. 185)
L’auteur :
Yasmina Khadra est né en 1955 dans le Sahara algérien. Il est aujourd'hui connu et salué dans le monde entier ou ses romans, notamment À quoi rêvent les loups, L'Écrivain, L'Imposture des mots, Cousine K sont traduits dans 40 pays. L'Attentat a reçu, entre autres, le prix des libraires 2006, le prix Tropiques 2006, le grand prix des lectrices Côté Femme et est actuellement en cours d'adaptation cinématographique. Ce que le jour doit à la nuit - Meilleur livre de l'année 2008 (Lire), prix France Télévisions 2008, prix des lecteurs de Corse - sera également porté à l'écran par Alexandre Arcady.
L’histoire :
Médecin à Francfort, Kurt Krausmann mène une existence ordinaire, limitée à ses allers-retours entre son cabinet de consultation et son appartement bourgeois. Jusqu'au drame familial qui va le précipiter dans le désespoir. Afin de l'aider à surmonter son chagrin, son meilleur ami, Hans, un riche homme d'affaires versé dans l'humanitaire, lui propose de l'emmener sur son voilier jusque dans les Comores, pour les besoins d'une bonne cause. Au large des côtes somaliennes, leur bateau est assailli par des pirates. Kurt et Hans sont enlevés puis transférés dans un campement clandestin. (présentation de l’éditeur)
Ce que j’ai aimé :
Yasmina Khadra a le mérite de s’intéresser à des problématiques actuelles complexes. Ici, il nous plonge dans une Afrique en proie à la violence, une Afrique désertique et appauvrie par des luttes de pouvoir. Il place face à cette réalité un européen issu d’un milieu aisé, médecin, un homme qui évolue dans des sphères totalement étrangères et qui va se heurter de plein fouet à un monde inconnu.
« - Je n'ai pas choisi la violence. C'est la violence qui m'a recruté. De mon plein gré ou à mon insu, peu importe. Chacun fait avec ce qu'il a. Je n'en veux à personne en particulier et, par conséquent, je ne vois pas comment ne pas loger tout le monde à la même enseigne. Pour moi, Blanc ou Noir, innocent ou coupable, victime ou bourreau, c'est du pareil au même. Je suis trop daltonien pour distinguer le bon grain de l'ivraie. Et puis, c'est quoi le bon grain, et c'est quoi l'ivraie ? Ce qui est bon pour les uns est mauvais pour les autres. Tout dépend de quel côté on se trouve. Nul besoin d'éprouver du regret ou du remords. Qu'est-ce que ça change lorsque le mal est fait ? Petit, j'avais peut-être un coeur, aujourd'hui il est calcifié. Quand je porte ma main à ma poitrine, je ne perçois que la colère en train de sourdre en moi. Je ne sais pas m'émouvoir puisque personne n'a eut pitié de moi. Je ne suis que le support de mon fusil, et j'ignore qui, de moi ou de mon fusil, commande l'autre. » (p. 142)
Si vous avez lu ce passage, vous comprendrez tout de suite ce qui ne peut pas fonctionner dans ce roman :
Ce que j’ai moins aimé :
Yasmina Khadra, comme dans L’olympe des Infortunes, s’échine à nous administrer une morale, des phrases et des idées toutes faites :
« Il n’y a pas d’enfer sur terre, docteur Krausmann, seulement des démons, et ils ne sont pas invincibles. » ( p. 214)
« L’Afrique ne se voit pas, elle se sent. » (p. 217)
Le désir de vivre des Africains, est, bien sûr, plus fort que tout :
« J’ai vu des gens qui n’avaient que la peau sur les os, et d’autres qui avaient perdu le goût de la nourriture, et d’autres jetés en pâture aux chiens et aux vauriens, pas un n’était prêt à céder. Ils meurent la nuit, et au matin ils ressuscitent, nullement dissuadés par la galère qui les guette. » (p. 217)
Conclusion lumineuse :
« L’Africain sait que sa vie est son bien le plus précieux. Le chagrin, les joies, la maladie ne sont que pédagogie. L’Africain prend les choses comme elles viennent sans leur accorder plus d’opportunité qu’elles ne le méritent. Et s’il est convaincu que les miracles existent, il ne les exige pas pour autant. Il s’autosuffit, vous comprenez ? Sa sagesse amortit ses déconvenues. » (p. 218)
« Si je devais mettre un visage sur la générosité, ce serait le visage d’un Africain. Si je devais mettre un éclat sur la fraternité, il aurait celui d’un rire africain. » (p 219)
Le ton de ces leçons est proprement lassant, trop sentencieux, trop attendu, tout comme la fin, parfaitement prévisible…
Son style ampoulé et convenu enlise définitivement cette « Equation africaine »…
Premières phrases :
« Lorsque j’ai rencontré l’amour, je m’étais dit, ça y est, je passe de l’existence à la vie et je m’étais promis de veiller à ce que ma joie demeure à jamais. Ma présence sur terre se découvrit un sens et une vocation, et moi une singularité … Avant, j’étais un médecin ordinaire entamant une carrière ordinaire. Je grignotais ma part d’actualité sans réel appétit, négociant par-ci de rares conquêtes féminines aussi dénuées de passion que de traces, me contentant par-là de copains de passage que je retrouvais certains soirs au pub et le week-end en forêt pour une gentille randonnée – bref, de la routine à perte de vue avec de temps à autre un événement aussi fugace et flou qu’une impression de déjà-vu qui ne m’apportait rien de plus qu’un banal fait divers dans un journal… En rencontrant Jessica, j’ai rencontré le monde, je dirais même que j’ai accédé à la quintessence du monde. »
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D’autres avis :
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L’équation africaine, Yasmina Khadra, Julliard, août 2011, 336 p., 19 euros
Merci aux Editions Julliard.