Élevé par une famille qui insistait beaucoup sur l'influence de l'occident, de la littérature et du cinéma, Akira Kurosawa, le plus jeune de 7 enfants, sera un avide lecteur toute sa vie.
Inséparable de son frère ainé de 4 ans, c'est lui, commentateur de films muets qui l'inspirera à sortir de ses classes de dessins, où il excelle par ailleurs. Grâce à son frère, Akira découvre non seulement le cinéma mais aussi le théâtre et le cirque. Akira tente de vivre de ses peintures mais sans succès. Il se trouve un emploi d'illustrateur de livre.
Quand le cinéma parlant envahit l'Asie en 1930, le frère d'Akira Kurosawa perd son emploi et se suicidera trois ans plus tard. Akira, fortement bouleversé, se lance alors dans le monde qui était celui de son frère: le cinéma. En 5 ans comme assistant réalisateur il travaille sur 24 films, dont 17 avec le réalisateur Kajiro Yamamoto. Akira apprend le métier auprès de lui.
En 1941, Akira Kurosawa a 31 ans et se sent prêt à réaliser son premier film. Quand l'auteur Tsuneo Tomita publie son roman Sanshiro Sugata, Kuroswa le lit le jour de sa sortie et, convaincu du succès cinématograohique d'une adaptation de ce livre, fait acheter par ceux qui l'engage les droits dans l'urgence des jours qui suivent. Il est d'autant plus convaincu quand 3 studios importants se lancent eux aussi dans la course des droits du livre après que lui les eûs déjà fait acheter.
Le film sera jugé trop "anglo-saxon" pour le japon, ce qui est aussi considéré comme une trahison. Le film est censuré de 18 minutes ce qui n'aide en rien à la compréhension du film.
Kurosawa s'attaque ensuite au sujet des conditions des femmes ouvrières pour son second film Ichiban Utsukushiku. Pour ajouter au réalisme du tournage, de style faux-documentaire, Kurosawa demande à ses actrices de vivre exactement comme les conditions du scénario l'exige et demande aux comédiennes de s'appeller par leur noms de personnages sur le tournage. Une méthode qu'il gardera pratiquement toute sa vie. Parmi les comédienne, Yoko Yagushi, qui deviendra sa femme et la mère d'un garçon et d'une fille qu'ils auront ensemble.
Le cinéaste Yasujiro Ozu avait défendu le premier film de Kurosawa, le film fût donc un relatif succès quand même. Le studio commande alors une suite à Sanshiro Sugata, qui n'intéresse pas du tout le réalisateur. Il tourne quand même Zoku Sanshiro Sugata qui sera un échec. Kurosawa tourne Tora No O Wo Fumu Otokachi mais la censure intervient encore, les japonais trouvant le film trop occidental et démocratique. Ironiquement aux États-Unis la censure de là-bas jugera le film au contraire trop féodal et ne le mettera sur le marché qu'en 1952.
Au lendemain de la guerre en 1946, Kurosawa s'inspire des idéaux démocratiques de l'occupation. Il tourne Waga seishun ni kuinashi (Je ne regrette rien de ma jeunesse) qui divise la critique, dans cette ère post-Hiroshima, est un grand succès auprès du public qui fera du titre une phrase culte de l'après-guerre.
Inspiré du travail des réalisateurs Frank Capra, D.W.Griffith et F.W.Murnau, Kurosawa tourne en 1947 l'histoire d'amour relativement simple Subarashiki Nichiyobi qui est plus ou moins bien reçu. La même année, un scénario de Kurosawa est tourné par un autre réalisateur qui lui fait découvrir le jeune acteur Toshiro Mifune. Kurosawa vient de trouver son alter ego.
En 1948, il tourne Yoidore Tenshi (L'ange Ivre) avec Mifune. Il étoffe son rôle, qui n'était pas le rôle principal à l'origine, tellement Kurosawa se reconnait en Mifune. Un proche dira un jour que "le coeur de Kurosawa était dans le corps de Mifune". Le film remporte le titre de meilleur film de l'année au Japon. Toshiro Mifune sera des 16 films suivants de l'auteur.
Avec trois amis, Kurosawa fonde son propre studio. Il adapte une pièce contemporaine de Kazuo Kikuta, Shizukanaru Ketto. Le film est un succès du box office, mais un échec critique. Il sort alors rapidement la même année Nora Inu (Chien Enragé) inspiré de George Simenon qui sera un film majeur de l'oeuvre complète du réalisateur. Il s'agit de sa première collaboration avec le scénariste Ryuzo Kikushima. Cette amitié durera plus de 20 ans.
Shubun est lancé en avril 1950 mais le film est flou et baclé. Kurosawa lui-même en est si insatisfait qu'il tourne tout de suite un autre film qui sera en salle dès le mois d'août suivant: Rashomon.
Le film ne sera pas un succès immédiat au Japon mais sera un succès immense ailleurs.
Pendant que Kurosawa tourne une adpatation de L'Idiot de Dostoievski, en Italie, Rashomon rafle le Lion d'Or de la Mostra de Venise. Kurosawa devient international. Aux États-Unis, le film est aussi un grand succès. Même Ed Sullivan en parle en ondes. Le film gagne l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Il fait bien plus, en plus de faire connaître l'oeuvre passée d'Akira Kurosawa, il introduit les réalisateurs Kenji Mizoguchi, Yasujiro Ozu et la réalité japonaise elle-même, absente des écrans de cinéma d'Amérique.
Hakuchi est un échec parce que massacré par le montage d'un film de 265 minutes ramené à 166. Toutefois, toujours sur l'effet de la curiosité post-récompenses, Ikiru (vivre), co-scénarisé avec l'écrivain Hideo Oguni, auteur avec lequel il co-écrira 12 autres films, est un hit. La comédie Brechtienne sur un sujet grave (le cancer) est un énorme succès du box office et gagne aussi, au Japon, le titre de meilleur film de l'année 1952. Avec les scénaristes Shinobu Hashimoto et Hideo Oguni il s'enferme 45 jours pour écrire Shichinin no samurai (Les 7 Samourais) un film de trois heures qui sera tourné sur 148 jours et durera plus d'un an de travail. Ce film épique racontant l'histoire de 7 samourais qui choisissent de protéger les villages d'un groupe de bandits devient son incontournable. Encore aujourd'hui on vote ce film le meilleur de tous les temps au Japon. John Sturges en fait une adaptation célèbre 6 ans plus tard aux États-Unis.
En 1954, des test nucléaires dans le Pacifique causent des retombées radioactives au Japon et créent des incidents aux conséquences désastreuse. Hiroshima n'est pas loin dans la conscience collective niponne et Kurosawa, effrayé, tourne Ikimono no kiroku (Vivre dans la peur, chronique d'un être vivant). L'accueil des critiques et du public est timide et réservé. Le film devient alors le premier de Kurosawa à ne pas rentrer dans ses frais durant son exploitation en salle. Aujourd'hui, il est considéré comme le meilleur film traitant des effets psychologiques de la paralysie nucléaire mondiale.
Kumonosu-jō (le château de l'araignée) est une adptation de Macbeth dont l'histoire est transposée en Asie à l'époque Sengoku. Le film est un succès relatif au Japon mais devient à l'étranger une référence pour les adaptations Shakespeariennes par de nouvelles cultures. Fier de ce succès critique, il adapte la pièce de théâtre Les Bas-Fonds du Russe Maxime Gorki et tourne Donzoko. L’exercice de transposition à l'époque Edo est considéré comme une réussite artistique mais le public de 1957 n'est pas au rendez-vous.
Déçu, Kurosawa tourne dans le tout nouveau format panoramique Kakushi toride no san-akunin (la forteresse cachée) qui sera un immense succès à travers le monde et dont un jeune George Lucas empruntera l'intrigue et les personnages pour Star Wars beaucoup plus tard.
Depuis Rashomon, la fortune du réalisateur est plus importante. Le studio lui offre alors d'investir davantage de sa poche à lui et en retour le studio lui laissera une plus grande liberté artistique. Kurosawa accepte.
Il choisit alors de réaliser un film critiquant ouvertement - et bien plus que ses précédentes œuvres - la politique et l'économie japonaise. Warui Yatsu Hodo Yoku (les salauds dorment en paix) racontera la vengeance d'un jeune homme grimpant dans la hiérarchie d'une entreprise corrompue afin de mettre à jour les responsables de la mort de son père. Le succès est critique, grâce entre autre à une scène d'ouverture de 25 minutes finement élaborée, mais pas public.
Maintenant que les westerns des États-Unis s'inspire de lui, Kurosawa choisit de s'inspirer lui aussi des westerns et tourne une histoire de samouraï : Yojimbo. Le film sera un immense succès au box office. For a Fistfull of Dollars de Sergio Leone sera un remake non autorisé scène par scène de Yojimbo. Une suite à Yojimbo est aussitôt commandée. Kurosawa adapte un scénario commencé un an plus tôt et y inclut le personnage principal de Yojimbo. Sanjuro, plus comique, surpasse rapidement le succès du film auquel il faisait suite.
En voulant dénoncer la technique du kidnapping dans son projet suivant il se tire dans le pied. Une vague d'enlèvements fait écho à l'énorme succès de Tengoku to jigoku (entre le ciel et l'enfer) au Japon. La fille de Kurosawa fait même l'objet de menaces de kidnnaping. Le film reste important dans la cinématographie de Kurosawa. Il enchaîne alors rapidement avec son prochain film Akahige (Barberousse) une nouvelle adaptation d'une nouvelle de Dostoievski. Il remporte son troisième et dernier titre de meilleur film japonais pour ce titre en 1965.
Ce film marque la fin d'un cycle pour Akira Kurosawa. Il s'agira du dernier film en compagnie de Toshiro Mifune. L'industrie a beaucoup changée, la télévision est devenue un joueur important dans les subventions accordées pour tourner et filmer en couleur est maintenant habituel. à 56 ans, Kurosawa a envie de répondre aux offres de l'étranger qui se comptent par douzaine. Il tente un séjour aux États-Unis qui sera catastrophique.
Il scénarise une histoire inachevée qui deviendra Runaway Train, 20 ans plus tard. Le choc culturel est trop grand. La barrière de la langue trop impénétrable. Personne ne se comprend et les collaborations deviennent difficiles. Il tente quand même de travailler sur la portion japonaise de Tora! Tora! Tora! mais doit abandonner, la plupart des Étatsuniens alors convaincus qu'il est malade mental.
Le temps leur donnera raison.
Le traumatisme aux États-Unis le font se détacher de ses collaborateurs habituels. Lui qui avait décrié la corruption au sein des entreprises se retrouve aussi, ironiquement, au coeur d'un scandale à même ses propres bureaux de production.
Avec trois autres amis, il forme une nouvelle maison de production. Il tourne Dodesuskanen son premier projet en couleur. Le film est un tel échec critique, public et financier que la nouvelle maison de production est aussitôt dissolue.
Le 22 décembre 1971, il se tranche la gorge et les poignets à plusieurs reprises, mais survit.
Au début de 1973, une société soviétique lui propose de tourner un de ses rêves depuis les années 30: Dersu Uzala. Le tournage, en Sibérie dans des conditions naturelles, est difficile et le film sort en 1975.
Le japon boude le film mais il est chaleureusement accueilli à l'étranger, remportant le Prix d'Or du Festival international du film de Moscou ainsi que l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Le succès au box-office est également au rendez-vous.
Il apparaît dans des pubs de whisky Suntory en 1976.
Quand George Lucas, nouveau multimillionnaire et plus grand fan de Kurosawa à qui il doit tout, apprend que son idole peine à trouver du financement pour ses films, il le subventionne lui-même. Il lui fournira aussi la présence de son ami Françis Ford Coppola (et fan lui aussi) en tant que co-producteur pour le tournage de Kagemuscha. Le film remportera la Palme d'Or au Festival de Cannes en 1980.
Kurosawa dessine maintenant tous ses storyboards et peint beaucoup. Il expose.
Il tourne Ran, une adaptation du King Lear de Shakespeare, un projet cette fois financé par les Français. Sa femme tombe malade et meurt pendant le tournage. Ran remporte plusieurs récompenses au Japon mais n'est pas aussi recconu à travers le monde. Kurosawa est usé. Alors qu'il a toujours répondu "le prochain" quand on lui demandait quel était son meilleur film il répond maintenant "Ran".
C'est Steven Spielberg qui finance son projet suivant Yume (Rêves). Un scénario confus, et le premier écrit seul par Kurosawa, très personnel et inspiré de ses rêves, fait du film une catastrophe à presque tous les niveaux.
Lui qui souhaite mourir sur un plateau de tournage, tournera encore trois autres films avant de mourir chez lui, à l'âge de 88 ans d'une attaque cérébrale.
Dans ses œuvres, Akira Kurosawa s'attachait à décrire ou à faire une parabole de la société humaine. Il dépeignit ainsi au long de ses films la pauvreté, la violence urbaine, la maladie et l'immobilité des fonctionnaires, la destruction de l'environnement, la vieillesse. Il fit également des fresques sur l'époque médiévale. Dans ses films, il représentait fréquemment des scènes oniriques en utilisant des décors de soie peinte.
Il aura peint plus de 2000 peintures. Tourné plus de 30 films.
Inspiré son peuple et le monde entier.
Akira Kurosawa aurait eu 100 ans en mars l'an dernier.