Il ressort de ce sondage qu'une majorité de 58% des personnes interrogées "pense que l'Etat devrait légiférer sur les revenus des dirigeants", contre 34%
des personnes qui estiment que c'est une décision libre des actionnaires et 8% sans opinion.
Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à souhaiter cette intervention de l'Etat ; les personnes de plus de 55 ans plus nombreuses que celles de moins de 35 ans ; les
personnes à faibles et moyens revenus plus nombreuses que celles à revenus plus élevés ; les personnes les moins éduquées plus nombreuses que les plus éduquées.
Pourquoi l'intervention de l'Etat est-elle souhaitée ? Pour fixer des limites :
"L'idée serait [...] de se baser sur une limitation des écarts entre le salaire le plus bas dans l'entreprise concernée et le salaire le plus haut."
Ce qui revient à dire que l'on trouve exagéré ces écarts. Autrement dit, on est mû par un sentiment d'inégalité, qui ne repose sur rien d'objectif, qui est purement émotionnel, qui provient de la comparaison entre ses propres revenus et ceux des dirigeants.
L'article de Bilan ne donne pas d'explications sur les motivations des différentes catégories de personnes qui se sont prononcées pour une fixation des limites du salaire des
dirigeants par l'Etat. On peut cependant tenter de donner des explications, catégorie par catégorie.
Comme les femmes sont effectivement moins bien payées que les hommes et qu'elles sont moins nombreuses à occuper
des postes de dirigeants, il n'est pas surprenant qu'elles soient en majorité favorables à l'intervention de l'Etat.
Les personnes âgées de plus de 55 ans ont bien souvent atteint le maximum des revenus qu'elles pouvaient
espérer, ce qui n'est évidemment pas le cas des plus jeunes qui ont encore toute leur carrière devant eux.
Pour les personnes à faibles et moyens revenus les écarts sont encore plus criants que pour les personnes aux revenus
les élevés. Bien souvent le niveau du revenu va de pair avec l'éducation. Aussi n'est-il pas non plus surprenant que les personnes les moins éduquées ressentent davantage ces écarts.
Pourquoi cette comparaison est-elle faite ? C'est l'envie, à l'origine de toutes les politiques d'intervention de l'Etat pour réduire arbitrairement les inégalités qui en est le moteur. L'envie
est évidemment habillée des vêtements honorables de la justice sociale, sinon comment justifier cette intrusion de l'Etat dans les affaires privées ?
De quoi parle-t-on en matière de salaire des dirigeants ? Ce sont surtout les salaires des hauts dirigeants qui suscitent la réprobation, au vu de leurs résultats.
Le montant total des rémunérations des conseils d'administration et de la direction générale de 49 sociétés, toutes
comprises dans le SMI, Swiss Market Index, et le SMIM, son indice
complémentaire, s'élèverait à 1,27 milliards de francs, selon Ethos ici [voir l'article
du Temps du 3 juillet 2011 de Mathilde Farine ici] , qui s'indigne de leur hausse entre 2009 et 2010 :
"En moyenne et quel que soit le secteur, un membre de la direction générale a reçu près de 3 millions de francs (+19%), le président du conseil d’administration 1,9
million (–5%), et un administrateur 300 000 francs (+6%)."
Est-ce exagéré ? Si l'on compare ces revenus avec les revenus des personnes les moins rémunérées de ces entreprises, certainement. Mais c'est purement subjectif. Comparaison n'est pas
raison.
Il y a en effet un marché des hauts dirigeants et il ne semble pas que les hauts dirigeants suisses soient payés davantage que
leurs confrères des pays les plus riches. Par ailleurs ne serait-il pas plus juste par exemple de comparer ces
rémunérations à l'effectif des entreprises en question ? Ou à leurs chiffres d'affaires ?
C'est pourquoi la définition des écarts entre les plus hauts revenus et les plus bas d'une entreprise donnée ne peut être qu'arbitraire. Les écarts devraient-ils être de 1 à 12 comme le
proposent les Jeunes socialistes suisses ici ? Mais pourquoi pas de 1 à 7 ou de 1 à 20...
L'Etat fait déjà beaucoup trop de choses. La plupart du temps il les fait moins bien que ceux qui sont directement intéressés et
il ne s'occupe pas bien de la sécurité intérieure et extérieure qui devraient être ses principaux soucis.
On ne voit donc pas pourquoi il devrait se mêler des revenus des hauts dirigeants qui est affaire privée et qui ne peut être résolue que contractuellement, au cas par cas.
Francis Richard
La photo de Daniel Vasella, patron de Novartis, qui illustre cet article provient
d'ici.