Un homme, solitaire, a des comptes à rendre. Beaucoup de comptes à rendre, de la façon la plus radicale qui soit. Il établit une liste de personnes - sans parvenir à y mettre un point final - qu’il entreprend méticuleusement de retrouver et de tuer.Un autre homme, infirmier dans une maison de retraite, lutte vainement contre la maltraitance instituée, l’inhumanité rampante envers les personnes dépendants ou rendues telles, la souffrance des Vieux que personne à part lui n’a le courage d’entendre. Une retraitée lui laisse un carnet, une histoire qu’elle a écrite : «Jules et la dame qui faisait des ménages».
Une histoire en trois actes. Ou plutôt trois histoires, que l’on peut lire comme trois nouvelles. C’est là le seul reproche que je ferais à Dans la vie : il m’est difficile de faire clairement le lien entre les trois parties, surtout avec la première et son personnage. Seulement peut-être grâce au paragraphe de conclusion : «La morale de cette histoire, c’est que parfois on fait bien et on croit qu’on fait mal. L’inverse vaut également. L’autre morale, c’est que parfois on est plus riche qu’on le croit mais on ne le sait pas.»Sur la forme, c’est très réussi grâce à une verve puissante qui se décline en différents styles selon les actes, et c’est très juste à chaque fois. La première partie se lit comme un thriller vécu dans la tête d’un déséquilibré.
Extrait :«(...) les mecs la troussaient dans les caves, sur l’herbe, n’importe où et moi j’écrivais seul dans mon coin des «je t’aime» et je glissais ça dans sa boîte aux lettres, dans sa main même et j’attendais si c’était beau, si c’était même très beau, très très beau, et puis autre chose aussi, j’attendais qu’elle me sourie vrai et pas par pitié (oh c’était du mépris aussi, j’en suis sûr maintenant que j’y réfléchis), qu’elle dise j’en ai marre de prendre des coups, j’en ai marre qu’on me traite comme une moins-que-rien qu’on me salisse, qu’on me dise jamais des mots bien, qu’on me dise jamais rien, je veux qu’on me pare comme toi, je veux qu’on m’aime comme toi, je veux toi, c’était pas compliqué à dire «je veux toi», elle le disait pas, elle partait, j’en crevais, elle fuyait tout près de moi, même en bougeant pas elle fuyait (...)»
La seconde partie (peut-être un tout petit peu longue), comme une immersion terrifiante et réaliste dans l’univers des «soins» prodigués en maison de retraite, leurs lots de violence, d’inhumanité, de défaitisme, d’individus broyés. Et cet homme, dernier témoin compatissant et clairvoyant devant une société qui court à sa perte.La troisième partie, plus courte, est telle un conte-parabole qui veut parler des souffrances psychologiques qui peuvent apparaître comme anodines mais qui blessent tant qu’on doive les enfouir très profondément en soi. Les injustices comme sources probables de rancoeurs et de vengeances tardives...Douloureux, Dans la vie parle du tragique des vies ordinaires ou cachées. Des histoires puissantes comme des cris pour faire s’entendre les Hommes avant qu’il ne soit trop tard...Un écrivain qui semble avoir connu de près les bas-fonds et qui, de l’irracontable fait une oeuvre dérangeante et lumineuse.___________[merci à NewsBook !]
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