Voici le projet solo de Jaime Fennelly que d’aucuns connaissent peut-être via ses projet Peeesseye ou Acid Birds. Le musicien de Brooklyn a enregistré une bonne partie de The Voice Rolling alors qu’il vivait sur Waldron Island, une île isolée de la Mer des Salish proche de la frontière entre la Colombie-Britannique et l’état de Washington. Le disque est un assemblage composé à partir d’un harmonium indien et d’un dispositif comprenant pédales d’effets et oscillateurs.
L’ouverture est un long panoramique, une lente immersion dans un ailleurs si loin, si proche. On découvre dès le premier morceau une chaleur et une profondeur insoupçonnées, un peu comme si on venait de s’envoyer quelques remontants dont les effets dissiperaient lentement l’appréhension d’espaces inconnus et intrigants. Les textures s’empilent en boucles basses et gardent la rugosité et la sauvagerie des grands espaces. Barely Spun pousse l’ouverture entre ciel et mer, les courbes de l’air et de l’eau se croisent et s’échappent dans un mouvement aussi cosmique qu’animal. L’harmonium semble prendre racine tout en créant de puissantes intonations ascendantes allongeant les flammes d’un large feu nocturne fuyant son foyer. Point Hammond est le contrepoint matinal, sculptant les creux d’un horizon flottant dans le froid des arbres. Un éveil entre faune et flore ou les réflexions d’une nuit portées dans le climax d’un jour qui naît. Une nouvelle respiration, plus sûre, se fait entendre alors qu’un énième tour de l’île inspire pour la première fois un sentiment presque familier, signe discret d’une évolution dans le rapport au lieu. Un rythme inédit, improbable, comme né du néant apaise désormais les frottements de l’espace et du temps avec la sombre assurance d’une virgule dans une phrase chargée d’histoire.
Il nous faut également signaler ici le complément indispensable à ce superbe album : une K7 intitulée High & Upon sortie sur Gift Tapes à 100 exemplaires et bien entendue déjà épuisée. Il souffle sur l’épique I’m Willing to Stagger des équilibres enchanteurs, des éclats de soleil couchant sur les rivages muets d’un petit nulle part. Sur Moutain Convalescence, les accords graves d’un piano urbain plient puis triomphent, dans un chaos d’interférences, devant les envolées de l’harmonium, comme pour souligner la violence d’une fin de réclusion, la difficulté à refermer une parenthèse -univers qui aura permis temporairement à un intérieur de se fondre avec son extérieur.
Audio
Tracklist
Mind Over Mirrors – The Voice Rolling (Digitalis Industries, 2011)
1. Brickfielder
2. You Ain’t Reeling
3. Coaling
4. Barely Spun
5. Point Hammond
6. Round, Around
7. Sackcloth & Scarlet