PARIS RETROUVÉ - 15. - EXPOSITION "VISIONS D'ÉGYPTE" À LA BNF : LE PAPYRUS PRISSE (Seconde partie)

Publié le 08 octobre 2011 par Rl1948

   Nous voici aujourd'hui arrivés au terme de notre visite de l'exposition Visions d'Egypte qui s'est tenue à la Biliothèque nationale de France, "Quadrilatère Richelieu", en collaboration avec le Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre en ce printemps 2011 dans l'intention de rendre un hommage appuyé à un ingénieur civil du XIXème siècle, originaire du Nord de la France, aux talents multiples et quasiment ignorés du grand public, devenu égyptologue et orientaliste : Emile Prisse d'Avennes.

   Je présume - et j'espère - que pour vous, amis lecteurs, dans la mesure où nous l'avons abondamment côtoyé depuis le 18 juin dernier, il n'est plus vraiment un inconnu.

   Là où nous sommes maintenant arrivés dans la Galerie Mansart, c'est-à-dire immédiatement après les deux tables-vitrines détaillées lors de notre précédente rencontre et qui, en quelque sorte, en constituaient une introduction, un dernier espace central, tout de bleu revêtu - comme le premier, souvenez-vous, là-bas à l'entrée de la salle, dans lequel nous avions pu admirer les calques réalisés par Prisse pour rendre compte de certaines des scènes de l'hypogée du vizir Rekhmirê, -, a été aménagé pour la mise en valeur d'un papyrus que nous allons (re)découvrir sans tarder : l'Avesnois le ramena d'Egypte en 1844, au terme de sa première mission, et l'offrit à la Bibliothèque royale, comme on la définissait à l'époque.

   Vous vous souviendrez que je vous avais déjà présenté ce précieux recueil quand, le samedi 22 janvier, nous avions commencé à nous intéresser à l'Enseignement de Ptahhotep : il s'agit de ce que le monde égyptologique a depuis pris l'habitude de nommer Papyrus Prisse.

   Sans bien évidemment recommencer l'intervention que je lui consacrai en février dernier à laquelle, d'un simple clic, il vous suffira éventuellement de vous reporter, j'aimerais néanmoins rappeler que ce document d'un peu plus de 7 mètres de long datant approximativement de 1800 avant notre ère, soit du milieu de la XIIème dynastie, au Moyen Empire, comporte deux recueils sapientiaux d'un intérêt cardinal dans le corpus littéraire de l'Egypte antique : d'inégale importance - l'Enseignement pour Kagemni étant nettement plus court que celui de Ptahhotep qui, lui, court sur presque l'ensemble du rouleau initial -, les deux textes lisibles aujourd'hui sont séparés l'un de l'autre par un espace "vide" de 1,63 mètre.

   En fait, il appert - et des analyses en cours réalisées par la technique de la photographie multi-spectrale vont peut-être en préciser les tenants et aboutissants - qu'un autre texte probablement effacé à l'Antiquité, probablement ressortissant lui aussi au domaine des Sagesses, avait été copié là.

     C'est ce que nous pourrons tout à l'heure constater de visu pour la toute première fois : en effet, le document ayant été sectionné en douze panneaux peu après son arrivée à Paris, ce sont 7 d'entre eux, portant les références "Egyptien 183, 185, 186, 188, 190, 191 et 194", qui exceptionnellement pour l'exposition, sont ici offerts à nos regards attentifs.

   Cela vous semblerait-il inapproprié si je vous confiais que j'éprouve toujours une émotion certaine quand je peux avoir ainsi accès - même avec une vitre entre nous ! - à des écrits vieux de plusieurs milliers d'années, qu'ils soient égyptiens, babyloniens, grecs ou romains ..., et quel que soit le support sur lequel un homme, un jour, a cru bon de les consigner pour que d'autres hommes d'autres jours en prennent éventuellement connaissance ?

   De la Bibliothèque numérique Gallica, il est cette fois parfaitement légal de télécharger la reproduction de  chacun des panneaux de ce papyrus et de les transférer sur un blog. Le mien en l'occurrence.

   Le cadre "Egyptien183"  rend compte du petit Enseignement pour Kagemni qui, comme tout le papyrus, se lit de droite à gauche et de haut en bas ;

"Egyptien 185" nous permet de voir le deuxième espace quasiment complètement effacé ;

"Egyptien 186" correspond au début de l'Enseignement de Ptahhotep, c'est-à-dire les 73 premiers vers.

   (D'un simple coup d'oeil - ou grâce à une comptabilisation laborieuse -, vous aurez évidemment compris qu'un vers ici ne correspond pas à une ligne de signes hiératiques.)

   Le corps du texte se poursuit dans tous les autres encadrements (à l'exposition, seuls 188, 190, 191 ont été retenus) et se termine avec "Egyptien 194", soit les vers 596 à 646 

avec, notamment, la conclusion de l'exorde du père à son fils :

Agis selon tout ce que je te dis,

heureux celui qui a reçu l'enseignement de son père ;

issu de lui, de son corps,

il était encore dans le ventre quand il lui a parlé !

Mais ce qu'il aura fait sera plus important que ce qui lui aura été dit ;

vois, le bon fils que donne le dieu,

qui sera allé au-delà de ce qui lui aura été dit,

auprès de son seigneur,

pratique la maât, sa conscience ayant agi selon son rang.

Tandis que tu me rejoindras, ton corps intègre,

le roi étant satisfait de tout ce qui est advenu, tu obtiendras des années de vie,

et ce que j'ai fait sur terre ne s'évanouira pas.

J'ai obtenu cent dix ans de vie,

que m'a accordés le roi,

mes faveurs surpassant celles de mes prédécesseurs,

pour avoir pratiqué la maât pour le roi,

jusqu'à la place de la vénération. (= le tombeau)

ainsi que le traditionnel colophon, entendez, l'achèvement de la transcription :

C'est ainsi qu'il (= le texte lui-même) doit aller, du début à la fin, conformément à ce qui a été trouvé par écrit.

   Remarquez que, comme certains autres passages - dont le titre, sur "Egyptien 186" ci-avant, ainsi que des  parties que le scribe voulut plus particulièrement mettre en exergue -, ce colophon a été rédigé à l'encre rouge.

   La toute nouvelle traduction de l'Enseignement de Ptahhotep dont je vous ai à l'instant proposé un extrait a été spécialement réalisée pour l'exposition par le Professeur Bernard Mathieu, agrégé de lettres classiques, docteur en égyptologie, maître de conférences à l'Université Paul-Valéry, Montpellier III et publiée aux pages 67 à 85 du catalogue édité par la BnF.

   Si, en entrant dans cette enclave rectangulaire centrale, c'est sur la paroi de gauche que sont exposés les cadres vitrés protégeant les feuillets du Papyrus Prisse,  sur celle de droite, plus directement didactique, court une reproduction photocopiée de l'intégralité du document, assortie de quelques explications.

 

   L'heure est maintenant venue, amis lecteurs, de délaisser le Papyrus Prisse et de nous diriger vers la sortie de la Galerie Mansart, non sans avoir pris le temps de jeter un coup d'oeil, sur le mur de gauche, à quelques dernières gravures et aquarelles de l'orientaliste, ainsi qu'à de nouvelles photographies d'Edouard Jarrot illustrant le thème "Publier le plus beau livre du monde", extraites de l'ouvrage Histoire de l'art égyptien et, sur celui de droite, des documents se rapportant évidemment à l'art arabe.

   Non sans avoir aussi, à la gauche de l'imposante porte ouvragée, admiré dans une table-vitrine un exemplaire de son Monuments égyptiens ... ouvert à la planche XX sur deux statuettes figurant un des fils de Ramsès II ; et, sur le mur, deux cadres : dans celui du dessus deux impressions photomécaniques et quatre dessins montés sur papier vélin nous permettent d'admirer des statuettes funéraires (ouchebtis) provenant de Thèbes et de Memphis, datant de la XIXème dynastie (Fonds PA, 19-I-2, F. 11-16 - Notice 84, p. 147 et reproduction p. 140 dans le catalogue) ; en dessous, une aquarelle sur papier représentant le colosse renversé de Ramsès II au Ouadi es-Seboua  (Fonds PA, 23-XVII-1, f. 26 - Catalogue p. 146).

   A la droite de la porte monumentale, un dernier meuble vitré contient son Album oriental, paru à Londres en 1848, dédié au naturaliste britannique George Lloyd de Brynestyn (1815-1843), avec lequel il avait fouillé à Thèbes à partir de 1839.

   Et c'est totalement ignorés par cette superbe nubienne assise, à la semi-nudité plus qu'élégante et qui, en outre, baisse pudiquement les paupières, que nous quitterons définitivement la Galerie Mansart.

   Il me vient une idée : si, avant de nous égailler dans Paris, nous allions prendre un verre ensemble ?

Que diriez-vous du Grand Colbert, rue Vivienne, à quelques pas de la sortie des jardins de la BnF ?

   Peut-être pourrions-nous là une dernière fois évoquer ces quelques heures que nous avons ici passées à découvrir l'immense et talentueuse personnalité d'Emile Prisse d'Avennes ...