Un épisode très fort dans un registre entièrement différent de la débauche d'effets spéciaux et d'action de la semaine précedente.
La limite du jugement est parfaitement illustrée lorsque Tyrol va voir Cally pour vérifier après coup ce que Jammer avait affirmé. Il disait la vérité, Tyrol est donc un des responsables de la mort de celui qui a sauvé sa femme. Il faut souligner que c'est un personnage qui recherche véritablement la justice au sein du Circle, il n'est pas aveuglé de vengeance de la même manière que d'autres membres du Circle. Il va devoir vivre avec ce fait. Si la légitimité de l'exécution de Jammer peut être éventuellement discutée, ce n'est rien à côté de la situation de Gaeta évidemment, qui montre toutes les limites et les effets pervers potentiels de ces purges vengeresses dans les jours qui suivent le départ de New Caprica, comme le chaos règne encore dans la flotte, avec tous ces réfugiés. J'ai trouvé les scénaristes vraiment sadiques pour le coup. Déjà parce que j'ai bien cru que Gaeta allait aussi y passer (quitte à aller bout et franchir la ligne, exécuter un innocent aurait été l'aboutissement, franchir indibutablement la ligne entre justice et vengeance), mais aussi parce qu'il s'en prend plein la tête durant tout l'épisode -dans tous les sens du terme-. La scène avec Tigh dans le CIC est vraiment illustrative, tout comme le déjeuner avec Kara : il est persona non grata à bord en raison du simple fait qu'il était sous les ordres de Baltar sans que personne essaye d'en savoir plus et personne ne veut d'ailleurs l'écouter ou le croire quand il tente de raconter son histoire, parce qu'il n'en parle pas à la seule personne à qui il faut le dire, c'est-à-dire Tyrol.
On frôle donc l'exécution, la scène d'ouverture avec Jammer parait se répéter. J'ai lu que plusieurs téléspectateurs trouvaient que Gaeta ne se défendait pas assez durant cette scène. Initialement, Ron Moore dit qu'il était sensé être plus véhément, puis ils ont repensé cela. Mais j'adhère à ce parti pris. Il reste très stoïque, faisant face à la fatalité, résigné devant son sort. "I'm not gonna beg." Il a déjà parlé du signal, de la gamelle jaune, personne ne l'a écouté jusqu'à présent, pourquoi cela serait différent face à des personnes qui marchent sur le fil entre vengeance et justice ? Heureusement, Kara insiste. Elle cherche uniquement la vengeance pour ce qui lui est arrivé sur New Caprica, elle veut un bouc-émissaire, elle veut tuer... Et elle mentionne la gamelle jaune, le signal pour contacter la résistance, dont Gaeta lui a déjà parlé. Et Tyrol réalise ce qui est en train de se passer. Et le téléspectateur peut pousser un long soupir de soulagement... Pffiou... Eprouvant.
La scène de 'réhabilitation' quand Tyrol effectue le lien entre les différentes informations et donne sa réelle mesure au rôle de Gaeta, la 'source à l'intérieur de l'administration'. Sans lui, pas de contact effectué avec la flotte (il leur a donné les codes pour passer outre le brouillage cylon), pas d'avertissement de l'exécution en préparation... Bref, sans Gaeta dans son rôle de chef du staff de Baltar, ils ne seraient pas là. La reconnaissance de ce fait est appréciable à entendre, justement en contre-balancement de tout le reste de l'épisode.
La scène finale où Tyrol vient s'asseoir à côté de Gaeta a un caractère symbolique fort.
Certains ont écrit après l'épisode, en forme de reproche, qu'en fin de compte, ce dénouement était prévisible. Mais vraiment, je ne sais pas ce qu'il leur faut. Quand vous regardez l'épisode, vous êtes dedans, totalement dans la tension du moment. C'est diablement bien mené, il n'y a rien à redire sur le traitement de cette storyline.
Durant toutes les sessions du Circle, on peut prendre conscience de l'état des différents personnages, dont la rage, le désir de vengeance, les dommages sont extrêmes. Saul a exécuté sa femme pour collaboration. Comment peut-il éprouver la moindre compassion envers le moindre fait de colloboration ? C'est parfaitement logique. D'autant que comme beaucoup sa réintégration à bord du Galactica pose question, face à la
nouvelle chaîne de commandement (d'autant qu'on se retrouve avec deux équipages de Battlestar finalement -après les périodes en sous-effectif...). Cependant, c'est sans doute Kara qui est la plus dévastée, remplie de rage. Ron Moore dit qu'il aurait aimé s'arrêter plus sur sa douleur. Les stratagèmes de Leoben l'ont brisée, avec Kacey, avec ces mois de captivité... Elle a une telle rage en elle, elle veut juste tuer. C'est pour ça aussi qu'elle rejoint le Circle sans vraiment hésiter. Quand elle essaye d'expliquer à Anders ce qu'elle ressent, la violence qui ne demande qu'à s'échapper d'elle, j'ai trouvé la scène vraiment intense. Elle est aussi la scène de rupture entre elle et Anders. Trop de choses se sont passées pour revenir à la situation d'avant. Je crois aussi que Leoben l'a écoeurée de l'amour pour le moment.J'ai bien aimé la façon de réagir d'Anders tout au long de l'épisode, notamment le fait qu'il soit le premier à quitter le Circle, à sentir qu'ils n'étaient plus en quête de justice, mais de vengeance. Le fait d'être écoeuré par tous ces morts, encore et encore, donne une autre dimension au personnage. Je ne m'attendais pas du tout à ce que ces exécutions aient un fondement légal. Zarek est devenu pour quelques jours président des colonies (avant de démissioner au profit de Laura Roslin). Il a signé les papiers autorisant le Circle et légalisant ces exécutions sommaires. Adama et Roslin finissent évidemment par l'apprendre. Les arguments des deux points de vue ont leur validité. De longs procès diviseraient la flotte. Ces disparitions passent quasiment inaperçues... Mais tous les droits de la défense sont supprimés. La ligne entre la vengeance et la justice est très fine. Cela peut mener à des extrémités et, on l'a vu, des erreurs... Roslin entérine implicitement le choix de Zarek, car si elle a choisi qu'aucune poursuite judiciaire n'aura lieu, annonçant une -sans doute utopique pour le moment- grande réconciliation, elle ne désavoue pas pour autant Zarek. L'évolution de l'épisode dans l'exécutif, c'est que Zarek est désormais vice-président. Un homme qui n'hésite pas à défendre ses points de vue et aux valeurs très différentes de celles de Roslin. Cela promet des situations intéressantes pour le futur. Pendant ce temps, Gaïus est à bord d'un basestar cylon. Tout ce qu'il s'y passe est raconté de son point de vue, ce qui fait qu'on ne peut que spéculer sur ce qu'il se passe en dehors de la pièce où il est 'détenu'. Le décor est très particulier, aseptisé, réduit au minimum, avec la lumière rouge très 'cylon'. Il y a un débat au sein des cylons pour savoir que faire de Gaïus. 3 voix contre 3, ce sont les Six qui ne se sont pas encore décidées, quand D'Anna va voir Gaïus. Cette situation est paradoxale puisque jusqu'à présent, surtout Six-Caprica avait toujours été son plus important soutien. Or, c'est D'Anna soudain qui semble la plus proche de Gaïus. Elle est la première à venir le voir. C'est comme si un lien s'était établi entre eux quand il lui a rendu Hera dans l'épisode précédent. J'ai hâte de voir plus à l'intérieur du basestar.
Bilan : Regarder un épisode de BSG, c'est décidément très éprouvant (les scénaristes sont de vrais sadiques). L'épisode est très bien maîtrisé, l'intensité est très forte dans un tout autre registre par rapport à l'épisode précédent. Un très bon épisode, sans conteste très sombre, abordant un thème fort et controversé, la réaction face aux collaborateurs. On dépasse vraiment tout manichéisme.
Le seul moment léger de l'épisode : Lee qui tente de retrouver la ligne avec la corde à sauter. "Keep jumping, Lee."