Pense-bête : ne faîtes pas la même erreur !
Le parallèle entre succès d'audience et qualité d'une série est très volatile, voire inexistant. Cette année, l'illustration qu'une série réussie et bien menée ne rencontre pas nécessairement un bon accueil auprès du public, c'est sans conteste Studio 60 on the Sunset Strip.
Cette série nous donne l'occasion de nous glisser dans les coulisses d'une grande émission télévisée, dans le genre du Saturday Night Live. Après deux épisodes d'introduction où les scénaristes posent la situation, la réintroduction de Danny et Matt, puis la première émission de Studio 60, on découvre peu à peu différents aspects de l'émission et la série trouve un rythme vraiment intéressant. Le téléspectateur peut être un peu supris au départ d'assister effectivement à de petits bouts de l'émission, des sketchs qui s'intègrent dans l'épisode. Mais finalement, cela permet de conférer un ton à l'ensemble, de ne pas s'enfermer dans du pur théorique et d'avoir un aperçu plus concret de l'émission et de son ambiance. S'il avait fallu parler quarante minutes de l'émission sans jamais voir à quoi elle ressemblait, un certain déséquilibre en aurait sans doute résulté.
Il y a différents aspects positifs qui peuvent être soulignés.
I- L'évocation de la culture actuelle à travers des guest-stars qu'on retrouve avec plaisir :
Felicity Huffman dans le pilot pour sa promo dans l'émission fictive de Desperate Housewives avait donné le ton. On retrouve un peu plus tard Lauren Graham (que j'adore), qui vient faire la promo de 'Calico Gals' (comme le dit Matt -comprendre Gilmore Girls), un dialogue véritable joute verbale très drôle en résulte.
Lauren : Why did you cut my sketch ?
Matt : It wasn't funny.
Lauren : I thought it was funny.
Matt : I thought the writing was funny, but that you weren't very good.
Lauren : Really ? 'Cause I thought the writing was one unbearably long set-up for a jingle.
Danny : And that's why I cut the sketch.
Matt : You were in a number of wonderful sketches tonight, including a hilarious send-up of your character on Calico Gals.
Lauren : Gilmore Girls.
Danny : I wrote it down for you.
Matt : This is my number,if you ever feel like coffee or a basketball game or something. And would you give a copy of this to the girl who plays your kid on the show,too ?
Lauren : Is sucking-up- to-the-host time over ?
Matt : Sure, go enjoy the party.
Lauren (venant récupérer le numéro de téléphone) : This is humiliating.
Du côté de la pop-culture, vous pouvez croiser comme dans n'importe quel talk-show télévisé, Sting en promo pour son album.
Journaliste : What's that?
Harriet : It's a lute.
Journaliste : A lute?
Harriet : The instrument. They're doing Sting's soundcheck. He's got a classical album coming out and he plays the lute.
Journaliste : Sting is in the building right now?
Harriet : He's onstage.
Journaliste : Sting is upstairs, playing a lute.
Harriet : You wanna go watch?
Journaliste : Harriet, you're interesting, but get out of my way.
Une série vraiment ancrée dans la réalité culturelle et médiatique, les évènements trouvent facilement un écho auprès du téléspectateur.
II- Réflexion des rapports entre les médias et la société :
La série s'interroge sur le rôle des médias dans le niveau de la culture populaire, en s'offrant un débat illustré autour de l'achat d'une série sur les Nations Unies. L'idéalisme de Jordan s'oppose au raisonnement similaire à un compte en banque de Karl. Ce dernier veut acheter un concept de télé-réalité très trash qu'un producteur vient leur proposer : rien de stimulant intellectuellement parlant, les plus bas instincts de chacun dans un voyeurisme exacerbé à l'excès y sont flattés. Jordan s'oppose à l'achat de ce programme, mais surtout prône l'achat du pilot d'une série en projet sur les Nations Unies. Le créateur de cette série est plutôt réticent, car comme il le résume (et soyons honnête, c'est un raisonnement très commun de nos jours, du moins l'opposition câble/grands networks, même si le monopole de HBO s'est effrité ces derniers temps) : "Actuellement, les séries intelligentes, on les attend plutôt sur HBO, pas sur un grand network". Faut-il voir dans cette storyline une simple opposition entre une logique purement commerciale contre une certaine recherche de divertissement de qualité ? Ou un refus de participer à un abrutissement collectif de la culture populaire en réduisant à des îlots câblés à destination d'un public 'averti' des programmes catalogués plus 'intelligents' ?
Danny : Hey, Jack.
Jack : Don't give me "Hey,Jack".
Danny : Why not ?
Jack : 'Cause I'm looking for a fight, and it's going to be you.
Danny : Nah.
Jack : Oh,yeah.
Danny : Really ?
Jack : Yes,sir. But before I reach down your throat and squeeze your kidneys with my hand, I want to thank you for helping Jordan
acquire for NBS a television series about the United Nations. 'Cause that's got smash hit written all over it. I'm thinking of premiering it against the Super Bowl.
Danny : Jack...
Jack : America's been waiting for a show about negotiating a lasting peace in Sudan.
Danny : Jack...
Jack : I hope we'll hold off on the debate over humanitarian aid to Darfur until Sweeps. Ah, it doesn't matter, an episode will be a winner as long as it's about the U.N. 'Cause Americans are just crazy about the U.N. We just can't get enough of their freewheeling, sexy, buccaneer style. I foresee a couple of problems, like nobody at the U.N.speaks the same language, but that's okay, 'cause if there's one thing every teenager loves it's subtitles. You see it as part of your job to screw with my company, don't you ?
Danny : No,I do not. That's just one of the perks.
On retrouve également dans la série beaucoup de références culturelles et/ou historiques devant lesquelles, certes, un téléspectateur européen peut avoir à faire quelques recherches pour mettre dans son bon contexte un dialogue. Par exemple, est évoquée dans un épisode la chasse aux sorcières de McCarthysme qui dessima Hollywood avec le blacklistage qui en résulta. Au-delà de ce passé, la série n'hésite pas à enchaîner sur l'actualité de ces débats : le questionnement de la liberté de ton des médias, la sugggestion que l'ambiguité de la liberté de la presse et des rapports avec les autres pouvoirs -financiers comme politiques- est un schéma qui se répète, sans qu'on est besoin de se référer uniquement aux années 50.
Une scène sur les vies brisées par le McCarthysme à la fin de l'épisode 6 :
Danny : Not a lot of those people were heard from again, Mr.Weinraub. Were you blacklisted ?
Cal : After one sketch. You can start by telling us who the other guys are in the picture. You can say their names now.
Mr. Weinraub : Oh,all right. All right,this is Lou Hauley, he was the funniest guy in the room. This is Benny Shapiro and Tony Giannelli. Tony never talked,except to Benny.
Cal : That remind you of anybody ?
Mr. Weinraub : This one is Eugene Bookman. He always liked political humor. Of course, the network was not comfortable with that in those days.
Danny : In those days ?
Mr. Weinraub : This is Jules Wexler. He was best at coming up with physical comedy. Look at us sitting there,all of us smiling. And this... this is Rosemary McCann. I don't know what happened to her. I know I remember I had a crush on her. I guess we all did. You know,sometimes I think the only reason I got a sketch on the air was 'cause I was trying to write well enough so that she would notice me. Yeah, up here on the top, are the Goodman brothers, who were always very angry 'cause they thought they were funnier than the Marx Brothers. Nobody is funnier than the Marx Brothers... only sometimes Phil Silvers. Well, listen, don't tell that to Milton Berle. He gets very angry...
III- Les personnages
Les personnages gagnent en épaisseur au fil des épisodes, au fur et à mesure qu'on les découvre. J'aime beaucoup la façon dont les scénaristes choisissent de traiter l'ex couple Matt/Harriet. A la lisière de la comédie romantique, entre scènes de ménage et moments réalistes plus sérieux, la complexité de ces deux personnages qui appartiennent à deux mondes très différents, aux valeurs très différentes, mais qui pourtant entretiennent une relation unique, dépassant justement ce clivage que l'on pourrait penser indépassable.
On peut regrettrer dans une certaine mesure une certaine utilisation de Bradley Whitford, qui tient un rôle assez cynique, les pieds sur terre. Sa façon de gérer la blague plagiée sous le regard imperturbable de la journaliste venue se écrire sur les coulisses de l'émission, tentant de rattrapper les choses en direct, grâce au décalage entre la côte est et ouest, est une de ses meilleures scènes.
Cal Shanley, qui gère la régie, n'est pas un personnage très approfondi, mais la seule présence calme de Timothy Busfield dans toute cette agitation ambiante donne l'occasion de mettre en valeur le personnage.
Bilan : Plus ça va, plus je m'attache. Ne faîtes pas attention aux courbes d'audience et regardez Studio 60. Il faut en profiter jusqu'à sa très prochaine annulation. Les dialogues sonnent souvent juste. C'est dynamique et rythmé. Ce sont les dessous d'une émission de télé comme on a rarement l'occasion de les voir représentés, avec cette pointe d'utopisme quand même très marqué, mais qui n'empêche pas d'évoquer les vrais débats actuels qui secouent les médias.
Ca n'a pas le caractère jouissif d'A la Maison Blanche, mais c'est très agréable à suivre (bien supérieur à bien des séries actuelles).