Ce mois-ci, j’ai interrogé Roberta Antonini-Philippe, une psychologue du sport basée en Suisse et qui a la particularité de travailler avec des musiciens de haut niveau. Il me paraissait intéressant de présenter sa pratique et aussi avoir son point de vue sur les différences et les similarités entre les musiciens et sportifs de haut niveau.
Quelle est ta formation initiale?
J’ai commencé par étudier la philosophie à l’Université de Milan, où j’ai obtenu un DEUG. Toutefois, depuis mon enfance mon rêve était celui de devenir prof d’EPS et je me suis donc réorientée vers ma vraie vocation, les sciences du sport. J’ai fait ma formation à l’UFR STAPS de Nice, où en 2002 j’ai obtenu un Doctorat STAPS, en réalisant une thèse en psychologie du sport.
Qu’est ce qui t’a poussé à suivre une formation en coaching de musique?
Presque par hasard, il y a 5 ans on m’a demandé de faire une conférence sur la préparation mentale du sportif de haut niveau au conservatoire de musique de Genève. Le lendemain de ma conférence, plusieurs musiciens ont pris contact avec moi afin de les coacher en préparation mentale. Je me suis alors renseignée s’il existait des formations en psychologie de la musique et l’Association Médecine des arts proposait un Diplôme Européen de médecine des arts avec deux modules dans le domaine de la psychologie. Je viens à peine de terminer cette formation qui m’a apporté pas mal de connaissances utiles pour le monde de la musique.
Quelles méthodes utilises tu pour aider le sportif et le musicien à progresser mentalement?
J’utilise des méthodes cognitives et comportementales, telles que les stratégies de renforcement de l’éveil, l’imagerie, la relaxation, mais aussi un travail de découverte de soi, afin que l’athlète et le sportif soient plus à l’aise avec eux-mêmes. Cela dépend beaucoup de la demande du client et de ce qui semble être le plus adapté afin de les aider à être plus performants.
En quoi le coaching pour musiciens est il semblable au coaching sportif?
Il est très semblable car chez les musiciens on peut observer presque les mêmes problématiques que chez les athlètes, telles que la gestion du stress, la gestion de l’anxiété, le manque de confiance en soi, etc. Les musiciens sont toutefois beaucoup moins armés que les athlètes dans le domaine de la préparation mentale, pour cela chez eux les progrès sont facilement visibles.
Quelles sont les différences que tu trouves entre les deux éventuellement?
Chez les musiciens il a y beaucoup plus la notion de subjectivité, dans la musique on parle beaucoup de style, on aime ou on n’aime pas. C’est donc pour eux plus difficiles à travailler avec la fixation des objectifs. Ils ont moins de retours objectifs concernant leur pratique, donc pour eux c’est un peu plus difficile à s’auto-évaluer.
Est ce que tu suis tes athlètes ou musiciens lors des déplacements?
Oui, je suis assez régulièrement mes athlètes, notamment lorsque je suis accréditée par une fédération. Mon dernier déplacement était au championnat d’Europe de karaté à Belgrade. Pour les musiciens c’est beaucoup plus difficile, car ils doivent pour la plupart financer à eux seuls les charges de la préparation et ils n’ont encore pas le luxe de pouvoir se payer un psychologue en déplacement aux concours d’orchestre. Je pense toutefois que cela serait très important et pourrait certainement être un plus pour le musicien.
Comment observes-tu leur évolution?
J’utilise des tests psychologiques qui me permettent par exemple de mesurer leur progression au niveau stratégies mentales ou autre. L’amélioration de la performance est aussi un très bon indicatif ou tout simplement lorsqu‘un athlète me dit « merci, cette médaille est aussi la tienne ! ».
Quel est ton meilleur souvenir dans ce métier?
J’en ai deux partuculièrement, le partage de joie d’une athlète devenue championne d’Europe (en étant blessée) et d’un musicien qui a gagné deux concours d’orchestre, l’un après l’autre après dix ans qu’il essayait.
Ou se trouve ton cabinet?
Mon cabinet se trouve à Genève, dans la vieille ville: 1 rue René Louis Piachaud