La critique de Claude :
Qui ne se souvient de cette charmante vieille dame toujours chapeautée de rose ou de réséda, ancêtre de la famille royale britannique ? Pour certains, d’autres souvenirs émergent, ceux d’un couple royal réconfortant inlassablement ses sujets visés par les bombardements nazis en 1940 et 41, et venant saluer les pauvres troupes de la France Libre comme si elles étaient à la mesure de la République française.
Qui était donc « la Reine-mère » ? Ce livre nous livre les clés du personnage ; certes, c’est une « biographie autorisée » : n’attendez pas de détails malvenus. Mais William Shawcross cultive la liberté d’expression britannique, en n’hésitant pas à écrire des vérités dérangeantes – par exemple sur son insouciance financière, ou son éducation initiale un peu négligée, comme beaucoup de jeunes filles de cette époque.
Le ressort du personnage, c’est son enfance dans un grand château écossais, avec huit frères et sœurs, un père et une mère aimants et chaleureux , des jeux et des rires, l’apprentissage du devoir, et des contacts qui ne se limitent pas à l’aristocratie à laquelle elle appartient.
Surtout à partir de 1914, quand le château familial devient un centre de blessés convalescents, destiné notamment aux Canadiens, Australiens et Néo-Zélandais qui sont venus défendre la Mère Patrie dans les horreurs que l’on connaît : la petite Elizabeth va nouer avec ces Britanniques de l’outre-mer une relation d’amitié qui l’aidera à comprendre le Commonwealth. Et elle va apprendre à parler aux gens du Peuple, en se mobilisant pour les aider.
Après la guerre, elle est l’objet d’une cour assidue du duc d’York, second fils du Roi Georges V, qui ne se prépare pas à être Roi, puisqu’il a un frère aîné. Elle va résister pendant des mois, pour des raisons que le biographe n’explique pas bien : peut-être la crainte de s’intégrer à une famille royale rigide et compassée ?Elle cède finalement, et va partager avec cette famille les heurs de la petite et de la grande histoire : l’abdication dramatique de son beau-frère le Roi Edward VIII, la seconde Guerre mondiale, où le couple royal, dans Buckingham bombardé, incarne la résistance de l’Empire, la révolution culturelle de l’Angleterre des sixties, où elle réussit à conserver son rôle de grand-mère de la Nation, enfin le drame de lady Diana.
Comme le montre le superbe film sur « Le discours d’un Roi », elle a été un soutien essentiel pour son mari, confronté aux responsabilités els plus lourdes.
Elle mourra à 102 ans. Pour lui rendre hommage, une anecdote tirée du livre : alors qu’elle accomplit, à 85 ans, sa onzième tournée au Canada, un terrible orage oblige son avion à se poser sur une base aérienne du Nord-canadien, appelée « Cold Lake ». Descendant la passerelle, elle dit : « Ah ! Clod Lake, j’ai toujours voulu venir à Cold Lake ». Les aviateurs n’oublieront jamais.
Donc un bon livre, surtout pour ceux qui aiment la Good Old England, et tout ce qu’elle représente d’énergie et d’humour.
Elizabeth, la Reine-mère, Biographie par William Shawcross, traduit par Françoise Agelstain, Editions Philippe Rey, 475 p, 24 €