L’avionneur est « l’employeur le plus attractif de France ».
Le site RegionsJob, 455.000 abonnés, a interrogé 9.000 internautes pour identifier l’employeur le plus attractif de France. Le résultat est sans appel : Airbus occupe la première place, sur une liste d’un millier d’entreprises, cela sur base de vingt-cinq critères d’appréciation. C’est une belle victoire pour la branche française de l’avionneur européen, lequel en est visiblement très fier.
Thierry Baril, DRH, y voit le fruit de ce qu’il appelle «la nouvelle politique de ressources humaines» d’Airbus. Il en énumère les bases, lesquelles n’ont rien d’inattendu : bon management du personnel, conditions et organisation du travail, fierté d’appartenance, rôle de leader économique, innovation, perspectives à long terme, etc. Des propos convenus –mais il pouvait difficilement en être autrement- alors que la réalité, non exprimée, est sans doute plus prosaïque : Airbus fait la course en tête, dans son domaine, dispose d’une gamme de produits solide et d’un carnet de commandes bien rempli. A ce titre, Airbus est le symbole de l’Europe qui gagne, d’une industrie qui a le vent en poupe, résiste à la concurrence américaine et n’a pas grand-chose à craindre, pour l’instant, des ambitions chinoises. Dès lors, en toute logique, Airbus est attractif.
Ce n’est d’ailleurs pas une spécificité française. Une distinction similaire, Randstad Award, a été attribuée à Airbus par l’Allemagne tandis qu’une enquête menée outre-Manche par Targetjobs a placé l’avionneur en deuxième position auprès de jeunes ingénieurs fraîchement diplômés. Récemment, d’autres enquêtes et sondages ont également attribué d’enviables premières places à EADS, la maison-mère, devant Dassault Aviation, Thales, Veolia et d’autres grands noms. Ce qui n’empêche pas, l’actualité la confirmé récemment, quelques incidents de parcours liés précisément au management ou à des grilles salariales en petite forme.
Il y a quelques jours, le forum de l’emploi organisé dans le cadre des Rencontres aéronautiques et spatiales de Gimont a confirmé l’intérêt que suscite Airbus, d’autant que le Gers est proche de Toulouse, c’est-à-dire d’Airbus Operations (nouvelle appellation d’Airbus France) et du siège quadrinational («Central Entity») de la société. Cette année, l’avionneur recrute 3.000 personnes et offre plus de 2.500 stages répartis entre ses principaux sites. De quoi soutenir l’intérêt des jeunes en recherche d’emploi, qui plus est en période de conjoncture maussade.
Cette attractivité repose ainsi, et on le comprend, sur des bases concrètes et quelque peu terre à terre. Airbus occupe 52.500 personnes, en fait vivre autant auprès de ses partenaires et sous-traitants, sans compter les filiales, et rappelle que ces effectifs regroupent 80 nationalités (qui travaillent uniquement en anglais ou, disent certains, en «eurosprechen»).
L’analyse de RegionsJob, et le commentaire qui en est fait à Toulouse, n’évoquent guère la culture d’entreprise Airbus. On ne sait trop si elle existe et, dans l’hypothèse où la réponse à cette interrogation serait positive, elle est tout à fait particulière, pour des raisons tout à la fois historiques et géographiques.
La notion d’unité, de cohésion, n’est pas apparente. Le journal du personnel s’appelle opportunément «One», peut-être l’expression de vœux pieux. Les deux grands piliers que sont la France et l’Allemagne, vivent une cohabitation qui n’est pas toujours heureuse, comme l’ont rappelé les problèmes d’industrialisation de l’A380, un match qui a opposé Toulouse à Hambourg. Il y manquait beaucoup de choses : une même culture industrielle, l’unité de lieu, de langue, d’état d’esprit. La France, et elle seule, a porté le projet Airbus à partir des premières esquisses de l’A300B, à la fin des années soixante, mais rien n’aurait été possible sans l’Allemagne. Néanmoins, l’entente cordiale n’a vraiment existé (et encore !) qu’au niveau des hauts dirigeants.
Airbus, où il n’est jamais question de politique, où l’on se refuse à évoquer la difficile construction de l’Europe, où l’on évite de parler d’autre chose que d’avions et de transport aérien, n’en constitue pas moins une réussite exceptionnelle. Il est de ce fait tout à fait logique que les jeunes soient séduits et attirés par cette entreprise, mi-européenne, mi-apatride, quitte à faire carrière en eurosprechen.
Pierre Sparaco - AeroMorning