la photographie alors serait désir

Publié le 06 octobre 2011 par Lironjeremy

La photographie alors serait désir. Geste de l’œil entrainant tout le corps vers ce qui, à distance, s’offre et se soustrait d’un seul mouvement, ou s’offre comme lointain. Geste contradictoire en ce qu’il happe et repousse, s’origine et se projette dans un regard, substituant à l’objet réel la fascination d’une image. « Les jeunes filles n’existent que pour être regardées », écrit Proust. Le contact perd l’image, consomme le désir. Et ça nous attrape durablement cette beauté fascinante tenue entre deux extrêmes, un visage qui fait face et plante ses yeux dans les vôtres depuis le lointain de l’image dont il est le punctum. « Il se peut que la beauté naisse quand la limite est l’illimité deviennent visible en même temps, c’est-à-dire quand on voit des formes tout en devinant qu’elles ne disent pas tout, qu’elles ne sont pas réduites à elles-mêmes, qu’elles laissent à l’insaisissable une part » (Jaccottet). C’est vieille histoire : la photographie est animée par le désir d’aller vers ou de ramener à soi comme on regarde à travers des jumelles un paysage soudain tout près, faussement. Elle a commerce avec l’espace, immobilisant une juste distance, celle de l’apparaître. Elle veut croire à ses croyances. Pour grande part encore elle demeure motivée par l’ambition de saisir le fugitif, l’éclat fugace d’une situation qui soudain se donne à lire ou la fiction fantastique qu’elle aura fabriqué pour elle dans l’intervalle de gestes. Elle s’électrise encore du désir impossible de faire entrer dans son cadre quelque chose qui évidemment l’excède, qui est la grâce d’un moment, une attirance toute physique, les gestes embarrassés de celui qui s’approche, qui poursuit l’image qu’il fera, tout un trajet dont elle sera le terme et la justification. Elle est aussi ce à quoi on s’adosse, regard porté au devant de soi, image existant de la distance entre soi et ce autour de quoi l’œil s’enrobe. Pour Claude Nori, cet acte ultime par lequel il lui sera permis de provoquer et de saisir « un déséquilibre » à la faveur duquel celles qu’il photographie seront disponibles à la construction d’une image de la beauté. On parlera du commerce des images, de cette relation spéciale qui se crée entre celui qui regarde et celui qui s’offre comme objet au regard, fuyant dans l’image en laquelle il se sait saisi, fuyant par le regard qu’il offre, par lequel il se sait traverser l’image et qui vous regarde alors au fond d’elle. Parce que ce qu’offre celui qui pose n’est qu’une image, il le sait, et dans son regard, l’impression du retrait de tout ce qui en lui n’est pas image et qui alors fascine comme une ombre. Si photographier parfois signifier approcher des corps, des visages c’est aussi les éloigner dans la fascination qu’ils provoquent, s’éloigner pour en contempler l’image. Il est de la nature des images de s’accorder à nos désirs. Et de la nature de nos désirs de faire corps en des images. (…)
Photo: Claude Nori. Exposition : L'été italien, du 10 septembre au 29 octobre 2011, galerie Bloo WS, Lyon.