St. Vincent: Strange Mercy

St. Vincent
Strange Mercy [4AD]
Septembre 2011
Pour son troisième album, la mystérieuse et splendide Annie Clark n'a pas choisi la formule la plus évidente. Couronnée de toutes parts pour Actor, son précédent chef-d’œuvre aux pulsations féériques, elle brise, avec Strange Mercy, toute prévision possible. Ce dernier est bien plus – pause rhétorique – épuré, dans le sens où la voix, plus limpide et gracieuse que jamais, navigue au gré d'une totale liberté. La composition quasi-chaotique laisse place à des ambiances tendrement grandioses, qui finissent martelées de furies sonores déclinées en solos désarticulés. Cela semble complètement fou – ça l'est – mais le tout reste insolemment subtil et contrôlé. Annie Clark casse les codes avec une assurance à toute épreuve ; c'est ce qui la rend si sauvagement séduisante. Le rythme, la répétition et la tonalité sont autant de jeux pour sa voix, une voix mûre qui épelle, lentement, des vers cryptiques chargés de désespoir. L'année dernière – Year of the Tiger – lui a laissé quelques bleus, qu'elle déverse en désillusion, refus, incompréhension. Cette rébellion humaine se sublime à coups d'impulsions paradoxales : la folie angélique, la maturité instable. Les artistes souffrants sont des artistes plutôt féconds ! Même les plus grands vides rayonnent d'émotion : St. Vincent, écoute après écoute, n'inspire que la fascination.