" Je porte en moi tous mes visages passés, comme un arbre ses cernes. C'est leur somme qui fait de moi ce que je suis. " Tomas Tranströmer
Il était inattendu ce Nobel, les bookmakers anglais avaient misé sur Bob Dylan et voilà qu'un discret suédois l'emporte avec une oeuvre de poésie. Les journalistes avaient bien du mal à prononcer son nom et à improviser trois mots sur son oeuvre lorsque le nom du Nobel de littérature a été annoncé. L'excellent site de François Bon remue.net l'artcle de Laurent Margantin publié sur ce poète, me semble être le plus juste de ce que j'ai épluché ce jour.
"....La présence au monde de Tranströmer - présence que semble exprimer pleinement sa poésie - est très étrange : musicale en même temps que visuelle, à la fois onirique et très attentive au détail de la vie réelle. Comme l’écrit son traducteur dans sa préface, il « dispose de la faculté de regarder au fond du poème comme on regarde au fond d’un puits, pour en retirer des visions, des images et des objets qui semblent arrachés au néant. Il répond ainsi à une nécessité qui le pousse à dégager tous les signes d’un langage situé au-delà du langa ge : les hiéroglyphes de l’aboiement d’un chien, les cursives des aiguilles d’un sapin, les traces laissées par un cerf dans la neige ".
A lire : http://remue.net/spip.php?article137
Les éditions du Castor astral ont fait paraître en 1996, l'intégralité des oeuvres de cet auteur. Il ne reste plus qu'à le découvrir.
OEuvres complètes (1954-1996)
Tomas Tranströmer
Traduit du suédois
par Jacques Outin
Le Castor Astral
322 pages
extrait : Thomas Tranströmer / Baltiques, I
C’était avant le temps des poteaux télégraphiques.
Mon grand-père était jeune pilote côtier. Il inscrivait dans son carnet les bateaux qu’il pilotait — noms, destinations, tirants d’eau. Quelques exemples de 1884 : Vap. Tiger Capit. Rowan 16 pieds Hull Gefle Furusund Brick Ocean Capit. Andersen 8 pieds Sandefjord Hernösand Furusund Vap. St Pettersburg Capit. Libenberg 11 pieds StettinLibau Sandhamm
Il les amenait jusque dans la Baltique, à travers cet extraordinaire dédale d’îles et d’eau. Et ceux qui se rencontraient à bord et se laissaient porter, quelques heures ou quelques jours, par la même carcasse, à quel point faisaient-ils connaissance ? Dialogues en anglais mal orthographié, entente et mésentente mais si peu de mensonges conscients.
À quel point faisaient-ils connaissance ?
Quand la brume était épaisse : visibilité réduite, vitesse limitée. D’une enjambée, la presqu’île sortait de l’invisible et se tenait à proximité.
Un beuglement toutes les deux minutes. Les yeux lisaient droits dans l’invisible.
(Avait-il le dédale en tête ?)
Les minutes passaient.
Les fonds et les îlots remémorés comme des psaumes.
Et cette sensation d’être « là et nulle part ailleurs » qu’il fallait conserver, comme lorsqu’on porte un vase rempli jusqu’à ras bord et qu’on ne doit rien renverser.
Un regard jeté dans la salle des machines.
La machine compound, aussi robuste que le coeur humain, travaillait avec des gestes délicatement élastiques, acrobates d’acier, et des parfums montaient comme d’une cuisine.
A lire sur cet ouvrage l'article de la quinzaine littéraire http://laquinzaine.wordpress.com/2011/10/06/tomas-transtromer-baltiques/