CJUE, 6 oct. 2011, Bonnarde, C-443/10.
Dans cette affaire, qui concernait l'obligation de mention de la dénomination de "véhicule de démonstration" sur le certificat de mise en circulation des véhicules afin de bénéficier d'un bonus écologique, la Cour a encore une fois apporter sa petite pierre à la difficile question des contour de la notion d'entrave dans le secteur des marchandises.
En effet, elle a considéré que "même si la réglementation nationale en cause au principal n’a pas pour objet de traiter moins favorablement des produits en provenance d’autres États membres (...) la circonstance que la mention «véhicule de démonstration» doit figurer sur le certificat d’immatriculation des véhicules de démonstration afin d’ouvrir le droit au bonus écologique peut avoir une influence sur le comportement des acheteurs, et, par conséquent, affecter l’accès de ces véhicules au marché de cet État membre". La Cour cite ne appui son désormais célèbre arrêt "remorques italiennes" avec une différence de taille: dans ce dernier arrêt la Cour ne visait que les règles sur l'usage des produits.
Or l'affaire en cause ne concernait pas l'usage d'un produit mais un bonus écologique à l'achat de certains véhicule. L'influence sur le comportement des consommateurs serait-il le critère permettant, de manière générale, de détecter une affectation de l'accès au marché et donc une entrave? dans ce cas, ne faudrait-il pas que cette prétendue influence soit "substantifiée" en ayant au besoin recours à des preuves comme des études, des statistiques ou des enquêtes?
Remarquons que, dans le domaine des entraves fiscales, la Cour semble exiger un tel degré de preuve dans le cadre de recours en manquement de la part de la Commission (on se réfèrera ainsi à l'affaire Commission/Suède). Mais la Commission bénéficie, il est vrai, de certains moyens, tant techniques que juridiques, qui lui permettent de mener de telles études et d'étayer ses recours. Il serait illusoire d'exiger d'un simple particulier, dans le cadre d'une question préjudicielle, de fournir des études détaillées sur l'effet réel d'une norme su le comportement des consommateurs. Du reste, le simple fait qu'une affaire de ce type remonte au niveau de la Cour tend à démontrer que la législation française a un effet sur le comportement des consommateurs (certes minime puisqu'il ne s'agit que d'une seule plainte, mais il n'y a normalement pas de règle de minimis applicable en la matière). L'existence même d'un litige concrétise donc l'existence d'une "effet".
Ajoutons enfin que, si la Cour use ici du test d'accès au marché, elle ne renonce pas évoquer dans son arrêt les types plus classiques d'entraves (discrimination et Cassis de Dijon). Ceci semble confirmer que la Cour n'entend pas faire de l'accès au marché le critère d'analyse unique des entraves dans le domaine des marchandises. Cependant, il est difficile de considérer, à la lecture de l'arrêt Bonnarde, que ce dernier test ne s'appliquerait qu'au mesure réglementant l'usage des produits ce qui rend l'articulation (à quel type de mesure chaque test - discrimination, Cassis, accès au marché - s'applique-t-il concrètement?) entre ces trois types d'entrave particulièrement complexe. L'accès au marché semble être une sorte de catégorie résiduaire qui s'applique si la mesure ne tombe pas sous le coup d'une interdiction de discrimination ou de type Cassis. Bref, la discussion doctrinale sur le sujet n'est pas prête de s'apaiser.
NB: pour le surplus, la Cour considère que l'exigence française ne peut pas être justifiée par des motifs écologiques ou de contrôles fiscaux et est donc contraire à l'article 34 TFUE.