Sentiment de grande lassitude durant ce troisième et dernier débat télévisé
pour la primaire du PS qui s’est déroulé sous la direction d'Olivier Mazerolle sur BFM, RMC et Public Sénat le mercredi 5 octobre 2011 à partir de 20h30.
Fallait-il ce troisième débat pour départager les six candidats à la candidature socialiste ? Probablement pas tant ce
troisième show, aussi interminable que les deux précédents (deux heures trente), a montré son inutilité par rapport à l’objectif initial.
Car l’idée principale de ces débats, c’était de pouvoir départager les candidats. Or, ce n’étaient pas des
débats. Tous les candidats sont globalement d’accord sur quasiment tout, ce qui est heureux puisqu’ils veulent tous défendre le même projet politique, si bien que la discussion s’enlisait sans
cesse dans une sorte de consensus mou bien que partisan qui avait le grand tort de ne pas avoir de contradiction.
Mobiliser des millions d’électeurs pour seulement départager les ego ?
Les six candidats, comme dans les prestations précédentes, ont été globalement bons d’un point de vue
communication. Ils ont su montrer leur volonté, leur détermination, leur intelligence et leur esprit de rassemblement.
Que ce soit sur les retraites, la santé, l’éducation, les banlieues etc., tous les candidats se
congratulaient mutuellement d’avoir inspiré les idées des autres.
On pourra toujours se demander, puisqu’il n’y a visiblement aucun enjeu de fond, pourquoi vouloir déranger
plus de cinq millions de personnes (le dispositif pourrait en accueillir cinq millions six cent mille) pour uniquement choisir l’ego qui leur irait le mieux. Bataille d’ego dans ce qui n’est
qu’une téléréalité d’un goût douteux sans beaucoup d’intérêt politique.
Certes, certains candidats ont cherché à se démarquer, à montrer des différences là où il n’y en avait pas.
Ségolène Royal, toujours vêtue de rouge, a par exemple marqué quelques points dans sa lutte contre le
cumul des mandats (c’est la seule des six candidats à ne pas cumuler).
Match Hollande-Aubry
François Hollande a
voulu rester en dehors de la mêlée, sans prendre de position trop marquée (sait-on jamais) et je m’effraye de le voir un jour à l’Élysée, englué dans son indécision pour ne déplaire à personne
(il a excellé dans cet art à la tête du PS entre 1997 et 2008, à tel point qu’il en a évité l’implosion malgré une cassure nette à propos du référendum du 29 mai 2005).
Outsider, Martine
Aubry a cherché la combativité et a même voulu s’accrocher avec son principal rival sur le dossier éducatif en jugeant irréaliste les multiples embauches annoncées.
Car il s’agissait pour ce dernier débat de reprendre l’avantage. La véritable lutte politique s’est bel et
bien instaurée entre François Hollande et Martine Aubry, les autres n’étant que quantités négligeables et sujets à témoignage ou à rapports de force ultérieurs.
Démagogie et irresponsabilité
Les deux n’ont d’ailleurs pas hésité à sombrer dans la démagogie la plus sournoise.
Ainsi, François Hollande se plaisait à mettre en parallèle sa proposition de recruter 60 000 enseignants
en plus, ce qui coûterait deux milliards et demi d’euros avec celle de Nicolas Sarkozy proposant de construire des places
supplémentaires de prison, pour trois milliards d’euros, comme si le budget de la justice était incompatible avec celui de l’éducation. Et surtout, comme si la situation des prisons en France était très satisfaisante…
Martine Aubry aussi a fait dans la démagogie facile à la fin, pour sa conclusion, très mauvaise d’ailleurs
car elle a lamentablement bafouillé deux fois, montrant ainsi une extrême émotivité (qui ne le serait pas avec un tel enjeu personnel ?), en affirmant que si elle gagnait, elle ne fêterait
pas sa victoire au Fouquet’s. Parions que même réélu, Nicolas Sarkozy se garderait bien également d’y retourner.
Les six candidats ont multiplié les propositions de dépenses inconsidérées ainsi que les projets de nouveaux
impôts, nouvelles taxes, sans indiquer comment ils comptaient réellement faire redémarrer l’économie autrement que par un traitement social de la crise. À part Manuel Valls un peu plus au courant des besoins de l’économie (sa ville accueille de nombreuses entreprises
innovantes), aucun des autres candidats n’a rassuré sur ce point.
Pire, les rares économies proposées (sur les niches fiscales par exemple) ne serviraient qu’à financer de
nouvelles mesures sans se souvenir des impératifs de la dette publique actuelle.
J’ai l’impression d'avoir regardé une machine à remonter le temps, qui s’est bloquée aux cent dix
propositions du candidat François Mitterrand de 1981 : en 1997, Martine Aubry reprenait la
proposition (ancienne) des 35 heures et en 2011, voici revenir la retraite à 60 ans, sans imaginer un seul instant que la situation économique et démographique a considérablement changé trente
années après.
La grande absente des débats
Mon plus grand étonnement est quand même que malgré près de huit heures de débats télévisés en trois
émissions, aucune minute n’a été consacrée à la politique européenne ni à la politique étrangère. Une personne comme Jean-Michel Baylet a pourtant de très grandes idées pour faire avancer une Europe fédérale.
Mais sur la situation diplomatique extrêmement grave : Afghanistan, Libye,
Tunisie, Égypte,
Syrie, Somalie, Côte d’Ivoire… rien ! Aucune réflexion dessus. Pourtant, l’élection présidentielle
désigne un Président de la République, pas un super Premier Ministre. C’est-à-dire avant tout le représentant de la France auprès des centaines de nations présentes dans le monde dont certaines
attendent beaucoup de la France.
Invité de France Inter le matin même (vidéo ici), l’ancien haut commissaire à la Jeunesse Martin Hirsch s’inquiétait du thème principal de la campagne d’Arnaud Montebourg autour de la "démondialisation". En somme, cette "démondialisation" ne ferait qu’opposer
« les pauvres des pays riches à ceux des pays pauvres ». C’est une position (égoïste) qui, selon le créateur du RSA, n’a rien de gauche,
elle qui base ses valeurs sur la générosité et l’ouverture.
Partisan au contraire d’une « remondialisation
sociale », Martin Hirsch sait de quoi il parle puisqu’il cherche à créer depuis un an, sous la direction de l’ancienne Présidente du Chili, Michelle Bachelet, une couverture sociale à
l’échelle mondial. Il disait ainsi le 5 avril 2011 : « Les inégalités dans un pays et les inégalités entre pays sont indissociables. Évidemment,
les inégalités ne peuvent pas générer de développement durable. ».
De tout cela (construction européenne, crises étrangères, protection sociale universelle mondiale), il n’en a jamais été question. C’est ainsi qu’on
peut mesurer les priorités du futur candidat socialiste.
Dans trois jours…
Probablement que la tragique disparition de Steve Jobs, le fondateur d’Apple, va éclipser pour quelques jours la primaire socialiste de la
vitrine médiatique.
De toute façon, comme le twitterait le hollandiste Pierre Moscovici, alea jacta est (que Pierre Desproges
traduisait malicieusement par : « Ils sont bavards à la gare de l’Est. »).
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (6 octobre
2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le premier débat de la primaire
socialiste.
Le
deuxième débat de la primaire socialiste.
La primaire et l’esprit des institutions.
François Hollande.
Martine Aubry.
Ségolène Royal.
Manuel Valls.
Arnaud Montebourg.
Jean-Michel Baylet.
(Illustration du bas : présentation des six candidats réalisée par RTL avec des photos de Reuters).