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"To be Irish is to know that in the end, the world will break your heart." - Daniel Patrick Moynihan.
Il s'agit d'un épisode dans l'ensemble assez inégal, ou plutôt, qui commence doucement pour se clôturer sur un final tendu véritablement magistral.
En effet, il met quelques minutes à prendre pleinement son envol. Les funérailles de Huey se préparent. Dokey recherche toujours avec obstination le meurtrier de son frère, voulant reconstituer son emploi du temps le soir où il a été tué. Or, à chaque fois, il revient à la même chose : il a visité la famille Donnellys à l'hôpital, puis s'est rendu dans le fameux bar avec l'italien. Dokey fouille, mais ne trouve pas de preuves solides, autre que son intime conviction qui se forge peu à peu. Malheureusement Jimmy n'est plus en prison, et Jimmy fait ce qu'il sait mieux faire : boire et parler. Notamment du fait que ses frères aient tué pour lui. Conversations de comptoir et de flirt très dangereuses. Je crois que le seul sentiment qui prédomine devant le spectacle affligeant que ce personnage offre est un certain écoeurement. Sorte de figure pathétique, élément déclencheur des troubles, sans aucune notion rationnelle de la situation, et ce qu'il soit drogué ou faisant une crise de leadership, s'énervant que Tommy prenne tout en charge. C'est frustrant parce qu'en quelque sorte, ça met en exergue la vanité de toutes les actions de ses frères, et surtout de Tommy, pour lui sauver la peau, initialement. Cela ne peut rester un 'one shot'. On est confronté à l'irrésistibilité d'un cycle infernal : Jimmy reste un problème, et au vu de la compromission de ses frères pour venir à son secours, ils se sont finalement engouffrés dans une voie sans retour. Il les entraîne en quelque sorte dans sa chute.
C'est sans doute le thème de récurrent de l'épisode : il n'y aura pas de retour en arrière. Se protéger finira par entraîner de lui même les futurs évènements. Une fois que l'on est pris dans l'engrenage, il n'y a plus de sortie possible. Inéluctablement, en écho à la citation d'ouverture, c'est Jenny qui se détourne devant les dangers soudain générés par sa simple connaissance de Tommy, par le fait qu'il tienne à elle. En effet, Dokey s'adresse à elle pour qu'elle le renseigne sur la fameuse nuit du meurtre. Elle était à l'hôpital. Tommy est-il resté toute la nuit ? Elle fournit l'alibi, en guise de dernier soutien à Tommy. Tout au long de l'épisode, elle s'éloigne. D'abord, les scénaristes nous introduisent un flirt potentiel, présenté comme l'anti-Tommy. Mais elle désapprouve aussi une à une toutes les décisions que prend son ex-amant. Il assiste à la messe funèbre, au rang de la famille de Huey. Toujours à la demande la veuve, il organise la veillé dans le bar de Jimmy. Enfin, il donne un discours de fin, hommage public, toujours demandé par la ravissante veuve... Une hypocrisie que Jenny ne peut supporter. Elle finit par se tourner vers ce flirt si 'gentil'. J'ai bien aimé cette construction dans l'épisode qui marque par étape l'éloignement progressif avec ce côté inéluctable.
Mais le plus réussi est sans conteste la veillée funèbre. La tension est extrème. Les soupçons de Dokey inquiètent les frères, particulièrement Kevin. Jimmy fidèle à lui même arrive saoûl. Dans la cave du bar, Dokey et sa hache, ayant entraîné Jenny avec lui, décide de découvrir une fois pour toute ce qu'on lui cache. Ce jeu de volontés et de manipulation est bien retrancrit et très prenant. Finalement, Tommy trouve une voie médiane, en évoquant pour la première fois les problèmes qu'ils avaient avec les italiens, que Huey devait 'théoriquement' régler, mais en omettant l'absence d'effectivité de cette 'aide'. Réussi au point de vous faire oublier les hésitations du début de l'épisode.
Finalement, le principal reproche que je ferais à la série, après ces trois épisodes, est le monolithisme de tous les personnages. Il n'y a pas vraiment d'interrogations, ni de subtilités dans les portraits qui nous sont dressés. La série ne joue pas du tout dans le registre de l'ambiguïté. Ca lui confère une certaine distance, justement, car l'humanité des personnages est à peine effleurée. Là où d'autres séries aiment à nous introduires dans les failles, dans un intime qui tranche avec l'apparence renvoyée, ici, nous restons face à des personnages qui n'ont jusqu'à présent qu'un seul versant. Ce choix se défend sans aucun doute au vu du résultat, mais il en reste comme conséquence, une galerie de personnages qui s'inscrivent dans un canon rigide, qui peut les mener sur la pente de la caricature.
Bilan : Je critique, mais ça ne m'empêche d'avoir bien aimé cet épisode. Une première dizaine de minutes un peu molles, mais ensuite une tension qui va crescendo magistralement mise en scène jusqu'au final dans la cave.
Se profile également à l'horizon de nouveaux ennuis mafieux, avec des tensions entre la mafia irlandaise et la mafia italienne, sur le fait d'honorer les engagements pris par Huey, que Dokey ne parait pas approuver.
Dommage que le suspense va sans doute plutôt être de savoir si NBC diffusera tous les épisodes produits ou non...