Echange Standard (The Change-up)
Résumé: Amis d’enfance, Dave (Jason Bateman) et Mitch (Ryan Reynolds) ne pourraient pas avoir des vies plus différentes. Le premier est un père de famille rangé, avocat dans une grande firme, tandis que le second est un ado attardé, acteur à ses heures et séducteur insatiable. Un soir de beuverie, alors qu’ils sont en train de vider leur vessie dans une fontaine, ils formulent tous les deux le souhait d’échanger leur vie. Et au réveil, ils s’aperçoivent avec horreur que leur souhait s’est exaucé…
L’échange de corps est un thème très classique du fantastique, que ce soit en littérature, au cinéma, ou dans les séries TV. On se demandait donc bien comment David Dobkin (réalisateur du très fun Sérial Noceurs) allait pouvoir apporter un peu de nouveauté à ce thème usé jusqu’à la corde. La réponse est simple : il n’en apporte aucune. Echange Standard est donc une comédie tout ce qu’il y a de plus classique, l’occasion pour les deux personnages principaux d’effectuer un parcours initiatique qui leur apprendra les vraies valeurs de la vie (travail et famille pour changer). C’est mignon, souvent bourré d’énormités un peu dures à avaler (Mitch qui devient un as du barreau en quelques jours) et ça se termine sur une morale mièvre et agaçante, mais heureusement le professionnalisme des deux acteurs principaux permet de faire passer la pilule.
Le film n’est pas entièrement mauvais, et comporte quelques francs moments de rigolades, comme lorsque Mitch tente de s’occuper des bébés de Dave, ou lorsqu’il doit répondre à des questions pointues d’avocats lors d’un meeting pour une fusion. Reynolds et Bateman s’amusent comme des petits fous à singer le jeu de l’autre, et leur bonne humeur communicative permet de ne pas trop s’ennuyer. Le film se vautre parfois lamentablement, notamment dans les moments d’émotion (Leslie Mann, habituellement excellente, est ici gonflante en femme mariée geignarde) et dans un humour parfois un peu trop gras (le jet de merde en début de film, le tournage du film porno).
En clair, Echange Standard n’apporte absolument rien de nouveau au petit monde de la comédie américaine, et en tentant de singer la méthode Apatow se plante souvent dans les grandes largeurs (la relation entre Mitch et son père, totalement artificielle). Reste un duo de bons acteurs et quelques bonnes scènes qui font que l’on reste néanmoins jusqu’au bout.
Note : 5/10
USA, 2011
Réalisation : David Dobkin
Scénario : Jon Lucas, Scott Moore
Avec: Jason Bateman, Ryan Reynolds, Leslie Mann, Olivia Wilde, Alan Arkin
30 Minutes Maximum (30 Minutes or less)
Résumé: Un livreur de pizza malchanceux (Jessie Eisenberg) est kidnappé par deux homes masqués qui le sanglent dans une veste munie d’une bombe. Il a 10 heures pour leur ramener $100 000 où la bombe explosera…
Après le succès public et critique du très réussi Bienvenue à Zombieland, Ruben Fleisher était forcément attendu au tournant pour son second film. Pour cette seconde aventure, il retrouve l’acteur principal de son premier long, Jesse Eisenberg, pour cette fois une plongée pleine de nostalgie dans le buddy movie façon années 80. Il est d’ailleurs assez étonnant de constater que Fleisher semble suivre les traces d’Edgar Wright, qui après le film de zombies Shaun of the Dead avait lui aussi enchainé avec un hommage aux buddy movies, l’excellent Hot Fuzz. Mais la comparaison s’arrête là, puisque les deux réalisateurs ont des sensibilités très différentes et leurs films sont eux aussi très différent.
30 Minutes Maximum lorgne pas mal du côté de Speed (pour la contrainte de temps imposée au héros) et surtout L’Arme Fatale, cité à plusieurs reprises, dans la dynamique du duo. Un duo excellent et complémentaire, composé donc du toujours impeccable Jesse Eisenberg, et d’Aziz Ansari, étoile montante de la comédie américaine (on a pu le voir notamment dans Get him to the Greek et dans Funny People). Face à eux, dans le rôle des bad guys, un autre duo, composé de l’hilarant Danny McBride, qui compose un personnage un peu plus sombre qu’à l’accoutumée, et de Nick Swardson (star de la série Reno 911 !).Seule la jolie Dilshad Vadsaria a un peu de mal à faire vivre un personnage un peu terne au milieu de tous ces hommes rivalisant de folie.
Le film bénéficie d’un scénario très écrit, dans lequel même les éléments a priori accessoires ont leur importance, et qui alterne avec adresse les moments de bravoures (la poursuite en voiture, l’affrontement final) et les très bons passages comiques. On rit de bon cœur, grâce à des dialogues ciselés débités par des acteurs au mieux de leur forme, et à des situations originales et hilarantes (le hold up très amateur de la banque, le vol de la voiture…). Fleisher et ses scénaristes ont de plus l’intelligence de ne pas tomber dans la parodie facile, en ne galvaudant pas les enjeux du film. Les bad guys ont beau être un peu loufoques, ils n’en restent pas moins dangereux et déterminés (et pas totalement idiots), et la menace qu’ils représentent pour le héros est bien réelle.
Bref, à l’instar de Zombieland, 30 Minutes Maximum est un vrai bonheur de cinéma, un film qui marie avec adresse comédie et action en un cocktail détonnant permettant de passer 1h30 de détente sans aucun regret.
Note : 8/10
USA, 2011
Réalisation : Ruben Fleisher
Scénario : Michael Diliberti, Matthew Sullivan
Avec : Jesse Eisenberg, Danny McBride, Aziz Ansari, Nick Swardson, Dilshad Vadsaria
La Taupe (Tinker Taylor Soldier Spy)
Résumé : En pleine Guerre Froide, George Smiley, l’un des meilleurs agents du « Cirque », le QG des services secrets britanniques, est sorti de sa retraite par le premier ministre pour une mission particulière. Il doit débusquer une taupe à la solde de l’Union Soviétique, implantée au plus haut niveau de commandement du Cirque depuis des années.
A l’instar de nombre de ses confrères, Tomas Alfredson, réalisateur du très remarqué Morse, a fini par sauter le pas du tournage en langue anglaise. Mais plutôt que de céder aux sirènes hollywoodiennes et de continuer dans le fantastique, il a préféré s’exiler au Royaume-Uni pour s’attaquer à une adaptation d’un célèbre roman de John Le Carré (déjà adapté en 1979 en une mini-série mettant en vedette Alec Guiness). Le changement de registre est donc total, puisque La Taupe est un pur film d’espionnage à l’ancienne.
Autant le dire tout de suite, on est ici très loin de l’espionnage glamour et pétaradant à la James Bond, La Taupe étant plutôt un film cérébral et froid (du moins en apparence), à l’instar du précédent opus du réalisateur. La réalisation est donc très posée, presque effacée, la photographie volontairement terne, afin de coller au plus près à l’ambiance feutrée d’une enquête anti spectaculaire. Un parti prix artistique qui pourra surprendre, et qui en rebutera certainement plus d’un, d’autant que l’intrigue du film est assez compliquée, avec de multiples personnages aux relations complexes, et de nombreux flashbacks. Il est donc assez ardu de rentrer dans le film, et la première demi-heure pourra décourager de nombreux spectateurs. Cependant, le film prend son envol lors de l’entrée en scène du personnage interprété par Tom Hardy, qui fournit enfin un point d’ancrage émotionnel grâce à son histoire d’amour tragique avec la femme d’un espion soviétique. A partir de ce moment, le film « s’ouvre » enfin et révèle toute la maestria de son réalisateur. Car plutôt que de livrer un blockbuster prémâché aux dialogues lourdement explicatifs, Alfredson préfère offrir une œuvre dans laquelle le jeu des acteurs, les subtils mouvements de caméra (le flashback sur la fête de Noël du Cirque, véritable colonne vertébrale du film autour duquel s’articulent tous les enjeux émotionnels) et les non dits sont autant d’indices pour pleinement saisir les tenants et aboutissants de l’intrigue. Car sous ses dehors austères, La Taupe est un film dans lequel les sentiments et émotions humaines possèdent une place centrale. Le film propose aussi quelques très bonne scènes de suspense, notamment lorsque l’un des personnages doit sortir en secret un dossier des archives du Cirque.
Entièrement au service du réalisateur et de son histoire, l’impressionnant casting du film se plie lui aussi à l’apparente froideur du métrage. Le jeu de Gary Oldman est minimaliste (ce qui peut étonner quand on se souvient de la propension au cabotinage génial de l’acteur) mais sied parfaitement à un personnage dont la principale qualité est l’esprit d’analyse, mais qui semble perdu dans une vie terne et sans but. Mais celui qui remporte le morceau haut la main est l’excellent Mark Strong, qui se voit offrir un des personnages les plus passionnants et émouvants de sa carrière.
La Taupe est donc un très bon film, certes difficile d’accès et exigeant, mais qui offrira un grand moment de cinéma au le spectateur prêt à lui ouvrir son cerveau et son cœur.
Note : 8/10
Royaume-Uni, 2011
Réalisation : Tomas Alfredson
Scénario : Peter Straughan, Bridget O’Connor
Avec: Gary Oldman, Tom Hardy, Mark Strong, John Hurt, Colin Firth, Toby Jones
Not quite Hollywood: The Wild, untold Story of Ozploitation!
Résumé: L’histoire du cinema de genre australien, des années 70 à nos jours.
Réalisateur de l’excellent Machete Maiden Unleashed, qui relatait l’histoire du cinéma de genre philippin, Mark Hartley n’en était pas à son coup d’essai. Il avait en effet mis en scène de nombreux documentaires et making-of, dont celui du Razorback de Russel Mulcahy, et a fait son entrée réelle dans le monde du cinéma en 2008, avec Not quite Hollywood, documentaire s’intéressant au cinéma de genre australien.
Not quite Hollywood appliquait déjà la formule gagnante de Machete Maiden Unleashed, à savoir un montage dynamique, une bonne dose d’humour, et surtout un respect immense pour les films présentés, quelle que soit leur qualité. En résulte un documentaire passionnant sur un pan méconnu du cinéma australien (du moins du grand public), bourré d’anecdotes intéressantes (voir l’excellente partie sur les cascadeurs) ou hilarantes (le passage sur le nanar Hurlements 3). Les intervenants ont soigneusement choisis, soit pour leur participation à cet âge d’or (George Miller est de la partie) soit pour rendre hommage à ces films qui les ont marqués (Jamie Blanks, Greg McLean) et apportent un éclairage pertinent sur les films présentés. Seul un Tarantino volubile finit par fatiguer un peu, tant au final il passe plus de temps à qualifier toutes les bandes présentées de chefs d’œuvres qu’à apporter des éléments décisifs au film, mais son enthousiasme est communicatif. De plus, sous ses dehors de film de potache rigolard, Not quite Hollywood n’oublie pas non plus de rester sérieux lorsqu’il le faut, notamment lorsqu’il dénonce la façon dont les instances culturelles australiennes ont tenté d’enterrer tout ce pan de la cinématographie du pays sous prétexte que ces films « faisaient tâche ».
Bref, Not quite Hollywood était déjà un très beau coup d’essai pour Mark Hartley, qui on l’espère continuera dans le futur à réhabiliter d’autres cinémas au travers de nouveau documentaires.
Note : 8/10
Australie, 2008
Réalisation : Mark Hartley
Scénario : Mark Hartley