Le voilà qui continue sa vie bon en mal en, à chercher, à tenter de trouver des solutions pour payer le loyer, à regarder avec décrépitude le fond de ses poches à la recherche d’une pièce de deux euros pour jouer un tiercé gagnant qui pourrait lui permettre de remporer le gros lot, si seulement il avait cette chance… mais la chance frappe trop rarement à la porte des malheureux.
Alors, il joue avec le cafetier et tous les deux font des calculs savants pour dresser le tiercé dans l’ordre, mais l’autre est toujours cafetier et lui, toujours misérable. Parfois il gagne quelques centaines d’euros, mais il les cache et il me dit :
- - Regarde, j’ai gagné 450 euros, je les planques sinon elle me les pique.
- - Pourquoi ?
- - Pour faire les boutiques.
- - Ah !
Je n’ai rien eu à ajouter à part ce Ah ! plein de morosité face à son désarroi.
Au Café d’en face, Momo l’éboueur marocain qui fait le ménage, et qui a été élevé dans la cité de la Meinau, se retrouve seul à nouveau, j’ai commis l’erreur de lui demander comment allait son couple. Jeune marié, il avait fait venir sa femme du Maroc, elle a tenu un mois et elle repartie en demandant le divorce, elle n’a pas supporté sa vie en France, et pourtant son mari a fait des efforts pour tenter de l’intégrer mais vraisemblablement pas suffisamment, la vie des jeunes couples et des vieux est de plus en plus compliquée en situation de crise.
Le cafetier qui l’a vu naître s’est moqué de lui devant moi, j’étais gêné :
- Non mais regarde-le, t’as vu son bide, on dirait qu’il est enceinte à 25 ans, comment veux-tu qu’il baise sa femme avec son ventre, sa bite est toute "miscule", elle rentre même pas. Je l’avais prévenu, elle vient du Bled, et tu le crois pas, lui, il joue les patrons, il la délaisse, il rentre le soir, il attend d’être servi, mais c’est normal, à sa place moi aussi j’aurais foutu le camp… Je t’avais prévenu Momo, je te l’avais dit, mais il écoute rien ce gosse, enfin, si son père lui dit de faire un truc n’importe quoi, il le fait, mais il avait pas à écouter son père sur sa façon de se conduire avec les femmes, aujourd’hui, les femmes elles attendent autre chose…
Je lui ai demandé de cesser car il n'y rien de plus désagréable que d'être témoin de la moquerie et de l'humiliation publique d'un homme, mais lorsqu’il est lancé, rien ne peut plus l’arrêter, c’est un comédien né. Momo baissait les yeux, je sentais monter les larmes en lui, des larmes de colère teintées de désespoir. Ce garçon était triste, cela se voyait, et l’autre insistait, lorsqu’il eut fini, Momo s’est éclipsé puis il est revenu en me disant :
- - Tu sais, il sait pas tout.
- - Je sais Momo, je sais, et je ne te juge pas, je suis juste triste pour toi.
- - Tu sais, il sait pas ce qui se passe dans mon lit, ni chez moi.
- - Ne t’inquiète pas cela ne me regarde pas, je ne suis pas là pour juger.
J’ai terminé mon thé et mon ami est arrivé après son entrevue avec l’avocat qui doit s’occuper de ses affaires.
Fidèle à lui-même, analysant avec recul, il commence à avoir le détachement nécessaire tout en ayant compris que tout ce qu’il a bâti en 30 ans s’écroule, il comprend également qu’il doit penser à l’avenir, l’avenir à 60 ans, oui, c’est possible, c’est encore possible, il garde cet impossible espoir, mais pas improbable de pouvoir s’en sortir dans une situation économique peu propice au succès, et oui, tout le monde tire la langue, étranglé par un système pervers qui pousse les uns et les autres à devenir des loups enragés, un peu comme sa femme avec leurs filles.
Tous les jours, du nouveau, un nouveau scandale familial, des hurlements de singes hystériques et de chiennes enragées, et lui, le sage, le trop sage se met les mains sur les oreilles et disparaît dans le sommeil et la maladie, car il somatise et le mal lui tombe sur les bronches, lui, le pauvre asthmatique.
Chez lui, sa seconde fille, la plus odieuse, la plus arrogante, celle qui ressemble tant à sa mère, souffre également de maladies psychosomatiques et dès qu’une contrariété se présente, elle développe des douleurs dorsales, des maux de têtes, des migraines épouvantables, elle a tellement mal qu’elle ne peut pas travailler, elle a trouvé son refuge, le refuge à sa naturelle fainéantise, la maladie, c’est tellement plus commode et lui, dès qu’elle a mal, il galope comme si les forêts vosgiennes étaient en feu, il l’amène chez des médecins qui prescrivent des antidouleurs et des calmants pour apaiser la douleur factice d’une malade imaginaire. Elle a raté son Bac l’année dernière tout en rejetant la faute sur ses profs, sur l’école, sur le monde entier, c’est évidemment de la faute des autres, elle tient bien de sa mère, la brave petite. La dernière fois en conduite accompagnée, elle a manqué d’écraser un piéton :
- - Non c’est à moi de passer pas à lui, s’il traverse tant pis pour lui, c’est à moi de passer. Ne cessait-elle de répéter furieuse et convaincue d'être dans son bon droit, parce que tout ce qu'elle pense et dit, est une vérité pure comme l'eau sortant de la pierre dans le désert frappée par Moïse pour les Hébreux. C'est bien la fille de sa mère, cette je sais tout de je ne sais rien.
J’ai dit à son père :
- - C’est la dernière fois que je monte en voiture avec cette irresponsable, je ne veux pas être le complice de sa folie meurtrière.
- - Je comprends, mais que veux-tu, elle est comme sa mère.
- - C’est pas une raison pour écraser tous les passants de la terre parce qu’ils se trouvent là où ils la dérangent. cette fille est complètement folle, c'est un danger de la laisser conduire, ll ne faut pas qu'elle réussisse à passer son permis, elle est trop instable et manque cruellement de maturité.
Elle est tellement douée cette enfant qui sait tout, qu’elle a raté son inscription cette année à la Faculté, elle a du se rattraper dans une boite privée pour faire un BTS tourisme, le genre de boite à fric qui donne une formation pour aller pointer à l’ANPE. Alors, sa femme s’est rendue à la scolarité et a fait un chèque de 5000 euros :
- - Mais pourquoi tu as fais ce chèque, tu sais bien que l’on ne peut pas payer, on en doit 200 000 à la banque et toi tu fais un chèque de 5000 euros sans réfléchir. Lui dit-il dépité.
- - On se débrouillera.
- - Non, on ne peut plus se débrouiller, tu es aveugle ou quoi, tu ne vois donc pas dans quelle situation nous sommes ?
Non, elle ne voit pas, et en fait, elle s’en fiche, son mari trouve toujours un moyen, sauf qu’aujourd’hui, des moyens il n’en n’a plus, mais alors plus du tout. En revanche, j’ai conscience qu’il ment, il ment à tout le monde pour éviter d’entrer en conflit, pour fuir la réalité, il couvre encore sa femme qu’il rêve de quitter alors qu’il est incapable de le faire, il dit ne plus l’aimer alors qu’il l’adore, il sait qu’elle est bête et dangereuse, mais il n’aura jamais le courage de s’en séparer, c’est un siamois tordu qui passe son temps à rêver sans jamais agir.
Et il n’est pas au bout de ses peines, sa première fille l’année passée avait oublié de se présenter à ses examens à la Fac, une panne de réveil, un acte manqué qui sait, un laisser-aller remarquable de la part d’enfants qui n’ont jamais manqué de rien et qui n’ont pas plus appris à se battre pour quoique ce soit.
Quand à la dernière, c’est Bin Laden en jupon, qui ne pense qu’à une chose profiter de tout et de tous. Son père est réduit au rôle de taxi et de banquier, jamais elle ne lui demande comment il va, s’il a bien travaillé, elle s’en désintéresse complètement, la seule chose qui compte c’est son « phone », ses SMS, son abonnement, Itune Store qui coûte une fortune à son père en prétendant que ce n’est pas elle qui télécharge, ses copines avec lesquelles elle glousse, elle se maquille, elle dit du mal de tout le monde sans le moindre remord, en dehors de sa vie de bohême, c’est la belle vie, l’oisillon toujours la gueule ouverte qui attend la becquée avec un appétit d’ogre.
Le pauvre est un étranger au cœur de sa propre famille, sa femme est parvenue à faire de lui le paria, le responsable, l’inutile, le banquier ruiné qui doit, quoiqu’il arrive fournir, comme un dealer fournit sa drogue à ses clients, son rôle est de ramener du pognon, on se fiche de savoir s’il est malade, s’il souffre, s’il peine à creuser dans un puits en béton avec une pioche en plastique, le pognon, il doit en trouver quitte à arnaquer ses meilleurs amis pour nourrir sa famille de vampires.
Ses frères au courant du drame lui demandent pourquoi il n’a pas agi plus tôt, pourquoi a-t-il laissé faire, il est conscient, il sait, il accepte, il ne sait pas pourquoi il a ainsi laissé cette situation miner les fondations de sa vie. Il est perdu. Un de ses frères lui a proposé de tout laisser tomber et de venir le rejoindre dans sa maison :
- - Et mes filles ?
- - Elles ont plus de 18 ans, et nous, on a fait comment à leur âge ? On est parti bosser, on n’a rien demandé à personne
- - Et la dernière ?
- - Sa mère n’a qu’à s’en occuper.
- - Tu parles…
La dernière, elle s’occupe toute seule, elle passe sa vie dans la famille de ses amies, à 14 ans elle rentre à la maison comme elle va à l’hôtel et ses parents n’ont qu’à bien se tenir. Si sa mère l’engueule, et comme elle ne sait pas parler avec gentillesse, la gosse se tire en claquant la porte, mériterait-elle une baffe, c’est difficile à dire, sa réaction s’explique par l’abandon total d’une mère qui a parfois des velléité maternelles lorsque cela l’arrange, mais une enfant de cet âge n’a justement pas besoin d’une mère caractérielle, absente, n’ayant aucune psychologie et pas une once d’intelligence.
L’adolescente est victime de l’inconséquence d’une mère caractérielle et d’un père lâche qui a baissé les bras face à cette détresse qu’il ne peut, qu’il croit ne pas pouvoir éviter.
La sœur de cet ami, qui me rappelle tant sa mère que j’aimant tant, a décidé de reprendre son frère en main :
- - Je suis ta petite sœur, mais là, je suis bien plus, je suis ta mère, et je vais tout faire pour que tu retrouves le bonheur de ta vie, parce que s’il t’arrive quelque chose, je ne le supporterais pas, pire, je meurs. Alors d’abord, tu vas reprendre ta vie en main et tu vas placer tes couilles sur Facebook, parce que moi, j’ai plein de copines qui sont prêtes à venir te cajoler. Et tu balances ta pétasse vite fait. Ensuite, tu reprends rapido ta petite dernière en main parce que je ne sais pas si tu as vu sa page sur Facebook, c’est du délire, tu dois la reprendre avant qu’elle ne sombre dans la drogue, ou pire...
- - Pire ? Tu crois ?
- - Et comment je crois, t’as vu sa photo ?
- - Quelle photo ?
- - Celle où elle embrasse une fille sur la bouche.
- - Quoi ? Ma fille embrasse une fille sur la bouche ?
- - Oui je te jure, tu n’as qu’à regarder, il faut que tu fasses quelque chose et vite.
- - Mais quoi ?
- - Sois plus fort.
- - Mais elle ne me laisse pas.
- - Qui, ta pétasse de femme ?
- - Oui, mais arrête, elle est tout de même pas si pétasse que ça.
- - Ah bon, elle est pas si pétasse, et bien moi qui suis une femme je peux te dire qu’elle s’est mise en mode recherche depuis ton anniversaire, sa chatte c'est une tête chercheuse de bite. Tu sais ce que ça veut dire ?
- - Non, qu’est-ce que ça veut dire ?
- - Ça veut dire qu’elle cherche à allumer un gros cigare, mais le pas le tiens, c'est sûr.
- - Et bien, si seulement elle pouvait partir avec son gros cigare sous le bras, je la donne à qui veut la prendre, car le suivant ne sait pas ce qu’il va gagner avec elle.
- - Tu dois t’en débarrasser.
- - Oui, je sais, mais c’est pas si facile, on n’efface pas 30 ans de vie commune d’un trait, et puis sans argent...
- - Oui, mais tu parles d’une vie. Bon, je te file le numéro de mes copines, j’en ai une tu vas voir, un canon, enfin, un peu boulotte, mais très bien…
Dimanche dernier, il a passé son après midi au téléphone avec les copines de sa sœur, enfin il pouvait parler à des femmes sans qu’elles ne lui hurlent dessus, il était heureux de réaliser qu’il pouvait intéresser encore un peu. Il y a en avait une en particulier qui semblait s’intéresser à lui plus que els autres, mais qui en lui faisant l’état des lieux de sa fortune personnelle l’a fait frémir :
- - Philippe, elle a une maison ici, deux appartements là, un Ryad au Maroc, et moi…
- - Quoi toi ?
- - Moi j’ai rien qu’un magasin en faillite et je suis couvert de dettes, tu ne crois tout de même pas que je vais intéresser une femme comme ça dans ma situation.
- - Tu n’es pas obligé de lui dire, laisse d’abord venir les sentiments, après tu aviseras.
- - Mais enfin, un homme de mon âge avec rien, et quand je dis rien, c’est rien, c’est suspect tu ne crois pas.
- - Et bien tu es ruiné, ça arrive non ?
- - En général les gens ruinés ils ont toujours un pactole caché dans un compte en Suisse…
- - Et toi, tu n’as qu’un compte en cieux…
- - Ah, Ah, très drôle, t’as pas autre chose.
- - Écoute laisse venir, ensuite on verra.
Le lendemain, sa sœur lui téléphona pour lui annoncer :
- - Écoute, je sais pas ce que tu lui as fait à celle là, mais elle est folle amoureuse de toi, elle t’a écris des poèmes… Attends je te lis...
- Non pas la peine, lui répondit-il.
- - Déjà, lui demandais-je, c’est pas super, elle ne te connaît pas, et déjà elle t’aime, celle-là elle est grave…
- - Grave, me répondit-il, pire que ça, ma sœur me rappelle tout à l’heure pour me dire :
- Laisse tomber celle-là, c’est la plus moche, je t’ai dis elle est boulotte, mais non, c’est un hippopotame.
- Bon alors je fais quoi ? Me demande-t-il perdu.
- - Tu plonges dans la mare pleine de merde et tu bats la queue pour faire de l’épandage.
- - T’as pas autre chose à me conseiller.
- - Mais je ne sais pas, si tu veux rencontres là, tu verras bien, on ne peut pas juger un être sur si peu d'éléments.
- - La rencontrer, j’ai même pas l’argent pour lui payer un resto.
- - Alors laisse tomber.
- - J’ai bien quelques objets que je pourrais vendre sur le net, mais il faut que tu m’aides.
- - Mais tu ne peux le faire tout seul, non ?
- - Non, il ne faut pas que ma femme sache que j’ai une réserve d’argent, sinon elle me pique tout.
- - Mais enfin, tu n’es pas un gamin, tu peux dire non !
- - Tu ne la connais pas.
- - Si justement, si tu étais plus ferme, elle te respecterait d’avantage, car elle ne connaît que le rapport de force et le conflit, mais comme tu fuis, elle ne te respecte pas.
- - Oui, je sais mais ce n’est pas comme ça que j’envisageais la vie de couple.
- - Tu sais ce que disait Hitler des femmes ?
- - Non qu’est-ce qu’il disait ce sale type .
- - Il disait : « Un homme supérieurement intelligent doit épouser une femme primaire et stupide », ma question est : es-tu un homme supérieurement intelligent ?
- - Non, je suis un con, un simple con, un modeste con, mais ma femme est bien primaire et stupide, je suis d'accord avec Hitler pour une fois.
A suivre…
PS : Ce texte n'est pas libre de droit merci de votre compréhension.