[Critique] DRIVE de Nicolas Winding Refn

Dans Valhalla Rising, Nicolas Winding Refn réinventait le film de vikings; dans Drive, il insuffle sa patte à un tout autre genre : la série B avec bagnoles, flingues, beau gosse au volant et princesse triste à sauver. Sauf que malgré la bestialité toute dégoulinante qui se dégage et du pitch et de la plastique parfaite de Ryan Gosling, Drive n’est pas un film de mecs. C’est un film pour cinéphiles. Le cinéaste danois excelle à chaque plan, transforme chaque séquence en œuvre d’art, surprend d’un bout à l’autre, alternant démesure et intimisme, accélérations brutales et lenteur assumée. L’histoire, elle, est une nouvelle fois minime (un cascadeur peu causant, des courses poursuites, du sang, une femme) mais l’essentiel est ailleurs : un esthétisme qui touche au sublime où se côtoient vision romanesque de l’amour absolu et déchaînements de barbarie. Vie et mort, main dans la main, dans une étreinte à la poésie noire et aux instantanés d’ores et déjà cultes.
En quelques séquences folles (celle dans l’ascenseur, ou la parenthèse bucolique), le réalisateur danois livre une leçon de cinéma réjouissante, qui recrache mille références à la seconde pour mieux se réapproprier le meilleur de ses modèles. On pense à l’érotisation de la violence de Tarantino, à la mélancolie furieuse de Lynch, aux antis héros de Mann. Drive magnifie la violence urbaine de L.A, introduit certaines réflexions en filigrane (le lien fiction/réel que l’on retrouve dans Muholland Drive notamment), et frappe la noirceur de son intrigue par des éclaircies anachroniques et romantiques absolument renversantes. C’est une claque visuelle, intense, stimulante, au design ultra soigné et à la carrosserie époustouflante. Un must de l’année.

Prix de la Mise en scène au Festival de Cannes 2011.