Le royaume saoudien ne cache plus sa colère à l’égard de ce qu’il considère comme la position inacceptable de Washington sur la requête que les Palestiniens vont déposer à l’ONU en septembre d’une reconnaissance de leur état sur les lignes d’avant la guerre de juin 1967. Et la monarchie pétrolière brandit la menace d’une crise bilatérale grave si les Etats-Unis maintiennent leur décision d’opposer leur véto au souhait des Palestiniens.
Dans une contribution au New York Times, le porte-parole officieux du royaume, le prince Turki al Faisal n’a pas maché ses mots : « Usez de votre véto, et vous perdrez un allié », a écrit l’ancien patron des services de renseignement saoudiens. Ce n’est pas la première fois que le prince met ainsi en garde les Etats-Unis sur les conséquences de leur soutien indéfectible à Israël, il l’avait déjà fait en juin dans un article pour le Washington Post. Mais, alors que l’échéance onusienne approche, le prince a exprimé l’irritation croissante du géant pétrolier, allié stratégique des Etats-Unis dans la région la plus instable du monde. Si les Etats-Unis ne soutiennent pas la demande palestinienne d’une reconnaissance des frontières de leur état sur les lignes de 1967, « l’Arabie saoudite ne sera plus en mesure de collaborer avec les Etats-Unis comme le royaume l’a fait jusqu’à présent ».
La mauvaise humeur de Ryad intervient alors que d’autres pays musulmans proches des Etats-Unis ont remis en cause les relations qu’ils ont établies avec l’état hébreu. La Turquie a renvoyé l’ambassadeur israélien, au moment où le gouvernement de Recep Erdogan, un islamiste modéré, a écarté du pouvoir des responsables militaires qui ont toujours garanti que la patrie de Moustapha Kemal Ataturk ne se dissocie pas des intérêts de l’Occident. Et, en Egypte, le personnel diplomatique israélien a dû être évacué aprés une série d’attaques contre l’ambassade israélienne au Caire, par des manifestants qui ont brûlé le drapeau de l’état hébreu.
Cette nouvelle tension au Moyen-Orient trouve ses racines dans un problème resté sans solution depuis des décennies. Un problème que la « guerre contre le terrorisme », dont les Etats-Unis ont commémoré le 11 septembre le début il y a dix ans, avait fait disparaître de la Une des journaux et des écrans de télévision. Un problème que les dirigeants et les médias, soudain intoxiqués par le « Printemps arabe », avaient oublié un moment. Mais un problème qui résiste à toutes les manipulations et à toutes les illusions. Celui de la création d’un état palestinien, indépendant et viable, aux côtés de l’état d’Israël.
La requête des Palestiniens, qui n’a aucune chance au Conseil de sécurité, mais peut être approuvée par l’Assemblée Générale de l’ONU, cherche à fixer les frontières de leur état, à les faire reconnaître par la communauté internationale, et à accroître la pression sur Israël. La reconnaissance des lignes de cessez-le-feu qui ont séparé les populations arabes et l’état hébreu de 1948 au 5 juin 1967, placerait Jerusalem-est et la Cisjordanie sous l’autorité de l’état palestinien. Les 500.000 Israéliens qui vivent sur ces territoires seraient considérés comme des occupants, et leur présence serait illégale.
La « question palestinienne », replacée ainsi au coeur du débat, va représenter un test crucial pour des pays occidentaux qui ont applaudi au réveil arabe. De Washington, à Londres et Paris, les aspirations à l’autodétermination des peuples en Tunisie, en Egypte, au Yémen, en Syrie ou en Libye, ont été acclamées et parfois activement soutenues. Une des plus anciennes revendications d’un peuple arabe, l’aspiration des Palestiniens à la création d’un état, va mettre la communauté internationale au défi de respecter ses propres principes. Ou d’être accusée, comme l’a fait Ryad, de pratiquer un double jeu hypocrite.